"... une oeuvre attachante, non dénuée d'une certaine force, à la fois réaliste et émotionnelle (...) e qui pourrait apparaître uniquement comme des conventions spectaculaires rebattues et guettées par la mièvrerie, est régulièrement tempéré, troublé et transformé.
Tout d'abord un réalisme solide des lieux, des personnages et des situations. Le décor est celui de la province américaine, des banlieues pluvieuses du New Jersey. Les personnages sont des êtres sans qualités, au physique quelconque. Laurie Collyer réussit à maintenir son film sur un équilibre fragile, où la vérité des situations, leur crudité parfois, tout autant que leur caractère parfois inattendu (le récit progresse par bonds surprenants) n'élimine pas les mécanismes classiques de l'identification du spectateur.
Le film décrit aussi une Amérique déglinguée, fonctionnant sur le spectre de structures familiales déstabilisées ou disloquées par l'abandon, la faillite ou la veulerie des pères. A cet égard, celui de l'héroïne apparaît comme un être ordinairement monstrueux.
Un certain nombre de détails, quelques touches discrètes semées au cours du récit, rendent palpable la découverte par l'héroïne des transformations microscopiques de son environnement durant son incarcération, tel l'embourgeoisement de son frère.
Mais SherryBaby est surtout un beau portrait de femme. Sherry Swanson est à la fois fragile et volontaire, déterminée tout autant que victime des circonstances, mue par une irrépressible vitalité désinhibée. Et la simplicité des contradictions apparentes (liberté contre répression, bonne mère contre mauvaise famille) se lézarde subtilement au terme de la projection du film.
Rarement un film aura autant reposé sur la prestation de son actrice principale. Maggie Gyllenhaal, que l'on avait découverte en 2002 dans La Secrétaire, de Steve Shainberg, et qui se livre ici totalement, visiblement habitée par son rôle."