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Yann Andréa, étudiant fragile et timide, éprouve une admiration sans limite pour l'écrivain Marguerite Duras. En juillet 1980, il décide de lui rendre visite...
Yann Andréa, étudiant fragile et timide, éprouve une admiration sans limite pour les écrits de l'écrivain Marguerite Duras. Après avoir entretenu avec elle une correspondance suivie pendant des années, il se décide en juillet 1980 à lui rendre visite à Trouville, où elle mène une existence recluse. Là, Yann tombe sous le charme de cette vieille femme capricieuse et tyrannique, qui boit plus que de raison pour noyer ses angoisses. Très vite, il devient son secrétaire, puis son amant...
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... Rendez-vous avec qui ? L'icône de Duras ou l'icône de Moreau ? Les deux, c'est-à-dire ni l'
Et c'est sidérant, émouvant, spectaculaire. Folie pour folie, intelligence pour intelligence, démesure pour démesure. Dureté, volonté de possession, égocentrisme absolu, philosophie à deux ronds, arrogance, terreur tapie tout près. Duras - pas l'écrivain, le personnage Duras - est une mine de postures, de mots à l'emporte-pièce, de traits étincelants et de moments indignes, une silhouette, un phrasé, une lyre à faire ses gammes pour cent actrices douées. Mais Moreau ne joue pas Duras, elle joue Moreau. Elle a les bagues de l'autre, les foulards de l'autre, les lunettes de l'autre, mais elle est là, elle. C'est sa voix, son visage. Jeanne Moreau, dont on avait pu regretter qu'elle soit devenue, depuis une décennie, une sorte de notable du cinéma français, une figure officielle, bazarde toute prévention et fonce. Ainsi apparaît "l'autre", celle du film seulement, bouleversante, détestable, géniale, qui peu à peu émerge de ce croisement d'elles deux (...)
Josée Dayan fait que cela arrive. Pas une faute, dans une première heure comme saisie par l'énormité de ce qui se passe. Mais le frisson né de la justesse de la situation : la rencontre violente, sensuelle et féconde entre l'actrice et le personnage est de même nature que celle que raconte le film, entre Yann, que Duras nomma Andréa, et celle que jamais il ne nomma par son prénom ni ne tutoya : pas la femme née Marguerite Donnadieu, mais une héroïne. A l'écran, avec son beau visage opaque, ses fines lunettes et sa poitrine glabre et pâle, Aymeric Demarigny est impeccablement ce curieux agent chimique qui, avec aveuglement, impuissance et un amour infini, précipite la réaction et en subit les effets.
Face à de si intenses et mystérieuses alchimies, tout événement court le risque de l'anecdote. Et c'est un peu ce qui se produit dans la deuxième partie du film, lorsqu'il faut raconter malgré tout des faits : Duras et le succès littéraire, Duras et l'alcool, Duras à l'hôpital, Duras qui va mourir. Vastes sujets, graves et traités avec soin, mais qui pourtant semblent faibles au regard de l'étrange magie accomplie, durant la première heure...
« Aimez-moi, vous n'avez que ça à faire. Je le sais pour vous. Allez, venez. Ne soyez pas timide. J'ai un corps
« Aimez-moi, vous n'avez que ça à faire. Je le sais pour vous. Allez, venez. Ne soyez pas timide. J'ai un corps, je vais vous montrer... » Que pouvait rêver de mieux l'admirateur éperdu ? Pendant cinq ans, il a écrit à Marguerite Duras, parfois tous les jours, parfois dans sa tête. Et voilà qu'elle lui ouvre ses bras, son coeur, sa vie.
Ce miracle de la concordance des temps, de l'immédiate compatibilité d'humeur, de l'irrémédiable embrasement volcanique, Yann Andréa l'a raconté dans son terrible récit autobiographique, Cet amour-là. Un texte anthropophage où « elle » et « je » s'entre-dévorent pour évoquer seize années de passion absolue entre le jeune homme sans qualités et l'illustre écrivain de quarante ans son aînée.
C'est ce livre sous influence que Josée Dayan a choisi d'adapter pour son premier film de cinéma, après des années de pilotage de cargos télé (La Rivière Espérance, Les Misérables, Balzac, Le Comte de Monte-Cristo). Et « c'est à n'y pas croire », pour reprendre l'expression fétiche de Duras, quand elle s'extasiait sur le parfum des macarons de chez Ladurée, ou sur la beauté des peupliers frissonnant dans le vent. De la confession de Yann Andréa, suicidaire et imperméable au monde, Josée Dayan et son scénariste Gilles Taurand ont su tirer un film limpide et tumultueux, ouvert sur le monde.
Ils ont volontairement expurgé le livre de toute sa nausée mortuaire, de tout son narcissisme écorché. Disparus, ces passages où Yann Andréa décrit sa déchéance physique après la mort de sa compagne idolâtrée. Envolées, ces descriptions déchirantes d'un corps privé d'amour qui s'encrasse et grossit monstrueusement.
Le corps de Yann Andréa (Aymeric Demarigny) n'existe pas à l'écran. Ce n'est qu'un récipient que Marguerite Duras (Jeanne Moreau) remplit de son propre sang. Une vague silhouette, un emballage de flanelle qu'elle récupère pour l'habiter entièrement et y entreposer sa peur, sa souffrance, sa solitude. Car il y a un trop-plein dans le corps de Duras, comme s'il n'était pas taillé à la mesure de son foisonnement intérieur.
