"Hélène Lapiower est née en Belgique de parents juifs polonais, émigrés avant la guerre, prolétaires et toujours fiers de l'être. Elle est devenue comédienne, après avoir suivi les cours de Jean-Pierre Vincent à l’Ecole du Théâtre national de Strasbourg, elle a joué, au théâtre surtout avec, entre autres, Jacques Lasalle, Didier Bezace, Philippe Adrien, Georges Lavaudant. On l'a vue au cinéma, aussi, notamment dans Moi Ivan, toi Abraham de Yolande Zauberman, et Comment je me suis disputé d'Arnaud Desplechin. Depuis sept ans, elle filmait sa famille, au fil de «petites conversations familiales » et sans apprêt, saisies en caméra vidéo. Consciente d’être entre deux mondes, « de faire partie de la génération qui arrête la transmission judaïque », et dès lors désireuse de faire un film qui « serait une mémoire, et une proposition d’analyse ». Mission réussie, pleinement, car son film est non seulement un document mais un très plaisant voyage au sein d'une famille aussi exceptionnelle qu'attachante.
Exceptionnelle, elle l’est, cette famille juive aujourd’hui éclatée aux quatre coins du monde, et des cultures. La première génération, celle de la grand-mère et de la grand-tante, parle encore le yiddish - mais aussi, indifféremment, le français ou l'anglais - mange encore des plats traditionnels, et vit, pour l'une à Bruxelles, pour l’autre... à Des Moines, Pourquoi si loin ? Pour être encore plus loin d’Auschwitz, dont la vieille dame américaine est rescapée ? Elle est, en tout cas, celle qui dit : « Je ne veux pas qu’on disparaisse du monde... »La deuxième génération, celle des parents, est à Bruxelles. « Le lieu, dit la réalisatrice, où l’on a le malheur d’être, à la fois, juif et belge. » Où, pourtant, ses parents sont fiers d’avoir bâti leur vie, une vie d’enfants de Bundistes, juifs socialistes, ouvriers et militants au cœur pur, lecteurs du « Capital », pétris de principes et de conscience de classe. La troisième génération... joue à fond la carte de l’assimilation. Et au-delà. Il y a celle qui a épousé un Noir et s’est convertie au bouddhisme, proclamant « l’héritage juif de mes parents, c’est de la merde », parce « qu’ils ont passé leur vie à souffrir », celui qui a épousé une « Beur » et fête le Ramadan, celle qui, au contraire, est nostalgique, « il y a de la beauté dans le judaïsme, il ne faut pas que cela tombe à l'eau ». Celle qui fuit les hommes juifs « trop cérébraux » et celui qui pour rien au monde n’aurait pris une juive pour femme («trop hystérique »).
Mais il y a aussi ceux qui avouent, perplexes : « Il faut se proclamer juif sinon on ne sait pas qu’on l'est » Il y a celle dont l’époux italien ne peut pas manger les spaghettis trop cuits de sa belle-mère, et celle dont les gamins apprennent le Coran...Une famille juive d’aujourd’hui écartelée entre ce qui reste de la tradition et ce qu'implique d’oubli une assimilation revendiquée. Une brochette d’hommes et de femmes que l’on découvre entre deux baisers et deux fous rires, et que l’on a envie de connaître tous. Un regard lucide, drôle et tendre, pudique jusque dans quelques confessions gaiement impudiques.
Un film qui va bien au-delà du « home-movie » familial pour atteindre l’universel, en racontant trois générations venues du ghetto, qui, dans l’exil, ont su progresser dans l’échelle sociale et qui, à la fois, voudraient «que leur souffrance n’ait pas été vaine » et qu’elle puisse, cette souffrance, être enfin définitivement oubliée. Un formidable message d’ouverture au monde avec, ce qui ne gâche rien, une jolie dose d'humour.."
Annie Coppermann
Chouette ce film, vraiment sympa
Je ne mets jamais de note maximale... rien dans un documentaire ne saurait être parfait ! Mais le témoignage est irremplaçable. Au-delà du film, ce sont...
Lire la suiteUn film précieux et indispensable. Un bijou rare.