Dans la merde, mais bien debout
... Tels sont les personnages des films d'Aki Kaurismaki, nous explique Benoit Delépine, qui présente au Festival1
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A bord d'une Volga Noire, deux hommes et deux auto-stoppeuses traversent la Finlande des années 60. Une balade insolite, musicale et pince-sans-rire.
1960. Une Volga noire sillonne les routes de Finlande avec à son bord deux gros buveurs (Vodka, café) et deux auto-stoppeuses (Russe, Estonienne). Direction Helsinki. Voyage silencieux, ponctué de haltes musicales et de regards solitaires. Une balade noire et blanche signée Kaurismäki, donc forcément tendre et réchauffée d'humour (à froid). Unique.
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"L'un n'arrête pas de boire de la vodka, l'autre du café. Ils se réchauffent comme ils peuvent d'u
"L'un n'arrête pas de boire de la vodka, l'autre du café. Ils se réchauffent comme ils peuvent d'une vie triste à mourir. Ce sont deux pauvres types : un petit rabougri qui frime en costume de rocker et une armoire à glace, les cheveux longs et gras, qui n'ouvre pas la bouche. Ils roulent dans une vieille bagnole déglinguée, une Volga break noire. Pour quoi faire ? Pourquoi pas ! Drôle de film. Road movie en noir et blanc, sur une musique de rock (on est en Finlande, dans les années 1960). Un rock bas de gamme, mais qui exprime, tout de même, la révolte d'une génération... tandis que, sur l'écran, déambulent des héros complètement déboussolés. Kaurismäki aime les décalages. Sa méthode est de surprendre, mais, surtout, sans en avoir l'air. Car tout est dérisoire, a-t-il l'air de dire. Et le cinéma n'est peut-être pas plus important ou tout aussi important qu'un verre d'alcool pris sur le coin d'un comptoir avec un copain.
Tatiana est une comédie pince-sans-rire, à l'humour glacé, où, soudain, une situation devient sublime par son absurdité apparente : une grosse femme fume le cigare ; clic-clac ! enfermée dans un placard ! Sans raison... ou plutôt nous le saurons à la fin du film pour une raison idiote. Curieuse balade. Avec des gros plans d'objets que Kaurismäki filme comme des évidences... alors qu'il ne nous explique rien. Mais il lui suffit d'un plan fixe pour nous montrer comment une tasse de thé peut bouleverser le coeur d'un alcoolique. Ou d'une seule image pour nous faire comprendre qu'un car de touristes est en rade sur le bord de la route : deux mains autour d'une chambre à air. Une roue crevée, et voilà.
Voilà aussi pourquoi les deux idiots croisent le chemin de deux petites femmes insignifiantes. Deux étrangères ; l'une russe, l'autre estonienne : « Tu vois les deux abrutis finlandais ? On va leur demander de nous emmener au port. » Et les garçons se moquent d'elles, de leur accent... mais ils les prennent à bord. Drôle d'équipée : deux carpes et deux oisillons dans le même bateau. Silences. Le rocker et le muet sont gauches, mufles, embarrassés. Ils jouent les durs et sont pitoyables. Et il ne se passe toujours rien. Enfin, pas grand-chose. Une halte dans un hôtel, dans un hangar, où les deux femmes dansent. Comme ça, juste pour le plaisir...
Car rien n'a vraiment de sens, dans ce film, sinon le plaisir immédiat qu'il procure. Comme dans La Fille aux allumettes ou La Vie de bohème, Aki Kaurismäki dépeint un monde sinistre et dur, où la moindre distraction devient volupté. Parfois, la volupté n'est pas sans cruauté. Amère ironie du malheur : l'ouvrière de La Fille aux allumettes lisait Angélique, marquise des anges dans le bus ; et les modernes protagonistes de Hamlet goes business écoutaient des musiques de variétés à la radio. De toutes petites évasions. Ici, pour échapper à un univers aride, ni la musique ni l'alcool ne suffisent. Mais c'est lorsque quelqu'un pose sa tête sur votre épaule, vous tend la main, que tout paraît magique. Ce sont ces gestes-là, minuscules, qui réchauffent plus que tout et paraissent alors grands et magnifiques.
