Navigateur non compatible. Veuillez utiliser un navigateur récent
Horacia sort de prison en 1997 après y avoir passé trente ans pour un crime qu'elle n'a pas commis. Deux envies l'animent, se venger et retrouver son fils.
Horacia Somorostro sort de prison en 1997 après avoir passé trente ans derrière les verrous pour un crime qu'elle n'a pas commis. Sa vie est désormais centré sur deux objectifs, se venger de l'homme qui l'a fait condamner et retrouver son fils. Elle va ainsi fomenter un plan pour arriver à ses fins... Lion d'or de la Mostra de Venise 2016. La consécration d'un auteur qui s'attache à "filmer le temps" pour laisser la place aux personnages d'accomplir leur destinée.
Le lecteur n'est pas installé ?
Pour votre information, la lecture en mode hors-ligne n'est pas compatible avec le système d'exploitation Linux
Si elle sort de prison, c'est parce qu'une détenue — sa meilleure amie —, soudain émue par sa générosité, décide de dire la vérité. Il lui
Si elle sort de prison, c'est parce qu'une détenue — sa meilleure amie —, soudain émue par sa générosité, décide de dire la vérité. Il lui en a fallu du temps : trente ans ! C'est dire que le temps, chez Lav Diaz, est différent du nôtre. Tous ses films durent longtemps : trois heures quarante-cinq pour La femme qui est partie, presque un court métrage par rapport aux neuf heures, superbes, de Death of the land of encantos, en 2007. Nulle coquetterie dans sa démarche mais une volonté : permettre à l'écoulement des jours et à l'immensité de l'espace de s'emparer des personnages pour mieux les conduire insensiblement vers leur destin. Car ses héros ne maîtrisent rien ni personne. C'est sans le vouloir qu'ils laissent sourdre leur complexité, leur fragilité. Dans Death of the land of encantos, par exemple, c'est après l'avoir côtoyé, observé, écouté, rejeté par moments, puis définitivement adopté qu'on découvre le secret du personnage principal : victime d'un flic à la solde de la dictature... Ici, Horacia, enfin libre, ne songe apparemment qu'à se venger de celui qui a organisé le meurtre dont on l'a accusée. Elle s'installe tout près de chez lui, adopte un nouveau prénom et, déguisée en petit voyou, rôde, la nuit, autour de sa propriété, telle une Uma Thurman vieillissante dans un remake de Kill Bill, de Quentin Tarantino. Mais la compassion est si forte, en elle, qu'elle ne peut s'empêcher d'aider moralement et financièrement, au risque de compromettre sa mission, un pauvre vendeur de « baluts » (1) , droit sorti du Dodes'ka-den d'Akira Kurosawa. Et surtout un jeune travesti, s'offrant aux coups de ses amants d'un soir, qu'elle recueille chez elle, comme le fils chéri, disparu, jadis, dans la jungle des villes et qui n'a jamais donné de nouvelles. Entre eux se noue un mélo sublime, où les blessures s'apaisent dans les larmes et les chansons, et dont le dénouement, prévisible et pourtant surprenant, glisse, soudain, vers un onirisme flamboyant... Comme Dostoïevski (il avait librement adapté Crime et châtiment sous le titre Norte, la fin de l'histoire, en 2013), Lav Diaz cherche à savoir « pourquoi le Mal domine nos âmes », comme dit Horacia, à qui il oppose l'obsédante tentation de la bonté. Lion d'or à Venise en 2016, La femme qui est partie confirme l'importance d'un cinéaste encore méconnu, dont la maîtrise subjugue et dont l'humanité nous transperce.
(1) Prisé aux Philippines, le « balut » est un oeuf de cane, de poule ou de caille incubé (le foetus est formé) cuit à la vapeur. Le bouillon aurait des effets aphrodisiaques.
Avec Brillante Mendoza, révélé et soutenu par le festival de Cannes, Lav Diaz est l’un des deux cinéastes philippins dont la réputation a f
Avec Brillante Mendoza, révélé et soutenu par le festival de Cannes, Lav Diaz est l’un des deux cinéastes philippins dont la réputation a franchi les frontières de leur pays pour s’imposer dans le paysage cinéphilique mondial. Homme de cinéma, mais aussi musicien et auteur de bande dessinée, Lav Diaz, 58 ans, est même considéré comme la figure pionnière du nouveau cinéma philippin, à laquelle le Musée du Jeu de paume, à Paris, a rendu hommage par une rétrospective en 2015.
