"Au départ, on l’a dit, un roman aussi bref que remarquable publié en 1958. Il n’est pas indifférent de remarquer que Resnais avait fait le projet de le porter à l’écran (...) Le projet n’eut pas de suite, et c’est l’Anglais Peter Brook, à l’époque connu presque exclusivement comme homme de théâtre — il n’avait tourné que Beggar’s opéra en 1954 —, qui en assura la mise en scène. Marguerite Duras se chargea de l’adaptation et des dialogues. Le travail était simple : dès la sortie du roman, on avait remarqué qu’il était construit comme un scénario.
C’était déjà le film d’un seul dialogue. Celui que tissent, au fond d’un bistrot, devant des verres de vin rouge, Anne Desbaresdes, l’épouse d’un industriel de province, et Chauvin, l’ouvrier jadis licencié par son mari. Seule en fait Anne Desbaresdes existe, sa voix est une longue complainte interrogative : elle veut comprendre le crime qui a été commis dans ce même café, elle veut comprendre le geste d’amour qu’elle a vu au meurtrier qui embrassait la bouche ensanglantée de celle qu'il venait de tuer. A travers sa quête confuse, c’est elle qu’elle traque. C’est de son ennui qu’elle tente de parler, de la province morte, de la bourgeoisie morte, d’elle-même morte.
Le film fut dans l’ensemble accueilli avec une grande sévérité: on était trop proche du souvenir d’Hiroshima — mais Brook n’était pas Resnais (plus lent, plus classique dans la froideur de sa mise en scène), et la voix de Jeanne Moreau, familière, n’avait pas le pouvoir de déracinement de celle d’Emmanuelle Riva. La comparaison était absurde, elle n’en servit pas moins à couler le film. Françoise Sagan, par exemple, trempa sa plume dans un suave vitriol, intitula son papier : « J’avais beaucoup aimé Hiroshima, mais Moderato... », et attaqua de front le texte de Duras : « Ce n’est plus pudique, c’est systématique, et l’on voit avec consternation parvenir au drame, aux larmes, deux étrangers qui n’ont échangé pendant deux heures que des formules et des silences non éloquents (terribles au cinéma !) ».
Pourtant Moderato valait infiniment mieux que ces éreintages condescendants. Face à un Belmondo peut-être trop présent, Jeanne Moreau y était magnifique, et à travers la sagesse de Brook (qui s’est bien rattrapé depuis), la musique de Marguerite Duras sonnait juste."
Jean-Pierre Jeancolas, n°44, Fevrier 1970
Duras je n'aime toujours pas, par contre heureusement qu'il y a ces 2 acteurs sensationnels sinon j'aurais bien dormi... Moreau et Belmondo crèvent...
Lire la suiteUne grande bourgeoise de province vacille en s'interrogeant sur le place du désir. Un sens remarquable de l'espace et des lignes, exprimé dans une mise...
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