Lumière 2014 — Sautet, ses silences, son humour et ses colères
VIDEO | 2010, 6' | Critique de cinéma à la revue "Positif", N.T.Binh s'est entretenu longuement avec le réalisateu1
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La vie d'Alex, serveur de restaurant, est une grande récréation. A 60 ans, il continue à accumuler les conquêtes. Mais une passion amoureuse le ratrappe.
Alex voulait être artiste de music-hall. Il est devenu chef de rang d'une grande brasserie parisienne. La soixantaine pleine d'allant, de bagout et de savoir-faire, il accumule les conquêtes et cultive ses amitiés. Une vie adroitement rythmée jusqu'au jour où il retrouve un ancien amour qu'il imagine être la femme de sa vie... Le dernier film de Sautet avec son scénariste fétiche des "Choses de la vie", Jean-Loup Dabadie. La fin d'un cycle où les élans du cœur, empreints désormais de nostalgie, vont conduire le cinéaste à un style de plus en plus âpre et dénudé ("Un cœur en hiver"). Et la rencontre émouvante du jeune Villeret face au ténor Montand. (Version restaurée en 2015)
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"Le film de Claude Sautet et Jean-Loup Dabadie n’a pas d’histoire. Ou si peu. (...) Pas de quoi faire un drame, ni un film
"Le film de Claude Sautet et Jean-Loup Dabadie n’a pas d’histoire. Ou si peu. (...) Pas de quoi faire un drame, ni un film à suspense, ni une comédie à rebondissements imprévisibles. C’est un film-portrait dont chaque touche est la justesse et la discrétion même. Un Sautet intime qui (...) témoigne pourtant d'une technique extrêmement brillante.
Réunis sur le podium de quelque compétition, les responsables de ce film mériteraient chacun leur tour une ovation énorme. Dabadie pour ses dialogues, drôles sans mots d’auteur, fluides comme ceux de tous les jours et pourtant très écrits. Boffety pour sa photo, qui donne du style au quotidien le plus banal. Sarde pour sa musique allègre et narquoise où perce l'ironie du « quand ça va pas on fait aller ». Et Sautet pour avoir su tout coordonner sans ostentation et mener de main de maître des séquences qui risquent de devenir des morceaux d’anthologie (...).
Les interprètes, évidemment, ne seraient pas absents de la fête. Montand qui a rarement su mieux utiliser cet air qu’il a de l'homme qui ne peut s’empêcher d'être ému, qui s'en fâche, qui s’en fiche et qui finit par s’en flatter, sûr d’avoir raison contre les coeurs secs. Fresson qui fait un chef cuisinier irascible tellement formidable qu’on en oublierait de le féliciter. Villeret qui semble né pour renverser les sauces.
Il faudrait nommer tout le monde."
"Garçon ! approfondit l'amertume latente des autres Sautet. Son héros est un solitaire cuirassé d'é
"Garçon ! approfondit l'amertume latente des autres Sautet. Son héros est un solitaire cuirassé d'égoïsme. (...) Avoir choisi un personnage aussi antipathique en guise de héros témoigne d'une sacrée confiance en soi — et en la capacité de la vie de rendre intéressants tous les êtres. Sans doute l'amour de la vie a-t-il conduit Dabadie et Sautet à nous subjuguer avec ce petit monstre. (...)
Verra-t-on enfin, grâce à Garçon !, le cinéaste populiste par excellence ? Alex ne ressemble pas aux silhouettes de serveurs habituelles au cinéma. Il existe."
" A peine les lettres du générique de fin commençaient-elles à couler sur la dernière image du film
" A peine les lettres du générique de fin commençaient-elles à couler sur la dernière image du film que je me mis (quelle mouche me piquait ?) à vouloir répondre à la question suivante: pourquoi Garçon est-il si faible ? Pas nul, ni mal fait, ni choquant, non : faible. Et même, un peu rance, très mièvre et pas mal mou (...)
Il me fallait comprendre pourquoi la barque filmique dans laquelle Montand-Sautet-Dabadie avaient pris-place, avait très vite coulé sous mes yeux. Il me fallait examiner le film comme un vêtement taillé sur mesure pour Montand. Bien ou mal taillé ? Parfois, on fait de la critique cinématographique, parfois on fait, de la critique « cinébodygraphique ». Ce n’est jamais facile (...)
Le monde de Sautet n’est pas seulement petit, il n'a pas de dehors (il n’a que des limites). Cette tribu-France a ses rites qui vont du copinage hawksien à l’entre-maternement de tous par tous. Dans les films de Sautet, la France de Pompidou avait commencé à se faire brosser le portrait sous le regard ému des sociologues en mal de cinéma-reflet-de-la-société. Mais dans ces grands posters collectifs brossés dans le sens du poil, il ne s’agissait jamais que de refléter la façon dont cette France-là avait envie qu’on la voie. Narcissisme de classe (en gros : les cadres). Alex, en bon héros sauteden, met beaucoup d’énergie à soigner la pose et à la garder. Il vit, lui aussi, dans un monde ami-ami où les seules menaces sont fatales et anonymes : l’âge, la mort, l’accident, les peines de cœur et autres « choses de la vie».
