
Xiaoshuai Wang : "La Chine d'aujourd'hui est entrée dans une époque sans mémoire."
VIDEO |2019, 11'| So Long, My Son est une magnifique fresque qui suit, sur trente ans, un couple qui tente de surm1
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Après le décès accidentel de leur fils, impliquant l'enfant d'amis, un couple tente de se reconstruire.
Deux couples sont liés par une profonde amitié depuis l’époque de la Révolution culturelle. Ils sont tour à tour touchés par les conséquences directes de la politique du régime. Chaque couple ne peut avoir qu'un enfant. Quand, dans les années1980, le fils de Liu Jaojun et Wang Liyun meurt dans un accident dans lequel est impliqué le fils de leurs amis, leurs existences s'en trouvent bouleversées. Le groupe très soudé se sépare et chacun continue à vivre sa vie. Durant des décennies pendant lesquelles la Chine continue sa transformation sociétale et économique, le couple endeuillé tente de retrouver goût à la vie...
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"Début des années 80 en Chine, Yaojun (Wang Jing-chun) et Liyun (Yong Mei) mènent une existence heureuse, entour&
"Début des années 80 en Chine, Yaojun (Wang Jing-chun) et Liyun (Yong Mei) mènent une existence heureuse, entourés de deux couples d’amis. Tous les six travaillent ensemble au sein d’une usine, se retrouvent durant leur temps libre pour des moments de détente. L’amitié est si forte que Yaojun et son épouse forment avec le premier couple, moins fantasque que le second, une famille, au point d’organiser une fête d’anniversaire commune pour leurs fils du même âge, chaque mère étant la marraine du garçon de l’autre et les deux étant comme des frères. Alors que le régime impose la mise en place de la politique de l’enfant unique, une tragédie va bouleverser leur vie.
Si les occidentaux ont l’habitude de représenter le temps par un axe fléché où viennent se positionner par ordre chronologique chaque événement matérialisé par un point sur la droite, celui-ci est une suite de boucles que chaque événement transperce de part en part pour les orientaux : tout reviendra un jour et les leçons tirées du passé permettent d’être mieux préparé face à la répétition des situations jusqu’à atteindre l’équilibre le plus stable pour avancer dans la vie.
So Long, My Son est construit autour de cette notion de cycle où différents fragments d’événements et d’émotions des vies de Liyun et Yaojun se côtoient. Ainsi, le présent et le passé ne cesseront de se succéder dans cette narration entrelacée, engendrant dans un premier temps un trouble dans la réception du film ; le spectateur pourrait, en effet, être tenté de remettre en cause la véracité des images du passé ou échafauder des scénarios permettant d’expliquer ces ellipses où le présent semble contredire le passé.
Malgré cette impression initiale de confusion, l’habileté d’un montage extrêmement fluide de ces allers-retours temporels permet, sans nuire à la compréhension globale du récit, non seulement de changer d’époque sur plusieurs décennies pour un lieu donné, mais aussi d’espace géographique où des scènes similaires se reproduisent. Le vieillissement des acteurs, les costumes, les détails des décors, que ce soient l’appartement de Liyun et Yaojun ou des bâtiments tels l’hôpital ou les rues de la ville, participent aussi, bien évidemment, à distinguer la décennie, mais sont autant de rappels d’un passé douloureux. Les trois heures du film semblent au bout du compte en durer à peine plus de deux grâce au délicat montage et à l’alternance des points de vue des personnages.
Difficile de ne pas penser aux fresques de Jia Zhang-Ke, qui appartient avec Wang Xiaoshuai à la sixième génération des cinéastes chinois, dite aussi des « enfants de Tiananmen », même si les siennes sont traitées chronologiquement. Impossible d’écouter « Go West » et « Y.M.C.A » sans penser à Au-delà des montagnes et Les Éternels. Si la seconde reprise de « Auld Lang Syne » dans So Long, My Son pourrait faire redouter l’installation d’une lassitude du fait de l’utilisation d’une chanson nettement moins entraînante que celles choisies par Jia Zhang-Ke, le dialogue qui accompagne la troisième diffusion dissipe toute crainte.
Les mutations de la Chine, pourtant capitales dans le film, n’en constituent pourtant pas le cœur qui réside dans les sentiments des personnages. Les thématiques chères au réalisateur Wang Xiaoshuai se déclinent dans sa nouvelle œuvre : l’importance de la transmission père/fils dans 11 Fleurs (Wang Jing-chun y interprétait déjà le père), la quête d’identité et l’obstination de Bejing bicycle, ainsi que la désindustrialisation des villes et la culpabilité de Red Amnesia sont elles de nouveau abordées ici, comme les non-dits. (...)
