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Le 5 décembre 1981, trois ouvriers maçons arrivent à Londres avec leur contremaître. Ils sont venus de Pologne pour restaurer la maisond'un compatriote.
Le 5 décembre 1981, trois ouvriers maçons arrivent à Londres avec leur contremaître, Nowak. Ils sont venus de Pologne pour restaurer la maison londonienne d'un riche compatriote. Leur contrat dure un mois : il leur rapportera autant d'argent qu'un an de labeur en Pologne. Les quatre hommes s'installent et commencent à travailler avec acharnement. Grand Prix du scénario au Festival de Cannes 1982
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" Une comédie au vitriol réalisée dans l'urgence par un Skolimowski en exil, qui signe son film le plus populaire - et le plus réussi."
" Le cinéaste polonais Jerzy Skolimowski, qui n’a pas toujours œuvré dans la dentelle dans ses films précédents (Roi, dame, valet, voire Le
" Le cinéaste polonais Jerzy Skolimowski, qui n’a pas toujours œuvré dans la dentelle dans ses films précédents (Roi, dame, valet, voire Le Cri du sorcier), s’est découvert avec Travail au noir des trésors de subtilité. Le résultat est admirable. Un riche Polonais, pourvu de devises enviées, envoie à Londres des ouvriers pour restaurer un pied à terre qu’il y possède. Des quatre égarés qui débarquent en Angleterre en ce 5 décembre 1981, seul Novak, le contremaître (Jeremy Irons, vraiment superbe) parle anglais.
(…) Seulement, le 12 décembre, la Pologne devient un pays en état de guerre civile. Les frontières se ferment. Novak l’apprend mais le cache aux autres. Peut-être pour protéger son rôle de chef qu’il ne se sent pas vraiment la force d’assumer. Dès lors, il s’enfonce : qu’il parle, ou qu’il se taise, il est perdu. Or, c’est le silence (et le mensonge) qui autorisent tous les fascismes. Cela, on le savait déjà. L’astuce de Skolimowski, c’est d’avoir conçu son film, non comme un pamphlet, mais comme une fable diaphane et cruelle où les rapports de force psychologiques se lient a l’oppression politique. La mise en scène de Skolimowski se révèle ici d’une constante ambiguïté.
Bref, face à quelques cinéastes crépusculaires et nombrilistes (non, non, je ne citerai pas de noms), Skolimowski aura démontré avec Travail au noir (ex-aequo avec Godard, soyons juste) que le cinéma n’était pas art de raison, mais de passion..."
" … La portée politique du film est évidente. Dans un univers en proie au désordre (comme la Pologne), trois ouvriers bernés (tel le peuple
" … La portée politique du film est évidente. Dans un univers en proie au désordre (comme la Pologne), trois ouvriers bernés (tel le peuple polonais) obéissent aux ordres d’un « petit chef » (qui ressemble comme un frère à Jaruzelski). Novak, lui-même, est soumis à l’influence d’un riche protecteur (image de l’URSS)... La fable est limpide. Skolimowski, comme Wajda, il y a quelque temps, nous parle de la Pologne contemporaine.
Dans L'Homme de fer, Wajda, métamorphosé en reporter passionné, enregistrait Gdansk « à chaud » et de l’intérieur. C’est également« à chaud » que Skolimowski parle de la Pologne. Mais il la filme « de l’extérieur », puisqu’au moment où l’état de siège est proclamé, il vit en Angleterre et n’assiste à rien. A l’évidence, Travail au noir est hanté par une étrange mais forte « culpabilité de l’absence ». Skolimowski en joue d’ailleurs, non sans coquetterie, au point de se donner le vilain rôle du riche capitaliste polonais, propriétaire de l’appartement londonien. Mais seul ce regret d’avoir été « à l’écart » explique l’ambiance trouble et lourde qui colle à Travail au noir comme de la glu et justifie cette mise en scène incisive, à la perpétuelle dérision, presque sèche à force de cruauté.
