" C’est un film magistralement mis en scène et dont les images, éclairées par Gerry Fisher, sont superbes. On peut admirer la fluidité des mouvements de caméra, la construction en labyrinthe des décors, qui - vieilles rues de Paris, appartement, château en Ile-de-France et itinéraire de la rafle - mènent implacablement au souterrain reliant le Vél’ d’Hiv au train de déportation. On peut admirer l’esthétique baroque des images. Et ne pas être d’accord sur le fond.
Le propos de Losey n’était pas historique mais métaphysique : faire une autre représentation du Procès, de Kafka (qui était juif et dont le personnage s’appelait M. K... comme Klein). L’indifférence et l’inhumanité de l’homme envers l’homme, la perte de l’identité dans un appareil bureaucratique dont on ne voit que les fonctionnaires, la culpabilité fictive des boucs émissaires sont des .thèmes qui restent, malheureusement, contemporains et prêtent toujours à la parabole. Pour traiter ces thèmes qui apparaissent, avec évidence, dans le scénario « policier » de Franco Solinas, embrouillé d’un lacis de symboles, Losey s’est appuyé sur une réalité historique dont il n’a pas cherché, a-t-il dit, une reconstitution précise.
Evidemment, il est tentant - et facile - devant un tel film, séduisant par sa forme et par l’interprétation très dominée, très travaillée, de son « héros », Alain Delon, de se laisser aller à la démarche intellectuelle. Mais l’histoire est là, à laquelle il a bien fallu faire des références constantes, l’histoire saignante, vivante, qui se défend contre l’abstraction, contre l’intellectualisme."
Jacques Siclier, 30/10/1976