Nagisa Oshima : L'empire du scandale
Figure majeure de la Nouvelle Vague japonaise (né en 1932, il a débuté en 1959, comme ses homologues français), il1
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Seki, insatisfaite sexuellement par son mari, décide de le supprimer après avoir rencontré un jeune homme. Mais le fantôme du défunt tourmente leur passion.
En 1895, Seki vit isolée, dans un village en pleine montagne, mariée à un conducteur de pousse-pousse qui ne la comble pas. Lorsqu'elle rencontre un jeune homme revenu du service militaire, elle décide de le supprimer pour jouir enfin comme elle l'entend... Après le scandale de "L'Empire des sens", le cinéaste explorait le même thème de l'obsession sous l'angle de la culpabilité et de la tradition des fantômes japonais. Un contrepied surprenant et superbe au film qui consacra l'un des auteurs les plus importants de la Nouvelle vague nippone. "L'Empire de la passion" remporta le Prix de la mise en scène au festival de Cannes 1976.
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En matière de criminologie amoureuse, Nagisa Oshima est passé maître. Encore faudrait-il s’entendre sur certaines
En matière de criminologie amoureuse, Nagisa Oshima est passé maître. Encore faudrait-il s’entendre sur certaines clauses de vocabulaire et remplacer le mot « amour » par le mot « sexe ». Toute la vague pornographique qui a déferlé sur les écrans du monde au cours des dernières années n’aura eu pour effet que de dissimuler derrière la « gaudriole » ce qu’avait de fascinant et d’inexplicable le sentiment exclusivement sexuel qui pouvait attacher deux êtres. Nagisa Oshima, marchant sur les brisées des érotologues, tel Bataille, explore cet univers où se fondent le sexe et la mort.
Après l’exploration physique et audacieuse de L’Empire des sens, il analyse dans L’Empire de la passion l’évolution barbare d’un homme et d’une femme liés par le sexe et par le crime (ils ont étranglé le mari gênant dont l’amant était jaloux). Reste un fantôme (celui du mari) qui va hanter leur amour maléfique, troublant leurs rêves, les conduisant peu à peu au rivage de la folie. Ce fantôme est, bien sûr, celui d’Abel, mais aussi celui du Dieu éternel qui appellerait le châtiment sur la tête des coupables.
Au bout du compte, il est nécessaire que l’ordre triomphe et que les amants reçoivent une bastonnade en deux temps, la première pour leur arracher l’aveu du crime, la seconde — à mort — pour les punir.
Oshima porte au sublime cette aventure traumatisante, nous épargnant ce qui visiblement pouvait choquer dans L’Empire des sens, suggérant plus que montrant la passion physique et se comportant finalement en moraliste lucide et critique : s’il fallait parodier Barbey d’Aurevilly disons qu’après nous avoir décrit « Le Bonheur dans le crime », Oshima nous offre la contrepartie de cette œuvre qui pourrait s’intituler «Le Malheur dans le crime ».
L’Empire de la passion est pourtant, paradoxalement, une œuvre moins désespérante que L’Empire des sens, dans la mesure où la passion sexuelle est envisagée ici comme une maladie et que le spectateur à tendance à s’identifier plutôt aux gens sains (comprenez : ceux qui n’ont pas de passion). C’est donc un film édifiant.
" Il y a deux ans, en 1976, au Festival de Cannes (section : Quinzaine des réalisateurs), le cinéaste japonais Nagisa Os
" Il y a deux ans, en 1976, au Festival de Cannes (section : Quinzaine des réalisateurs), le cinéaste japonais Nagisa Oshima proposait un film qu’il faut bien appeler pornographique : L'Empire des sens. A peu près seul de mon avis, je l’étiquetai ainsi (...), tout en admettant que ses mérites esthétiques n'étaient pas minces.
