"On ne peut manquer de penser au Shara de Naomi Kawase, où la disparition a cette hésitation fantastique, au coin d’une rue, près d’une porte rouge vers un autre monde. Kawase et Hirokazu Kore-eda ont une expérience certaine dans le documentaire, un art commun de capter le réel ; ils partagent également le même chef opérateur, Yutaka Yamazaki, pièce maîtresse dans la pureté et la grâce quotidienne que distillent les deux films. Pourtant, l’absence chez le réalisateur de Nobody knows a un autre goût. Rien de surnaturel, plutôt de la terre qui emprisonne, salit les visages et abîme les vêtements. On ne s’envole plus guère pour offrir une vision du paradis, au contraire, on reste collé au sol infernal, observant les avions qui, eux, sont autorisés à déchirer les nuages. Et si la nuit noire possède chez Kore-eda des habits fantastiques, c’est par son sentiment d’inquiétude, son horreur vertigineuse. Le métro muet ramène toujours vers la maison et sa musique familière, finalement sourde, pas plus perceptible que le tic tac d’une pendule - ou d’un compte à rebours.Le ton semble pourtant beaucoup plus léger dans Nobody knows que dans les précédents longs métrages de Hirokazu Kore-eda. (...) Nobody knows se base sur un fait divers dont les tournants peuvent s’annoncer sordides (une mère abandonne ses enfants à leur propre sort), mais la caméra de Kore-eda est à niveau du regard d’enfant. Naïve, innocente, insouciante. L’absence a le sucre de la liberté : l’école buissonnière se perpétue, la maison est un terrain de jeu, la superette un parc d’attraction. Les interdits s’écroulent, et une escapade dans la rue devient une grande aventure pleine de souffle et d’ivresse - même les chaussures poussent leur cri de joie. Peu importe si quelques signes, comme un pot de fleur brisé ou du vernis rouge qui tache le sol, viennent annoncer la fin des beaux jours. Et si l’absence est d’abord accrochée au mur, maman crayonnée sur un bout de feuille, Kore-eda le documentariste n’occulte pas la noirceur de l’histoire. Avec la douceur mais aussi la cruauté d’un Takahata à son meilleur, Hirokazu Kore-eda peint l’enfance brisée dans un chef-d’œuvre qui n’aurait pas eu à rougir d’une Palme."
Nicolas Bardot
très très très très très beau.
j ai vu à sa sortie ce film remarquable. Inoubliable.