Pourtant la sécheresse et la dérision qui émaillent toute l’œuvre de Skolimowski, au point de lui nuire parfois, permettent ici de distiller une émotion véritable. Dépouillée de tout chichi, de tout prêchi-prêcha. En fait, c’est précisément parce qu’il refuse le lyrisme politique a la Costa Gavras et le reportage historique à la Wajda que Skolimowski atteint l’universel. Dépouillé à l’extrême, épuré, Travail au noir dépasse la fable pour devenir une tragédie — forcément intemporelle —sur les mécanismes de la tyrannie et de sa composante principale: le mensonge.
(…) Depuis longtemps, on n’avait vu mise en scène épouser si exactement les contours d’un personnage à la fois douteux et douloureux. La caméra semble haleter quand Novak a peur, se calmer quand Novak se tranquillise, s’exciter de plaisir quand Novak vole. Le film respire par les pores de la peau de Novak. L’image, apparemment objective, de Skolimowski, plonge donc dans la subjectivité d’un homme qui se défait. Et le danger qui le menace, nous finissons par le ressentir comme si nous étions lui.
Danger d’autant plus oppressant qu’il est vague et omniprésent. Parfaitement symbolisé par ce Londres poli et policé, où chacun semble vouloir épier l’autre, le « coincer », le voler. Monde clos, oppressant. Monde fou, où tous et tout s’affrontent, y compris les couleurs (ces cabines téléphoniques rouges qui tranchent sur l’uniforme grisaille...) Autrefois, les films politiques étaient d’affreux pensums ennuyeux et simplistes. Travail au noir a le mérite d’être passionnant, retenu et ambigu."
" Il serait ridicule qu’une querelle s'établisse entre les partisans du Wajda et ceux du Skolimowski, chaque clan ayant son Polonais exilé,
" Il serait ridicule qu’une querelle s'établisse entre les partisans du Wajda et ceux du Skolimowski, chaque clan ayant son Polonais exilé, les uns favorables à la gravité d’une réflexion politique parée des prestiges de l’évocation historique, les autres séduits par la modestie hautaine d’une Table ciselée par un auteur qui ne se soucie pas d’etre immédiatement compris de tous et qui n’entend pas faire déferler dans l’instant des vagues d’émotion.
Il est vrai qu’on aurait beau jeu d’opposer la hâte un peu bousculée de Danton à la concision minutieuse, au travail d’orfèvre de Moonlighting [titre original de Travail au noir]. Qu’on serait tenté de trouver plus de sincérité et plus d’humanité chez Wajda que chez son compatriote, qui ne fait rien pour démentir l’image d’esthète que nous nous sommes faite de lui depuis les temps lointains de Walkover et qui ne craint pas d’apparaître aux yeux des étourdis comme une manière de dandy non dénué de morgue et peu sensible aux misères du temps. Il nous semble, cependant, que l’enseignement de Danton n’interdit pas qu’on soit réceptif à celui de Moonlighting. (…) Alors qu’on est déconcerté par la démarche d'un auteur qui choisit l’ellipse ou la litote de preference à l'analyse insistante, le langage du cadre et du plan de préférence aux figures de la rhétorique socio-politique. Il serait étonnant de voir Moonligliting susciter autant de commentaires émanant de personnalités non cinéphiles que Danton en a suscités dans la presse écrite.
Il est vrai que Skolimowski ne se réfère pas à notre passé historique, mais la construction métaphorique qu’il nous propose concerne peut-être plus directement l’actuelle situation polonaise. Et ses possibilités de lecture, fort nombreuses, sont de nature à perturber autant de consciences.
La beauté formelle de Moonlighting est si évidente qu’il est parfaitement superflu de la souligner. A Cannes, l’an dernier, c’était, avec Identification d’une femme, le film le plus judicieusement « mis en scène », celui qui pouvait le mieux se passer du secours des mots, celui qui nous rappelait avec le plus de pertinence que le cinéma demeure avant tout le problème d’organisation de l’espace et de condensation (ou de dilatation) du temps que les cinéastes classiques nous ont fait découvrir par les solutions qu’ils lui ont apportées. Et que tout le reste — et il faut prendre le mot au pied de la lettre — est littérature.
