" Il ne fait pas bon être communiste dans l’Italie de 1932. Entre
autres pour les Mancini, Orfeo (Jacques Gamblin) et Nella (Yaël
Abeccasis), qui, de la Toscane qu’ils n’ont jamais quittée, décident de
faire le grand voyage de New York, suivant ainsi beaucoup d’autres
(voir les films se déroulant à Manhattan dans Little Italy). Un
tragique hasard s’en mêle, comme dans un opéra et, quelques bourrades
de fascistes aidant, les voici sans le savoir embarqués dans le bateau
de Marseille. La Bonne Mère a bien une couronne comme la statue de la
Liberté, mais aussi un " bambino Jesu " dans les bras et non la torche
connue de tous. Le compte n’y est pas mais il faut faire avec. Petit à
petit, voilà les Mancini installés, modestement. C’est leur histoire
que raconte le film, sur fond de ville pauvre, généreuse, métissée,
vivante, un peu comme chez Guédiguian. Au fil des jours qui s’écoulent,
nous assistons à des moments de bonheur, d’engueulades, de déprime,
d’égarement. L’Histoire est là aussi, avec ses pages douces et celles
où tout s’emballe, la guerre, l’Occupation, la Libération. On naît, on
meurt, on vieillit, on se combat politiquement et physiquement,
parfois, pas toujours, jusqu’au meurtre.
En fait,
cette histoire est pour grande partie celle des grands-parents et des
parents de l’auteur, vue à travers les yeux du souvenir, ce qui donne
au film un ton hésitant entre le réalisme et le conte féerique.
Stéphane Giusti a voulu, au-delà du tragique, prendre le parti de
l’espoir : " Il y a des films que l’on aimerait faire comme des
cadeaux. Des films où l’on aimerait la vie, où l’on haïrait la mort, où
l’on croirait à l’amour, l’espérance, la bonté, la fraternité. Des
films où le ciel serait toujours d’un bleu étincelant, même si la
couleur de la terre d’en bas tourne au gris, où le regard serait sans
cesse touché et amusé comme s’il suivait des photos de famille. Où les
mères seraient toujours belles, l’enfance toujours rose, les pères
toujours héroïques. Où la femme dont vous tomberiez amoureux ne vous
quitterait jamais et vous aimerait pour l’éternité…
Le
programme est tenu. Bella Ciao est un film généreux, chose assez rare
dans le paysage cinématographique actuel pour qu’on le souligne, même
si cette générosité relève plus d’un humanisme bon teint que d’une
complicité avec Marx et Brecht..."
Jean Roy