Robert Guédiguian : "Il n'y a d'identité qu'en devenir"
VIDEO | 2016, 10' | Dix ans après Le Voyage en Arménie et quinze ans après avoir foulé pour la première fois1
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Le tout premier film de Guédiguian. Avec déjà Ariane Ascaride et Gérard Meylan. Déjà Marseille. Et l'observation d'un pays, l'engagement politique, l'amitié...
L'avenir compromis de Gilbert et ses amis, dans le quartier populaire de l'Estaque, tandis que ferment les usines de la région. Le tout premier film de Guédiguian. Avec déjà Ariane Ascaride et Gérard Meylan (seize ans avant d'être "Marius et Jeannette"). Déjà Marseille. Et l'observation d'un pays, l'engagement politique, l'amitié... Les illusions et la lucidité.
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" Le souci prédominant des auteurs de Dernier été, c’est la justesse de ton. La précision des petits gestes quasi imperceptibles, qu’on rema
" Le souci prédominant des auteurs de Dernier été, c’est la justesse de ton. La précision des petits gestes quasi imperceptibles, qu’on remarque au passage et qui témoignent d’une observation pertinente, généreuse sans ostentation, sensible sans insistance sentimentale, colorée d’humour sans qu’on cède jamais à la tentation de la caricature. Bien sûr, ils emploient des comédiens soit débutants, soit non professionnels, mais ils ne s’en accordent pas pour autant les facilités de l’improvisation négligée. Ces comédiens ont des scènes à jouer qui ne sont pas toujours simples, des personnages à camper, des silhouettes à dessiner dont le trait ne doit pas s’estomper dans l’instant mais dont la présence doit devenir essentielle à la bonne marche du film.
A la fin de la projection, on est tout autant concerné par les personnages secondaires qu’on l’est par les malheureux héros du film. « Banane », toujours fatigué et dont les congés de maladie se prolongent indéfiniment (Djamal Bouanane), « le Muet », qui sait si bien cacher son désarroi sous sa bonne humeur espiègle (Malek Hamzaoui) nous sont aussi familiers, aussi proches que Gilbert et Josiane, les amoureux que la vie et ses sottises irréparables vont séparer tragiquement (Gérard Meylan et Ariane Ascaride). Je ne vois pas quel compliment plus flatteur on pourrait adresser aux auteurs de Dernier été, puisque tant de cinéastes ne parviennent pas à nous convaincre de la nécessité qu’il y a à nous montrer ce qu’ils nous montrent.
Pourtant, cela ne suffit pas à dire l’intelligence qu’ils ont mise à l’élaboration de leur scénario, discrètement placé sous le signe de Pasolini et de ses Ecrits corsaires. Ni le sens qu’ils ont de l’image, celle qui coule de source, qui ne trahit aucune prétention théorique et qui n’en est pas moins réfléchie, calculée. Ni la dimension poétique qu’ils savent accorder à certains moments privilégiés de leur récit (Gilbert se retrouvant face à sa trompeuse liberté, après avoir quitté son job ou s’imposant l’épreuve d’un plongeon périlleux, dans une calanque, pour se prouver que la force de son adolescence enfuie est demeurée intacte).
C’est, évidemment, aux aventures juvéniles que le néoréalisme italien et ses héritiers ont si souvent mises en scène que cette modeste chronique marseillaise nous fait songer : on ne peut pas s’empêcher de songer, non plus, aux rares cinéastes français qui ont su aborder le monde prolétarien sans se croire obligés de s’entourer des garanties du vieux naturalisme. On citera Rozier et Adieu Philippine et, plus près de nous, Bouthier et son « blues » du port de Sète, Touche pas à mon copain.
Robert Guédiguian et Frank Le Wita sont convaincus qu’il ne faut pas fermer les yeux sur les réalités du monde contemporain mais qu’il ne convient plus de se vouloir documentariste, ni d’assommer le spectateur à coups de vérités bonnes à dire arrachées sans autre forme de procès à la matière brute du réel social. Ils veulent façonner celle-ci provoquer un intérêt qui ne vienne pas exclusivement de ce qu’ils disent mais aussi de la façon dont ils le disent. Ils ont l’intuition qu’il faut, pour capter l’air du temps, nous rappeler ce qu’il a mis de menaçant mais aussi ce qu’il a de vif, ce qu’on y respire qui fait qu’on ne désespère pas tout à fait. Il faut que leur film soit accueilli avec toute la sympathie qu’il mérite et, surtout, qu’il soit suivi d’un autre film le plus promptement possible. Le cinéma français a rudement besoin de gens comme eux."
"Dernier été restitue avec une infinie justesse ce que peut être le brouhaha des conversations d’un café, la gestuelle du mâle méditerranéen
"Dernier été restitue avec une infinie justesse ce que peut être
le brouhaha des conversations d’un café, la gestuelle du mâle méditerranéen, sa
pudeur exubérante, les mots simples et les silences de l’amitié, la joie
insouciante d’une baignade, les ombres qui vont de pair avec le soleil, l’attitude
à la maison et au bistro, l’alcoolisme aussi naturel que l’air qu’on respire,
les sentiments muets, la pureté, l’amour et la sensualité sans embarras ;
direction des acteurs, sensibilité des images, intelligence du sujet, tout y
est remarquable ; un film exemplaire. "
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