Il y était question d'amour fou ou, plus précisément, de la folle passion, exclusivement sexuelle, sans l'ombre d'un sentiment, de deux amants. Oshima (auparavant signataire de films aussi considérables que La Pendaison, La Cérémonie, Une petite sœur pour l'été) se rendit-il compte de l'impasse où le conduisait L'Empire des sens ? Toujours est-il qu’il reprit le thème de l’amour fou, mais en l’assortissant, cette fois, de sentiments exacerbés. Ce fut L’Empire de la passion (...) mais dans une perspective toute différente. Epouse d’un conducteur de pousse-pousse, de beaucoup son aîné, une femme encore jeune succombe aux avances d'un bellâtre, frais émoulu de l'armée, qui fait à sa quarantaine une cour pressante. Les choses pourraient se borner à une liaison adultère. Mais l’amant suggère de tuer le mari. Le crime perpétré, le corps est jeté dans un puits désaffecté. Mais les amants fous sont moins libres que jamais. Car, d’une part — nous sommes en 1895, — il n’est pas question pour la « veuve » d’officialiser son adultère. Car, d’autre part, le fantôme du mari défunt hante les rêves des voisins et se montre à ses assassins. De proche en proche, la police est informée. Les amants tentent de faire disparaître le cadavre, n’y parviennent pas, sont démasqués, avouent sous la torture, sont condamnés à mort et exécutés. Justice est faite.
Mais tel n’est pas du tout le propos d’Oshima. Son dessein manifeste est de montrer — sous un éclairage mi-réaliste, mi-fantastique — les méfaits de la passion et, en définitive, son inanité. Du seul point de vue esthétique, son Empire de la passion est un flamboyant exercice de style, tissé de pudeur (à peu près aucune image n’est érotique, sauf dans l’imaginaire) et de rigoureuse démonstration du châtiment entraîné par le crime (la sortie du cadavre du puits, le supplice des amants).
La « moralité » est évidente. Quand un forfait à troublé l'ordre naturel, les arbres, les herbes, les pierres elles-mêmes crient : « à mort ». Il y a du « mistère » médiéval dans cette œuvre située au XIXème siècle. Le moraliste le plus strict ne peut qu'avouer son adhésion à cette autre version de Crime et Châtiment. N’est-il pas à craindre, cependant, en nos temps de laxisme, que certains en prennent prétexte pour exalter l’amour fou, parler de Tristan et Iseult et donc comprendre tout de travers L'Empire de la passion ?"
" Tout invite à la confusion : l’affiche de Topor, la similitude des titres, la réputation du réalisateur.
" Tout invite à la confusion : l’affiche de Topor, la similitude des titres, la réputation du réalisateur. Pourtant, ceux qui iront voir L'Empire de la passion de Nagisa Oshima, en espérant y retrouver le parfum de scandale du film précédent, courront le risque d’être déçus. Alors qu’ils peuvent, au contraire, y découvrir une œuvre d'une rigueur et d’une beauté rares.
Rien, dans L'Empire de la passion, n'est donné à voir : l’amour, ici, n’est présent que sous les espèces de la démence infernale. A l’érotisme glacial du premier film s’est substitué un mélodrame dont l'évolution, aussi codifiée que la littérature du sentiment, ne présente ni surprise ni coup de théâtre.
En fait, plus qu’avec L'Empire des sens, le film d'Oshima entretient des rapports avec un film de Kobayashi : Kwaïdan. Même directeur de la photo, Yoshio Miyatima ; même compositeur, Toru Takemistu ; même recours au fait divers légendaire : ici, c’est l'amour coupable entretenu par une femme mariée qui l’incitera à tuer son mari. Ce dernier, avec son pousse-pousse, reviendra hanter les meurtriers jusqu'à leur expiation. Comme pour Kwaïdan, il est curieux de constater que le réalisateur s'est inspiré d’un auteur occidental : Kobayashi avait transposé Lafcadio Hearn, alors que L'Empire de la passion illustre exactement une nouvelle de Rudyard Kipling, Le Rickshaw fantôme. Paradoxe : cette dernière date de 1885, alors que l'événement filmé par Oshima se place (dans la réalité) en 1896. Tant il est vrai que la nature imite l’art, qui le lui rend bien...
La nature forme la trame de l'intrigue : c'est en contrepoint aux saisons, à la pluie, aux arbres, que Nagisa Oshima filme cet amour. Et c'est parce que les amants ont dérangé l'ordre du monde qu'ils seront poursuivis par le pousse-pousse fantôme, puis condamnés. A aucun moment la justice humaine n'aura de prise : l'inspecteur est un imbécile, et l’isolement de ce petit village de montagne en fait un monde clos.
