Wang Xiaoshuai : " Ce fut mon tournage le plus difficile."
Le réalisateur chinois explique à quel point Shanghai Dreams est un film personnel, dédié à ses camarades et à ses1
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Dans la province de Guizhou, une jeune fille de 19 ans vit son premier amour. Mais son père pense que leur avenir est à Shanghai.
Dans les années soixante, sur les recommandations du gouvernement, de nombreuses familles ont quitté les grandes villes chinoises pour s’établir dans des régions pauvres, afin d’y développer l’industrie locale. L’héroïne du film a 19 ans et habite dans la province de Guizhou avec sa famille. C’est là que sont ses amis, qu’elle vit son premier amour. Mais son père pense que leur avenir est à Shanghai. Comment vivre ensemble quand on ne partage pas les mêmes rêves ? Festival de Cannes, 2005 : Prix du Jury à l'unanimité.
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"Shanghai Dreams se situe dans les années 80 et s’immerge dans un contexte historique très précis, quand le gouvernement chinois [dans les a
"Shanghai Dreams se situe dans les années 80 et s’immerge dans un contexte historique très précis, quand le gouvernement chinois [dans les années 60], craignant un conflit avec l’URSS, demanda aux usines d’importance stratégique de s’installer à l’intérieur du pays afin d’y former une éventuelle troisième ligne de défense. De nombreuses familles furent ainsi mutées de force de Shanghai aux endroits les plus reculés du pays.A partir de cette situation macro-historique, Wang Xiaoshuai (So Close to Paradise, Beijing Bicycle, Drifters’) s’est recentré sur le quotidien d’une de ces familles, et a tissé son film sur un subtil double mouvement. D’un côté, les parents, abrutis par le travail, rongés par la mélancolie de l’exil, rêvant pour eux et pour leurs enfants d’un retour à Shanghai. De l’autre, les enfants devenus jeunes adultes, grandis loin de Shanghai, nouant des relations amicales et amoureuses sur place et, du coup, ne rêvant plus vraiment de revenir à la ville. S’ouvre ainsi une fracture générationnelle qui se creuse de façon aussi subreptice qu’irrémédiable, et qui se décline sur plusieurs lignes. Au traditionnel fossé de l’âge se superposent un écart politique (les parents ont l’habitude de se résigner à ce que décide le Parti, alors que les enfants sont plus individualistes et indépendants) et un gouffre existentiel, l’exil des uns étant l’enracinement des autres, et vice-versa.
Wang Xiaoshuai ne déroule évidemment pas ces motifs comme s’il faisait un exposé didactique, mais travaille la matière de ce qui fait le fil des heures et des jours. Il décrit le quotidien de ses personnages en alignant patiemment scène après scène, comme nous vivons chaque journée en étant le plus souvent inconscients des lignes de force et des temps longs qui travaillent nos vies. Et ce, jusqu’à ce qu’une crise éclate et nous commande de faire un bilan et de rebattre éventuellement les cartes. (...)
Certes, cette histoire n’est pas nouvelle, mais Wang Xiaoshuai nous la montre avec beaucoup de tact et de sensibilité, sans jamais hurler de rage ou céder aux puissances faciles de la dénonciation, (...). Et puis cette histoire concerne tous les exilés intérieurs, tous les émigrés de tous les pays, tous ceux dont l’identité et les repères ont été malmenés par un déplacement d’importance. D’une particularité historique, nationale et autobiographique, Wang Xiaoshuai a tiré une œuvre universelle."
"Le contexte historique et le destin individuel se partagent (...) la main, sans jamais rompre l'équilibre. Une telle justesse du propos ti
"Le contexte historique et le destin individuel se partagent (...) la main, sans jamais rompre l'équilibre. Une telle justesse du propos tient peut-être à ses sources d'inspiration. Tiré d'une histoire vraie entendue par le réalisateur Wang Xiaoshuai (Lion d'Argent à Berlin en 2001 pour Beijing Bicycle, qui évoquait lui aussi le déracinement d'un jeune chinois venu chercher du travail dans une grande ville) et influencé par sa propre expérience (il a vécu une partie de sa jeunesse dans la province de Guizhou), le scénario s'ancre dans une vérité palpable qui lui offre de solides fondations.(...)
Mais ce qui est passionnant, outre les déchirures brutes des personnages, c'est le double coup de projecteur sur une zone et un sujet méconnus du public. En effet, la Chine, toujours mystérieuse, livre depuis peu des images émancipées. Découvrir au plus près la vie d'une province chinoise retirée, durant les années 1980, a de quoi fasciner. On y retrouve avec un regard amusé les mêmes paillettes, les mêmes préoccupations adolescentes, les mêmes danses, les mêmes rébellions que la jeunesse occidentale ! Jolie leçon d'ouverture d'esprit, fin tableau de la nature humaine. A côté de ça, le mode de vie, les demeures, les relations parents/enfants, les codes sociaux semblent parfois lointains, ne privant pas le tout d'une touche agréablement exotique. Et puis, second coup de projecteur dont l'intérêt n'est pas des moindres, le film lève le voile sur le destin peu relayé des ouvriers chinois retenus loin de leurs régions natales, à la fois rongés par la nostalgie et portés par l'espoir de retour.
Calme, émouvant, dur, Shanghai Dreams a séduit à Cannes et remporté le Prix du Jury l'an dernier. Le rythme tranquille, les couleurs écrasées par un ciel bas, il se regarde comme un rêve plein de mélancolie, un voyage aux contours gris qui laisse une impression flottante. Quoi de plus paradoxal, en effet, que d'atteindre comme un étouffement de la vie tout en se nourrissant d'espérance."
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