" Angel est donc romancière. Avant d'avoir vécu, elle invente des histoires insensées d'amour et de trahison qui retiennent l'attention d'un éditeur londonien (...) Vêtue de toilettes insensées qui détonnent en une époque - l'ère edwardienne - qui expérimente les tenues fonctionnelles après des décennies de corsets et crinolines victoriennes, Angel est à la fois vieille au-delà de ses années et une enfant mue par le seul principe de plaisir (...)
Pour raconter cette histoire exaltante, dérisoire et cruelle, François Ozon s'est exilé dans le temps et dans l'espace. Angel est le film d'un réalisateur français qui dirige des comédiens britanniques parlant anglais en utilisant le langage en vigueur à Hollywood il y a cinquante ans. Angel a d'abord été un roman d'Elizabeth Taylor, publié en 1957 (réédité aux éditions Rivages). Ozon l'a adapté avec la collaboration du dramaturge britannique Martin Crimp, un pilote très sûr pour l'aider à naviguer entre les écueils des accents (régionaux et de classe) et des idiosyncrasies qui déterminent les rapports sociaux dans la littérature, le théâtre et le cinéma britanniques.
Cette précision historique est emportée dans le tourbillon d'une mise en scène romanesque, faite de mouvements de caméra emphatiques, de décors et de costumes somptueux, de citations désuètes (des déplacements en automobiles filmés en transparence devant des paysages qui défilent).
Quand Angel amorce sa déchéance, le film se calme peu à peu. Les espaces se referment, Romola Garai va chercher au fond de son personnage les failles qu'elle avait cachées sous la cuirasse de la gloire. Mais cette vérité, le personnage est incapable de la traduire dans son oeuvre. Ozon, qui est passé des artifices de 8 femmes au dépouillement du Temps qui reste sans que jamais l'on ne cesse de mettre en cause sa sincérité, fouaille ici dans une blessure très personnelle."
Thomas Sotinel
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Angel