Quand son confrère aime à prendre le spectateur aux tripes, dans des atmosphères saturées des sons de la ville, il préfère le noir et blanc, la déambulation, la poésie et le temps long. Très long, parfois, à l’exemple des 8 heures de son A Lullaby to the Sorrowfull Mystery, primé au festival de Berlin l’an dernier.
À côté de cette ample évocation de la révolution philippine, les 3 h 45 de son nouveau film, La Femme qui est partie, passeraient presque pour un court-métrage. Lav Diaz a toujours assumé ce rapport au temps, et force est de reconnaître qu’il sait l’employer à fort bon escient.
La Femme qui est partie est une œuvre intense, captivante, expérience d’une profondeur et d’une nuance époustouflante sur le désir de vengeance, le pardon, la rédemption, le sacrifice, l’empathie, la responsabilité de la faute… Le tout porté par deux interprètes impressionnants et filmé dans un noir et blanc magnifique, tout en palette de gris. Ces qualités n’ont pas échappé au jury de la dernière Mostra de Venise qui lui a décerné, en septembre dernier, un exigeant Lion d’Or sous la présidence du réalisateur américain Sam Mendes.
Le film évoque l’itinéraire d’une femme d’âge mûr, Horacia (Charo Santos-Concio), libérée après 30 ans d’une prison où elle s’employait à éduquer ses codétenues, notamment lors de séances de lecture. Venue d’un milieu bourgeois, elle retrouve sa fille devenue adulte et se met en tête de faire de même avec son fils, dont elle est sans nouvelle. Mais elle désire avant tout se venger de l’homme responsable de son injuste condamnation.
Son projet la mène jusqu’à la ville où il habite, dans une luxueuse demeure plantée en surplomb d’un bidonville, cernée de hautes grilles et gardée par des hommes armés. Elle s’établit non loin, se lie à un vendeur ambulant, une fille des rues, rôde autour de l’église qu’il fréquente et distribue parfois son argent pour aider à remplir les ventres.
Une rencontre vient troubler ses plans : Hollanda (John Lloyd Cruz), travesti, prostitué, frappe un soir à sa porte, à demi-inconscient. Il a été battu. Elle le recueille, le soigne, l’héberge. Venu dans cette ville pour se laisser mourir loin de proches qui l’ont rejeté, il trouve en elle une bienveillance, un amour qu’on ne lui avait jamais prodigué…
À partir de cette trame, Lav Diaz déploie pas à pas un film complexe et magnifique, où se manifestent toutes les ombres et les lumières d’une humanité irréductible au bien ou au mal, dont la part de culpabilité et le désir de rédemption ne cessent de se déplacer et se recomposer dans d’incessants mouvements de convection. Au final, les quatre heures ou presque n’en paraissent pas deux, et le spectateur s’en va, riche de personnages inoubliables et de questions spirituelles qui l’accompagneront longtemps.
Primés dans tous les festivals, les films de Lav Diaz demeurent pratiquement inconnus du public. Des films venus des Philippines, de durées
Primés dans tous les festivals, les films de Lav Diaz demeurent pratiquement inconnus du public. Des films venus des Philippines, de durées respectables (près de quatre heures ici), et souvent en noir et blanc, comme la Femme qui est partie, lion d'or de la dernière Mostra. Dérivé d'une nouvelle de Tolstoï, celui-ci impose avec brio sa logique implacable, qui s'exprime par la volonté de donner aux personnages et au récit le temps qui leur est nécessaire pour exister.
Ce temps a été volé à Horacia, qui a passé trente années en prison pour un crime qu'elle n'a pas commis et dont l'innocence est reconnue enfin. Elle retrouve ce qu'elle peut encore rassembler de sa vie : un homme riche et puissant l'aimait, lorsqu'elle lui en a préféré un autre, pauvre et humble, il s'est vengé, voilà. A quelque 50 ans, Horacia entend se venger à son tour, mais elle est déterminée aussi à aider les laissés-pour-compte d'une société qui laisse la pauvreté grandir et se creuser le gouffre qui sépare les nantis des miséreux.
Pas trace de sentimentalisme, mais au contraire une distance toujours juste, qui crée l'émotion, au gré de scènes amoureusement ciselées, photographiées sublimement, magistralement interprétées. Alors, oui, c'est long, mais ce n'est jamais trop long. "La Femme qui est partie" donne à ses personnages la chance que leur naissance, la vie, la société leur ont refusée. Et ça n'a pas de prix.