Retour aux sources, dira-t-on, que ce film dédramatisé, où l'enfer a la beauté et la perfection d'une épure. Le surnaturel y est normal, et le normal peut y être monstrueux : aux accents romantiques se mêle une volonté toute victorienne (Kipling, encore) de parler du sexe. Les images traduisent cette double stylisation : l'enlisement des amants dans la boue, le supplice de la flagellation, le visage blême du fantôme, l'éclatement d’une bouteille de saké... Chaque cadrage, d'une beauté formelle incroyable, suggère l’inéluctable ; chaque mouvement de caméra retient le mystère de la passion.
Il est possible de déchiffrer, en filigrane, le thème de l’amour et de la mort qui, de La Pendaison à La Cérémonie, est le point nodal des récits de Nagisa Oshima. Mais c'est le titre d’un de ses premiers films qui résume le mieux L'Empire de la passion : Le Rebelle immortel. L'œuvre se referme sur elle-même."
" C'est à partir d’un fait divers survenu à la fin du siècle dernier que Nagisa Oshima a élabor&
" C'est à partir d’un fait divers survenu à la fin du siècle dernier que Nagisa Oshima a élaboré ie scénario de ce second volet du diptyque entrepris avec L'Empire des sens. L’histoire serait celle d’un adultère criminel sans originalité particulière si elle n’était fondée, finalement, sur un élément purement surnaturel emprunté à la tradition des récits populaires japonais.
Dans L'Empire de la passion, le mari assassiné joue un rôle d’une importance égale à celui des amants tragiques et sa présence ne cesse pas de les obséder après le crime, puisque son fantôme revient les hanter, se mêlant à la population du village, s’immisçant dans la vie quotidienne avec l’obstination tranquille de celui qui se refuse à céder sa place, qui ne comprend même pas qu’on puisse souhaiter sa disparition.
Plus que de la passion partagée par le couple adultère (la femme, vieille, mais ayant conservé une apparence de jeunesse qui tient presque de la magie, et le jeune homme, ensorcelé), c’est de la passion inaltérable du mari assassiné que le film d’Oshima nous parle. Et c’est avec une extrême sobriété, une rigueur classique qui n’exclut pourtant pas le lyrisme que le fantastique s’y installe. L'Empire de la passion ignore le pittoresque souvent indissociable des récits à dominante surnaturelle ; c’est, également, un film pur de l’obsession érotique qui gouvernait l'Empire des sens. Il est possible que cela déconcerte les spectateurs qui s’attendraient à une œuvre flamboyante, à une sorte de brasier. Ils se trouveront face à un film dont le pouvoir s’exerce insidieusement et qui atteint ses moments d’émotion sans jamais se départir de sa dignité narrative.
Oshima insiste beaucoup sur l’importance que revêt la présence de la nature dans son film. Elle y est, en effet, essentielle. Car en croyant se débarrasser à jamais de la présence importune du vieux mari, les amants tombent dans un piège imprévisible. Au lieu de se contenter d’exister sous son enveloppe charnelle, leur victime va désormais exister partout. Dans l’eau qu’ils boivent, dans les arbres que le vent fait frémir, dans la brume qui ensevelit les chemins, dans les bourrasques de feuilles mortes. Après le crime, impossible pour eux d’échapper au regard de celui dont ils pouvaient se cacher si aisément autrefois. Leur liberté leur interdit l’amour.
Avec un minimum d’effets et en dépit d’un art de la mise en scène dont il faut bien avouer qu’il est plus cérébral qu’inspiré par les caprices de la sensibilité, L'Empire de la passion nous conduit au pathétique par les chemins qui lui sont propres. La distance et la lucidité froide qu’Oshima conserve vis-à-vis de son sujet et de ses personnages, loin de condamner son film à n’être qu’un exercice théorique, confère une vie intense à ce qui ne pourrait être que spéculation intellectuelle. Cette attitude lui permet de conjurer le mauvais sort que les innombrables clichés - qu’on considère comme indissociables de la peinture de la passion charnelle faisaient peser sur son projet. Il est plus troublant de le voir descendre aux enfers et traverser leur feu sans perdre la raison."