Malgré ce constat, la deuxième grande réussite du film est de faire ressentir de l’empathie pour chacun des personnages : quels que soient leurs actes, leurs choix, leur hiérarchie les uns par rapport aux autres, tous sont victimes de ce régime qui a conduit aux transformations sociales, politiques et humaines du pays. Les pratiques de la République populaire de Chine sont jugées, pas ceux qui les subissent et les appliquent. La culpabilité et l’incapacité à se pardonner hantent chaque moment de leur vie qu’ils poursuivent avec dignité et résilience. Avec une économie de dialogue, un jeu d’acteur minimaliste, sans pathos ni maniérisme, et une caméra pudiquement à distance des moments dramatiques, les sentiments des personnages s’exaltent et nous bouleversent : la cérémonie officielle pour célébrer les qualités de Liyun est vécue comme une déchirure. Tous les personnages, sans exception, quelle que soit la durée de leur présence à l’écran, sont interprétés avec justesse. Wang Jing-chun et Yong Mei ont d’ailleurs reçu un prix d’interprétation au Festival de Berlin.
Avec les portraits intimes, sensibles et attachants de cette fresque familiale, Wang Xiaoshuai offre un mélodrame magistral où malgré l’âpreté de ces destins tragiques bourrelés par la culpabilité et les non-dits, le souffle de la vie persiste obstinément, et signe étonnamment son film le plus optimiste."
" Une première séquence ouvre le film sur un lac, absolument magnifique, regardé du point de vue de deux enf
" Une première séquence ouvre le film sur un lac, absolument magnifique, regardé du point de vue de deux enfants, l’un prudent, l’autre plus intrépide ; un repas survient, et de nouveau, le spectateur est invité au bord du lac, selon le même point de vue, si ce n’est que l’on comprend immédiatement la mort de l’un des deux petits. Il s’est noyé. Le début marquant du long métrage annonce déjà l’architecture incroyable des temporalités, sur laquelle le scénario entier est construit. Voilà donc une œuvre dont il ne faut pas avoir peur, en ce qui concerne la superposition des temps narratifs. Au contraire, il faut se laisser perdre par les événements, les personnages, le récit qui, en fin de parcours, deviennent parfaitement lumineux. Rares sont les films dont la mise en scène et l’écriture sont à ce point proches de la perfection. So long, my son est une œuvre tout autant livresque que cinématographique. Elle emporte le spectateur dans une symphonie d’émotions, de beauté, et de profondeur, empreints d’une complexité qui se transforme, au terme du film, en une forme d’évidence.
L’histoire est simple et complexe à la fois. Simple, car elle raconte le désarroi universel de la perte d’un enfant. Complexe, car elle inscrit ce drame dans la problématique historique et politique de la Chine. Environ trente ans traversent le récit et les trois heures ne souffrent jamais d’aucune longueur. Le temps d’ailleurs est un personnage à part entière du film, avec les marques qu’il imprime sur les visages et les lieux, les ruptures qu’il impose aux destins croisés de ces personnages, et les cycles qui se renouvellent. La narration mêle savamment les temporalités, donnant peu à peu sens à des séquences très courtes, très douloureuses, mais jamais démonstratives. En effet, le réalisateur choisit la pudeur des sentiments pour montrer la douleur immense qui accable le couple central du film. Les objets et accessoires prennent beaucoup de place dans ce récit, comme s’ils partageaient avec les personnages le poids de cette histoire particulière et de tout un pays, la Chine.
Une grande importance est donnée aux femmes dans ce récit. En cela, So long, my son est exemplaire. Elles occupent dans le récit un pouvoir central, tout en supportant entièrement la culpabilité des non-dits et des injustices contraintes par le gouvernement. Il n’y a presque jamais de colère chez elles, et l’on pressent parfois le risque de l’abandon de soi. La Chine apparaît comme un pays profondément matriarcal et le spectateur devine que la liberté et la démocratie émergeront de ces figures féminines.
Il faut saluer la performance exceptionnelle des acteurs. Les larmes n’inondent jamais la mise en scène. Il suffit d’une bouteille sur les marches qui conduisent à la mer, pour que l’on comprenne l’alcoolisme de ce père endeuillé. Il suffit d’un regard pour que l’on prenne la mesure de la violence qui est faite à cette mère, que le gouvernement chinois contraint à l’avortement et qui perdra son enfant politiquement légitime, quelques années plus tard. On perçoit dans ce film fleuve toute l’hypocrisie et les faux-semblants qui règnent dans le pays, la Chine, peu vantée pour ses qualités démocratiques, mais où les habitants parviennent à s’aménager des espaces de liberté et de vie. A cela s’ajoute une photographie magnifique qui transcende, à la façon d’un peintre, la douleur digne et simple de ce couple. Pendant tout le long métrage, on pense à la littérature d’un Maupassant ou d’un Flaubert. A partir de ces deux cœurs simples, le réalisateur compose une œuvre immense et universelle."
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