Ce qu’il n’est pas inutile de rappeler, en revanche, c’est qu’on a peu fait de films aussi justes sur le phénomène de l’immigration clandestine, qu’on n’a jamais tracé avec autant de fermeté les limites du monde rigoureusement clos, étouffant, du travailleur immigré, jusqu’à nous les faire sentir physiquement, avec leur cruauté absurde, leur tyrannie dérisoire. Aucun documentaire aussi bien intentionné soit-il ne nous a jamais fait sentir plus vivement, que je sache, que les conditions de l’exil involontaire et subi dans la pénurie matérielle ne font pas seulement de l’être humain un étranger aux autres, mais un étranger à lui-même. On n’a guère tracé, non plus, de parallèle plus éclairant entre la mentalité occidentale et celle de l’habitant d’un pays de l’Est. On ne nous a guère donné à considérer notre mode de vie par les yeux de ceux qui le tiennent pour enviable tout en en redoutant les tares.
On peut aller plus loin dans la lecture de Moonlighting. Voir dans la description à la fois sensuelle, humoristique et passablement âpre qu’il fait d’une entreprise de caractère quasi stakhanoviste (on sait qu’il s’agit de la rénovation accélérée clandestine d’un appartement londonien) la métaphore des modes d’action et de pensée imposées par le socialisme stalinien et de leurs prolongements dans la situation actuelle des démocraties populaires (et particulièrement dans la situation polonaise, cela va sans dire).
On peut se féliciter que l’auteur de Moonlighting, loin de se contenter d’exposer une thèse partisane et résolument dissidente, nous donne à comprendre comment et pourquoi on a pu être stalinien et comment on peut l’être encore. (…) Dure leçon, mais c’est du grand art. Et qui ne nous semble pas inutile."
" Tout commence comme un épisode inédit de Mission Impossible : le 5 décembre 1981, quatre ahuris, de la galaxie Pologne débarquent sur la
" Tout commence comme un épisode inédit de Mission Impossible : le 5 décembre 1981, quatre ahuris, de la galaxie Pologne débarquent sur la planète Occident (région : Angleterre, zone : londonienne, quartier : Kensigton). Leur passeport : maçon. Leur but : retaper le pavillon qu’un apparatchik de Varsovie se mitonne pour ses vieux jours tranquilles.
(…) Les ahuris se mettent en chantier : se défonçant à défoncer, se massacrant à massacrer, tapant, cloutant, décapant, tapissant. (…) Mais aux temps forts de la vie (manger, se distraire, téléphoner à la famille), les ahuris sortent de leur base, et mutent en explorateurs-Fenouillard : ils visitent le supermarché, troquent avec les indigènes (une télé couleur marchandée contre une poignée de livres), s’étonnent ou se choquent de leur mœurs (caméras de surveillance, flicesse cruelle), bref vivent comme des pionniers, égaillés en plein djebel Iondonien. (…) Même Novak, le plus civil de la tribu (chef et bilingue) qui chaque matin vole le journal dans la boîte à lettres des voisins et le remet scrupuleusement en place après usage. Ce mouvement d'humour appartient en propre aux grands cinéastes de l’émigration (tout Chaplin et Kazan d’America). Une certaine manière de rechigner à la nouvelle terre et une envie furieuse- curieuse d’y participer malgré tout, de faire avec : du nomadisme sur place.
Il fallait Skolimowski, lui-même exilé en Grande-Bretagne, pour reprendre le filon : montrer sans compassion l’étrange dérive des continents qui écartèle le migrateur : latitude à s’adapter promptement aux règlements du nouveau monde, longitude à perpétuer partout les chromosomes de la vieille mère patrie. Respect et parano.
(...) Il y a dans Moonlighting un parti pris d’images de rien qui fait bonheur à voir : images incongrues (un passant qui ne fait que passer, un panda en peluche juché sur ses épaules, un chat et un chien comme chat et chien tandis que Novak vaque aux commissions), images drolatiques (la maison tatiesque, source de gags à 'hurler), images tout court (travailleurs à la Degas, rêvassant nus à la baignoire en fumant une cigarette). Si bien que Moonlighting sera comme il vous plaira : thriller politique (Pour une poignée de zlotys), documentaire d’action (La polka des Polaks), drame psychologique (Solidarmoche) ou film comique (Le voyage des ahuris). En tout cas un film grave qui décentre perpétuellement sa gravité."