[...]À chacun des films qu’il réalise depuis la fin des années 1990, Lav Diaz nous fait séjourner dans des territoires délaissés, éloignés d
À chacun des films qu’il réalise depuis la fin des années 1990, Lav Diaz nous fait séjourner dans des territoires délaissés, éloignés des préoccupations du pouvoir. Pour évoquer les plus récents, Norte. La fin de l’histoire (2015) tournait donc vers le nord sa boussole. Une cartographie de parcours humains se concentrait dans le point nodal d’un crime. Il était attribué au suspect le plus probable, un pauvre homme. Justice, injustice, mensonge et vérité, violence des dominations, il fallait aller voir du côté de Dostoïevski. Le documentaire Death in the Land of Encantos, situé dans la région de Bicol qui avait été dévastée par un typhon, nous rapprochait du cheminement de trois des habitants du lieu. L’un deux, à la suite d’un exil qui l’avait conduit en Russie, citait Dostoïevski au nombre des écrivains qui l’avaient marqué. Ainsi que Pouchkine et Tolstoï. Lav Diaz partage ces prédilections. La femme qui est partie est un film inspiré d’une nouvelle de Tolstoï, Une histoire vraie.
Nos existences se retrouvent bouleversées par toutes sortes d’événements. Reste à combattre pour « une vision juste, pour le bien de l’humanité », déclare Lav Diaz. Agir au plus près de soi pour diminuer les souffrances, tel était le viatique de Tolstoï, animé d’une foi si terrestre que les institutions de l’Église finirent par l’excommunier. Lav Diaz, lui, s’emploie à éveiller les consciences dans un pays meurtri par des siècles de colonialisme espagnol, des décennies de tutelle états-unienne, l’occupation du Japon et la sanglante dictature de Marcos. Il en combat les héritages en cinéma. À commencer par une maîtrise du temps romanesque qui induit la longue durée de ses films. Pareil aux perceptions des anciennes cultures philippines réprimées, c’est chez lui l’espace qui gouverne ce qu’il nous dit des réalités d’aujourd’hui. Dans La femme qui est partie, le récit se construit une fois encore de manière organique avec une grande précision. Lav Diaz utilise combinaisons et contrastes du domaine profond du noir et blanc pour plonger dans les profondeurs d’un pays souffrant. Horacia/Renata, plantée tous les soirs au même carrefour, y fait la connaissance d’un bossu qui vend des œufs à la sauvette, d’un environnement de miséreux. Le jeu superbe des clairs-obscurs englobe la menace que fait planer la proche présence de Rodrigo. Le jour aussi, qui voit l’église, de faible recours, où elle se rend quelquefois inondée d’un blanc de glace. Les nouvelles radiophoniques récurrentes de la situation du pays nous rappellent que son malheur n’est qu’un parmi d’autres. Horacia manifeste une compassion sans bornes envers les parias, relégués et réprouvés. À Mameng, la folle statufiée de crasse (Jean Judith Javier) qu’elle autorise à franchir librement sa porte. Et surtout à Hollanda (John Lloyd Cruz), travesti qu’un tabassage abject laissera à moitié mort. Suivra un huis clos qui réunira Horacia et Hollanda en une bouleversante mise à nu devant une caméra qui a resserré ses distances. Avant que les bienfaits accomplis ne déclenchent d’imprévisibles conséquences
Nos offres d'abonnement
BASIQUE ETUDIANTS
1 | € |
le 1er mois(1) |
SANS ENGAGEMENT puis 4,99€ /mois
Sur présentation d'un justificatif(2)
BASIQUE
1 | € |
le 1er mois(1) |
SANS ENGAGEMENT puis 6,99€ /mois
PREMIUM
9 | ,99€ |
/mois |
SANS ENGAGEMENT
* A l'exception des films signalés
CINÉPHILE
15 | ,99€ |
/mois |
SANS ENGAGEMENT
*A l'exception des films signalés
BASIQUE ETUDIANTS
49 | ,99€ |
/an |
Sur présentation d'un justificatif(2)
BASIQUE
69 | ,99€ |
pour 1 an |
PREMIUM
99 | ,99€ |
pour 1 an |
* A l'exception des films signalés
CINÉPHILE
175 | ,99€ |
pour 1 an |
* A l'exception des films signalés
Vous devrez fournir un justificatif de scolarité (carte étudiante ou certificat, en .pdf ou .jpg).
UniversCiné se réserve le droit d'annuler l'abonnement sans possibilité de remboursement si la pièce
jointe envoyée n'est pas conforme.
Offre valable 12 mois à partir de la date de l'abonnement
_TITLE