Il va de soi qu’on ne peut reprocher à Sautet d’avoir eu un faible (aïe, j’ai gaffé !) pour cette France-ci et ces personnages-là, ni de les rendre pathétiques en raison même de leur médiocrité. De même, il n’est pas obligé de filmer de l’intérieur (avec fureur et génie, comme Pialat) un monde finalement éventré. Mais à partir du moment où il s’agit pour lui de mettre du mouvement dans ses posters sociologiques, il est bien obligé d’inventer des histoires et des distances.
Et comment inventer des histoires dans un monde qui n’aspire qu’à la retraite et qui ne rêve que de consensus ? C’est là que blesse le bât. Car pour montrer que, faute de noms, ses personnages-prénoms ont une àme, Sautet doit promettre à chaque instant tout un arrière-plan psychologique, fait de douleurs insondables, de flip digne, de non-dit stoïque et de regards vidés. Bref, c’est la fameuse « petite musique » des sentiments. "
" Quelquefois, c’en est trop. La vie vous lasse. Les gens vous agacent. Le temps vous tue. Anémié par vos dé
" Quelquefois, c’en est trop. La vie vous lasse. Les gens vous agacent. Le temps vous tue. Anémié par vos déceptions, atteint par le cafard, assailli par le doute, vous n’avez qu’un remède : le plaisir. Inutile de tergiverser sur le menu. Pointez le doigt sur le banquet royal : salade de copains bien relevés, fricassé de femmes en sauces exquises, dessert flambé de plaisanteries gamines, le tout copieusement arrosé de philosophie allègre, et l’euphorie en pousse-café.
On sait alors qu’on peut aller chez Sautet. C’est une bonne adresse. On y mange bien, on ne paye pas plus cher qu’ailleurs et le service est parfait. Une fois encore, donc, Sautet ouvre ses portes. Cela faisait trois ans que son grand restaurant faisait relâche. Dès les hors-d’œuvre, on se sent en famille C’est le grand Alex (Yves Montand) qui vous accueille, patient et trépidant chorégraphe de ce concerto pour vaisselles, couverts et flûtes à champagne.
La bruyante virtuosité du ballet de serveurs de cette élégante brasserie parisienne vous met l’eau à la bouche, bien vite, vous aurez reconnu la mine contrariée du gros Gilbert (Jacques Villeret) qui se brûle les doigts en prenant les assiettes, entendu les coups de gueule de Francis, le cuisinier-pacha (Bernard Fresson), apprécié le calme olympien et la moustache gourmande de Maxime, le sommelier (Nicolas Vogel).
Bien vite, aussi, vous aurez compris que si le cinéma de Claude Sautet vous séduit, c’est parce qu’on y mange comme chez soi. Les films de Claude Sautet racontent toujours la même histoire, et c’est une histoire simple : la nôtre. L’histoire de nos exaltations et nos désenchantements, nos désirs et nos angoisses. Nos copains qui déconnent, nos boulots qui débloquent, nos amours qui dérivent. Et les coups de klaxon du bonheur qui vous rappellent que, même si elle ne travaille pas à plein temps, la tendresse peut ensoleiller nos petits ménages.
(…) Sautet bat la mesure des quatre saisons d’une existence bien tempérée : fugue de la jeunesse utopique, allegro de la trentaine opiniâtre, adagio de la quarantaine désarmée, opéra de la cinquantaine désabusée, stoïque, meurtrie. Rejette la poignante complainte en solo pour orchestrer des symphonies chorales où chaque individu joue son avenir en ténor. Et, véritable sociologue de la Ve République, compose avec soin son décor, attentif aux transformations économiques et aux névroses contemporaines. Il excelle enfin à vous servir une tranche de vie bien choisie : un état de crise aiguë où l’infarctus succède au krach financier, où la fêlure du cœur accentue le vertige existentiel.
Mais, sans le tour de main, la recette ne vaut rien. Et l’on sait bien que ce sont les sentiments qui font les bons gueuletons. L’important, chez Sautet, ce n’est pas tant l’anecdote, le détail qui sonne juste ou le clin d’œil qui réjouit. Ce n’est pas seulement la belote de l’amitié, le bisou aux enfants, le dîner entre loufiats où l’on met les petits plats dans les grands, et les facéties du don juan amoureux d’un rayonnante prof d’anglais (Nicole Garcia).
C’est le frémissement intérieur. La complicité étroite qui nous unit aux personnages, à leurs exaltations et leurs syncopes. C’est l’approche chaste, sans cris ni déchirements sauvages, de l’universel. L’art de nous faire partager le désarroi et les coups de bambou de ces compagnons qui font les guignols. Le regard de Sautet est pieux. Il ne s’amuse des grimaces de ses héros qui barbotent dans les malaises que pour ne pas dévoiler impudiquement leurs abîmes.
(…) Et l’entrain. Comme Renoir, Sautet a la délicatesse de nous offrir des drames gais. Cette fresque douloureuse truffée de chaleureux bonshommes qui rient, qui pleurent (mais c’est de leur faute) et de séduisantes bonnes femmes qui se lient et se détachent (bien forcées) pourrait faire sangloter les chaumières. Elle préfère nous renvoyer à un activisme fanfaron, aux petites joies qui mettent du baume au cœur, à des pique-niques et des toboggans au bord de l’océan qui font oublier les blessures.
C’est un beau cadeau que de nous faire croire que les destinées se terminent en fanfare."
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