" Quand, le 13 décembre 1981, Jerzy Skolimowski apprend la proclamation de l’état de guerre dans son pays, et par conséquent la suppressio
" Quand, le 13 décembre 1981, Jerzy Skolimowski apprend la proclamation de l’état de guerre dans son pays, et par conséquent la suppression des libertés conquises depuis dix-huit mois, il songe a réagir. Comme il vit en Occident depuis une douzaine d'années, il pourrait signer une pétition. Ou mettre sur pied une superproduction historique à la gloire de la Pologne, éternelle victime renaissant de ses cendres. Il ne risquerait rien. Quoi qu’il fasse, il serait entouré de la considération universelle. Au lieu de cela, Skolimowski écrit et filme à la hâte une anecdote dérisoire.
(…) En un seul film, narrant une aventure plus que marginale, Skolimowski réussit donc à parler : 1) de la situation politique la plus chaude en 1982 ; 2) des raisons de l’immigration (les pauvres loin chez les riches) et de l'exploitation des immigrés ; 3) à travers le portrait de son petit chef, de la nature du pouvoir, et des responsabilités qu’il engendre. Ajoutons en quatrième position qu’il cherche, en peignant les ouvriers comme des demeurés, à faire rire le spectateur, puis à le rendre honteux de son rire, et donc à dévoiler la mécanique du racisme.
Tout cela filmé avec élégance, du bout des doigts, loin des lourdeurs démonstratives. Travail au noir a même souvent un ton de farce. Nous appelons cela la politesse du désespoir. Les Polonais préfèrent une expression plus imagée : « l’humour du pendu ». Skolimowski se révèle un maître de cet humour-là. Si le cinéma politico-social était toujours de cette veine, nous en parlerions tous les jours."
" Il ne s’agit pas ici de placer un message en fraude, mais d’exciter la vision de l’histoire, de mettre le spectateur en crise de lecture,
" Il ne s’agit pas ici de placer un message en fraude, mais d’exciter la vision de l’histoire, de mettre le spectateur en crise de lecture, si l’on peut dire, en le confrontant à des événements connus, mais déplacés dans l’espace et décalés de leur contexte initial. Le récit se situe à Londres au mois de décembre 1981.
(…) Renouant avec la meilleure veine de l’inspiration de Skolimowski et, notamment, Haut les mains (1967), tout le film fonctionne sur le registre du théâtre de la cruauté et des déchirements intimes. Il développe une violence sourde et douloureuse, sans être jamais démonstratif, se contentant de montrer les tenants et aboutissants d’une situation désespérante pour chacun des protagonistes. Les uns, totalement isolés et coupés de toute information, victimes à distance de l'état de guerre, sont peut-être éloignés à jamais de leur pays ; le quatrième, dans les affres de son mutisme, est seul avec sa mauvaise conscience.
Cette métaphore de l’histoire polonaise récente pose la question de la responsabilité d’un seul face à tous. Il en montre tout à la fois les horreurs et les contradictions. C’est le pouvoir que Skolimowski malmène, finalement, dans ses excès comme dans ses nécessités. Celui qui l’incarne doit-il parler et abattre moralement ses camarades ou bien continuer à se taire, quitte à endosser le statut de salaud, de celui qui « fait le bonheur des autres » malgré eux ? Skolimowski se refuse à trancher dans cette problématique morale, et ce refus de répondre réitère notre angoisse, relance notre propre conscience, avec celle de Nowak.
De la même manière, il aiguise le désespoir dans lequel on sent les personnages un peu plus enfermés à chaque instant par le ton, banalisé, qu’il donne à cette émigration temporaire, avec son cortège habituel de difficultés matérielles, administratives, linguistiques, raciales. (…) L’art doit inquiéter. Dans son style cursif, économe, où le non-dit des gestes et des sentiments joue le rôle de vide et d’appel à nos interrogations, Skolimowski inquiète, traumatise même, avec une force et une efficacité rares."
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