Kaurismäki est un désabusé, un désespéré, peut-être. Mais il y a souvent une petite place pour l'amour dans ses films, entre l'ironie et la noirceur. Ici, cette petite place devient immense. Et la virée saugrenue tourne à la plus émouvante des histoires d'amour. Alors, bien sûr, Tatiana est un tout petit film. D'ailleurs, il dure à peine plus d'une heure. Mais c'est une petite... merveille."
" ... au confluent de son oeuvre antérieure : les grandes fictions laconiques et désespérées (La Fille aux
" ... au confluent de son oeuvre antérieure : les grandes fictions laconiques et désespérées (La Fille aux allumettes, La Vie de Bohème) et la pochade en forme de road-movie (Leningrad Cowboys) - il est vrai que parfois le happy-end vient sublimer le mélodrame ou le drame (Ariel, J'ai engagé un tueur) et que le picaresque devient amertume (Leningrad Cowboys rencontrent Moïse).
Ici, donc, de moins en moins de séquences, de moins en moins de plans, de moins en moins de dialogues, au service d'une intrigue simple à l'extrême (...) Drame cocasse de l'inutilité de la communication par le dialogue, description désolée d'un monde sans attrait, le récit, parsemé de gags aussi percutants qu'isolés les uns des autres, en dit plus que bien des films qui se croient démonstratifs et réalistes.
Tourné dans un noir et blanc parfaitement adapté, Tatiana rappelle une phrase de son auteur (à propos de La Fille aux allumettes) selon laquelle un film de Bresson, en comparaison, serait une aimable comédie."
" Tiens, un bon film. Mieux que du Danemark et de ses larsvontrieries pré ou post-Dogma, c'est de Finlande que nous viennen
" Tiens, un bon film. Mieux que du Danemark et de ses larsvontrieries pré ou post-Dogma, c'est de Finlande que nous viennent les rares nouveautés scandinaves assez dignes pour qu'on les mentionne (...) Tiens ton foulard, Tatiana, petit mélodrame maussade d'Aki Kaurismaki, procède directement des deux cinéastes héroïques (...) Howard Hawks et John Ford.
Tiens ton foulard, Tatiana est un western autiste, un road-movie jarmuschien, tendrement inspiré par l'amour des grands sensuels du cinéma, Robert Mitchum, Montgomery Clift, Marlon Brando. Deux rockers dégénérés, amateurs de café et de vodka, s'y laissent draguer mollement par deux vagues putes de l'ex-Union soviétique. Comme dans La Captive aux yeux clairs, l'un des deux restera in extremis avec sa fiancée venue du froid pour un dénouement qu'on imagine aussi hawksiennement sinistre que les préambules inconséquents qui l'ont précédé.
Poltrons devant la vie, comme disait Bergman, ces deux Pieds Nickelés même pas farceurs sont des ersatz de cinéastes, du concentré de cinéphiles, des éjaculateurs sacrément tardifs. Ils se défoncent au rhythm'n' blues sixties, celui que réédite avec une précision maniaque Route 66, le grand label du grand frère suédois. On n'en dira pas plus, sauf que les postures de ces deux-là viennent tout droit des Deux Cavaliers, un Ford qui grandit à vue d'oeil ces jours-ci.
Un bon film, au fond, c'est un truc qui ne compte pas, un truc pour rien. C'est ce qu'il y a de plus difficile à faire, ce post-rock lyophilisé, ce post-cinéma d'une blancheur atomique, presque floue. Là, dans les igloos de l'âme, on se regarde au fond des yeux sans pic à glace. On s'aime frontalement, dans une belle aphasie, entre deux silences ou deux bégaiements. L'Amérique est là, juste à côté, entre Ozu et Coca-Cola, sur fond de guerre post-nucléaire... "
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