"... Le
lien entre ces deux univers, c'est l'amitié,
un moment défaite, de Joanna et
Claudine. L'histoire que raconte
Bénédicte Liénard avec une grande
rigueur est celle de ce lien qui se renoue
et des conséquences de ces retrouvailles.
D'un côté, Joanna s'affirmera dans la
centrale où elle doit encore passer de
longs mois. De l'autre, Claudine, rebutée
par un accord avec le patronat qu'elle
trouve inique, et partageant de plus en
plus les raisons qui ont poussé son amie
à la violence, se révoltera contre la corruption
des syndicats.
En ceci, Une part
du ciel, qui a été inspiré à Bénédicte
Liénard par la révolte violente d'ouvrières
belges, surnommées «les Treize
de Clabecq», lâchées par leur organisation
syndicale et traduites en justice, est
un peu l'anti-Ressources humaines.
Autant l'excellent film de Laurent Cantet
tendait à chanter les louanges des syndicats
(dans ce cas, la CGT française),
autant Bénédicte Liénard se méfie de
l'action syndicale.
Des faits divers récents ont montré à
quel point les syndicats belges étaient
gangrenés par la corruption, mais dans
Une part du ciel, c'est l'action syndicale
en soi, notamment la nécessité du
compromis, qui est accusée autant que
le manque de solidarité. Les syndicats
dénoncés comme des machines à trahir,
la révolte considérée comme seule légitime,
nous retrouvons le discours des
gauchistes spontanéistes des années
68-70. Que sont devenus ceux qui le portaient
? Dans le meilleur des cas, syndicalistes.
La plupart du temps, ils se foutent
bien aujourd'hui des luttes
ouvrières.
Car les questions restent les
mêmes : que peuvent les ouvriers en
colère sans les syndicats ? Y a-t-il de
meilleure proie pour le patronat que les
travailleurs isolés ? Ces questions,
Bénédicte Liénard ne les pose pas. Ce
sont l'insurrection des individus, le refus
de pactiser, la rédemption aussi de ceux
qui ont manqué à leur parole, qui l'ont
passionnée.
Une colère teintée de catholicisme est
le combustible principal d'Une part du
ciel. Elle lie les deux mondes où
navigue Bénédicte Liénard, celui officiellement
clos où vit Joanna et l'autre,
guère plus libre, dans lequel Claudine
commence à bouillir. C'est dans la description
de l'univers carcéral féminin que
la jeune cinéaste est la plus convaincante.
Et paradoxalement la moins manichéenne.
C'est là aussi que l'alchimie
entre acteurs professionnels, dont
Séverine Caneele, et acteurs occasionnels
- de vraies taulardes comme la
formidable Béatrice Spiga -, se révèle la
plus féconde. C'est dans les scènes de
prison que le jansénisme de Liénard parvient
le mieux à accoucher de l'émotion
la plus pure. Il y a cette scène où Spiga,
copine de prison de Joanna, apprend sa
libération prochaine. Dans ces moments,
Une part du ciel est un hymne magnifique
à la dignité féminine, celle qui
brise toutes les chaînes."