Ce trop-plein a visiblement passionné Josée Dayan, qui signe un film vibrant et oxygéné, entièrement centré sur la présence organique de Moreau/Duras. Cet amour-là montre d'abord une Marguerite Duras qui aime manger. Le poulet cuit dans un bouillon de légumes, la salade vietnamienne, la confiture, pas trop sucrée et légèrement citronnée. Josée Dayan observe les bienfaits biologiques que leur simple évocation procure à l'écrivain. Et saisit, au passage, l'importance intellectuelle de ces plaisirs gustatifs.
A Yann Andréa, qui reconnaît être nul en cuisine, Marguerite Duras répond : « C'est parce que vous devez manquer d'imagination. Quand on est intelligent, on est intelligent sur tout, pour faire des livres, du jardinage, l'amour... » Par un subtil jeu de montage, Josée Dayan désosse aussi les rouages de l'esprit durassien, mélange de sensibilité aiguë et de narcissisme provocateur, sautillant sans arrêt de l'obscénité vers la clairvoyance, de la générosité vers l'égoïsme.
Ainsi voit-on Marguerite Duras écrire une magnifique chronique journalistique sur la faim dans le monde (« Il n'y a plus d'enfant, plus de vieillard, plus d'âge... ») en forme d'autoportrait voilé. La scène suivante, elle arpente nerveusement le bord de mer aux côtés de Yann Andréa, parlant de son menu de la semaine et s'offusquant des caprices alimentaires de son prochain (« Quelle horreur, ces gens qui n'aiment pas les poireaux ! »)... Mais, surtout, Marguerite Duras raffolait du vin. Le vin, qui facilite la rencontre : avant de découvrir le visage de Yann, elle l'envoie acheter une bouteille dans une bonne épicerie de Trouville. Le vin, qui aide à s'endormir : les somnifères n'ont jamais eu de prise sur son corps. Le vin, qui permet d'apprécier pleinement la beauté de chaque instant : « J'aime la vie. Comme elle est. Là. Maintenant », lâche-t-elle en posant son verre. Et, là aussi, Josée Dayan fait montre d'une suprême délicatesse, privant son film de tous les poncifs sur l'alcoolisme. Pas de verre qui roule, pas de cris avinés, pas de corps titubant. Le vin, présent pratiquement à chaque image, est un signe discret de l'ouverture de Marguerite Duras à Yann. D'abord liant, il devient petit à petit ostracisant pour finir en plaisir solitaire.
A la fin du film, Duras ne boit plus avec Yann, mais à côté de lui. Qu'elle s'essuie pudiquement les lèvres, où qu'elle réclame à bout de souffle une bouteille depuis sa chambre d'hôpital, on sent la mort au travail, dans un organisme rongé par l'alcool : « Je ne suis pas malade, je suis alcoolique », précise-t-elle à Yann, refusant jusqu'au bout d'avouer son corps vaincu. Parce que la lutte contre le temps restera le grand combat de sa vie. Le film rend hommage à cette quête en supprimant toute précision chronologique. Impossible de savoir que seize ans se sont écoulés entre la rencontre des amants et la mort de Marguerite Duras (...)
Face à ce jeune éphèbe, Marguerite Duras a tous les âges. Parfois mère, quand elle lui apprend à retirer ses chaussures en entrant, pour ne pas mettre du sable partout. Parfois enfant, quand elle se niche contre sa poitrine et lui promet de ne plus être méchante. Jour et nuit, elle valse sur un temps en accordéon. Comme quand elle gratte sur le papier, au rythme des illuminations intérieures dont elle est si fière. « Ecrire, c'est trouver le bon mouvement. Une manière de danser... », dit-elle en voyant des corps onduler dans un bal musette.
Josée Dayan a définitivement trouvé le bon mouvement, elle aussi. Son film est une valse, douce, langoureuse et sépulcrale, interprétée par deux danseurs d'exception. Admirablement languide et opaque, Aymeric Demarigny émeut à chaque instant. Sa démarche altière si proche de l'enfance, son visage innocent balayé par des cheveux d'ange évoquent le Tadzio de Mort à Venise.
Quant à Jeanne Moreau, elle sème un trouble infini, tant son identification à l'écrivain semble aller de soi. L'actrice n'a pas sorti la grosse artillerie du mimétisme résurrectionnel. Tout juste une paire de lunettes rectangulaire, et un tic de main, posée en bâillon devant la bouche. Les deux femmes se sont connues et se ressemblent. Et, si Jeanne Moreau parvient à nous tirer des larmes en chantant « Capri, c'est fini » dans la plus belle scène du film, c'est qu'on voit soudain s'envoler un aigle à deux têtes, mi-Jeanne, mi-Marguerite. Dévorée par une mémoire qui ne veut pas flancher, l'actrice semble chanter sa propre histoire. Alors nous reviennent à l'oreille les paroles désordonnées d'une autre chanson, celle d'India Song, que sa voix unique a rendue immortelle et qui prend aujourd'hui un sens nouveau : « Chanson... Toi qui ne veux rien dire... Toi qui me parles d'elle... Et toi qui me dis tout... De son corps effacé... De cet amour-là... De cet amour mort... »
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