Il y a deux ans, L'Empire des sens, superbe poème érotique et funèbre, avait fait couler beaucoup d'encre &mda
Il y a deux ans, L'Empire des sens, superbe poème érotique et funèbre, avait fait couler beaucoup d'encre — et courir de nombreux spectateurs. Long tête-à-tête (et corps-à-corps !) de deux amants dévorés par leur passion charnelle, huis clos à la fois hiératique et fiévreux qui ne pouvait trouver d'autre issue que la mort. Ce film à la sensualité vénéneuse révélait — enfin — que l’érotisme, à l'écran, pouvait être œuvre artistique et ajoutait un nom au palmarès des grands réalisateurs japonais : Nagisa Oshima. Aujourd'hui, ce même metteur en scène, avec L'Empire de la passion, risque de décevoir tes fanatiques de naguère : malgré la similitude des titres, ce second film est beaucoup plus chaste, et le vertige sensuel qui s'exacerbait là jusqu'au délire obsessionnel cède ici la place à un autre vertige : celui du remords. Avec, cependant, la même beauté plastique, qui a valu à l'œuvre, à juste titre, le prix de la mise en scène au dernier Festival de Cannes.
Cette fois encore, il s'agit d'un fait divers réel — datant de 1895. Cette fois encore, les héros sont deux amants liés par une sombre fatalité. Mais, plus que leur désir furieux, c'est un crime qui les lie et les déchire tout à la fois : celui du mari de l'héroïne, un conducteur de pousse-pousse vieillissant qu'ils ont étranglé et dont ils ont jeté le corps dans un vieux puits.
Au village, on commence à jaser. Et un jour, le fantôme de la victime apparaît à sa meurtrière. Pour ne plus la quitter. Un fantôme serein, encore aimant, et dont la venue ne s'accompagne d'aucun phénomène terrifiant : au Japon, le fantastique est partie prenante de la vie de tous les jours. Surtout dans ce village admirablement photographié, qu'il soit enfoui sous la neige ou calmement blotti au creux d'une forêt incendiée par l'automne. Pourtant, peu à peu, ce fantôme devient insupportable, et le culpabilité des assassins apparaît au grand jour, tant leurs attitudes, sous l'empire de cette hantise obsessionnelle, deviennent troublantes...
L'exotisme, ici, est presque absent, et le rituel japonais réduit à sa plus simple expression. Oshima s'attache davantage à filmer, avec un raffinement très recherché, la nature, la forêt, la pluie automnale, la neige, les feuilles mortes que l'assassin, sans savoir pourquoi, ne peut s'empêcher d'aller régulièrement déverser dans le puits maudit, comme pour ensevelir son remords. La nature telle que la montre Oshima, à la fois admirable et inquiétante, ajoute au surnaturel qui finit par vaincre les deux amants maudits.
Parfois long, parfois mélodramatique, L'Empire de la passion n'égale pas la force d'envoûtement du film précédent. Mais sa facture très dépouillée et sa beauté formelle en font une des œuvres les plus intéressantes de ce début de rentrée."
" Il ne faut pas se méprendre sur le titre français qui fait penser à une suite de L’empire des sens (1976)
" Il ne faut pas se méprendre sur le titre français qui fait penser à une suite de L’empire des sens (1976), énorme succès de scandale du cinéaste. Bien sûr, il est aussi question d’un couple dévoré par le désir, les entraînant irrémédiablement vers leur perte. Mais le ton et le style du métrage sont totalement différents. Ici, pas de provocation ni de scène de sexe explicite, rien d’autre qu’une poésie de chaque instant. Nagisa Oshima a obtenu à Cannes le prix de la mise en scène pour cet opus et on comprend rapidement pourquoi. Chaque plan est d’une beauté touchant au sublime grâce à une photographie très travaillée, tandis que la musique utilisée avec parcimonie permet de mieux souligner l’étrangeté de nombreuses scènes. Mais ce qui marque le plus le spectateur est cette volonté de basculer doucement dans le fantastique et même dans l’onirisme.
Les scènes où le spectre sort de la brume pour emporter sa femme meurtrière vers sa nouvelle demeure sont tout bonnement splendides, de même que celle se déroulant au fond du puits. Les références qui nous viennent immédiatement à l’esprit sont Les contes de la lune vague après la pluie (1953) de Kenji Mizoguchi pour cette imbrication constante entre le monde des morts et celui des vivants, mais aussi Les amants crucifiés (1954) du même cinéaste pour la mise au ban de la société des couples adultères.
Autant dire deux chefs-d’œuvre face auxquels le film d’Oshima n’a pas à rougir. Il est rare de trouver des œuvres qui mêlent à la fois beauté esthétique irréprochable et profondeur thématique. Cet Empire de la passion y parvient haut la main, faisant de cet opus l’un des meilleurs du cinéaste."
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