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À Ndjamena, au Tchad, un jeune handicapé aide des trafiquants d'essence pour payer les frais d'hospitalisation de son oncle, gravement malade.
Grigris a beau avoir une jambe paralysée, il a l'optimisme chevillé au corps. À Ndjamena, le jeune Tchadien va souvent en discothèque, où il excelle sur la piste au point que, malgré son handicap, il voudrait devenir danseur professionnel. Alors qu'il tombe amoureux de la belle et douce Mimi, il apprend que son oncle, gravement malade, vient d'être hospitalisé et est dans l'incapacité de payer les frais médicaux. Afin d'aider sa famille, Grigris tente le tout pour le tout et décide de travailler pour des trafiquants d'essence. Un jeu dangereux quand on est un homme honnête...
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"Mahamat-Saleh Haroun est un cinéaste suggestif, qui joue des codes du genre auquel il s’applique – ici, le fi
"Mahamat-Saleh Haroun est un cinéaste suggestif, qui joue des codes du genre auquel il s’applique – ici, le film noir. Chez lui, chaque plan, très structuré, attentif aux mouvements des tissus et des yeux, à la valse des couleurs de la nuit, contient une information brute, qui ne dit rien d’autre que ce qu’elle dit. Au risque du cliché, au risque du dialogue purement pédagogique, redondant. Sa mise en scène n’échappe pas toujours à ces deux défauts, notamment parce que ses comédiens, des amateurs, ne sont pas toujours à même de se plier à ce formalisme extrême sans doute influencé par Bresson. Mais Grigris montre tellement du monde qui l’entoure : la pègre, les trafics, les boîtes de nuit, les riches et les pauvres, l’hypocrisie religieuse et morale (le chef de gang reproche à Grigris de sortir avec une prostituée, ou le force à jurer sur le Coran qu’il ne l’a pas trahi). Le film, présenté en compétition officielle lors du dernier Festival de Cannes, regorge donc, au-delà de la fiction, d’éléments documentaires sur le Tchad d’aujourd’hui et ses déchirements propres.
Les scènes de danse de Grigris font à ce titre partie des plus belles du film, sans doute parce qu’elles synthétisent métaphoriquement tous les fils du film. Dans cet homme qui lutte contre son propre corps avec acharnement et presque folie, semblable à un pantin désarticulé, soumis aux forces contradictoires d’une société éclatée, réside encore, envers et contre tout, l’espoir solide d’un avenir meilleur. Un avenir où tous les boiteux auraient une chance.
Il y a encore une morale à Grigris. C’est que l’avenir des deux amoureux du Tchad moderne n’est pas dans l’urbanisme mondialisé des grandes villes, où le mal qui règne est le même, à son échelle, que celui de toutes les villes du monde contemporain (les mafias sont toutes identiques). L’avenir est dans la proximité avec la communauté. Non dans un retour imbécile aux traditions les plus obscurantistes, mais dans un équilibre retrouvé entre les hommes et leur milieu ancestral. Des hommes éclairés par des idées modernes, soucieux du monde globalisé qui les entoure, conscients de ses réalités. Comme le dit Grigris à son oncle qui souhaite lui léguer son studio : “Mais tout le monde est photographe, aujourd’hui, mon oncle.” "
"La rencontre entre les deux personnages se fait sur le mode de l’attraction et de la circulation des désirs ; les regard
"La rencontre entre les deux personnages se fait sur le mode de l’attraction et de la circulation des désirs ; les regards et les corps réagissent l’un à l’autre, Haroun parvient à saisir et inscrire à l’écran cette aimantation qui opère par le biais d’un informulé, d’une logique presque purement physique. Un peu plus tard, Grigris développe les clichés de cette séance de photo (tout autant une scène de séduction particulièrement sensuelle), dans ce laboratoire argentique, la chimie joue à plein son rôle de révélateur ; la beauté de Mimi apparaît – autre forme de mise en présence – et lui inspire un large sourire hésitant entre contentement, fascination et émotion. Entre ces deux corps dissemblables se produit une reconnaissance de condition ; ils sont, chacun à leur manière, des déclassés et des marginaux évoluant dans une zone de non-droit – politique, sociale, morale, religieuse. Au-delà de leur évidente dissemblance physique, Grigris et Mimi représentent ainsi chacun le miroir de l’autre.
La paternité (Un homme qui crie) et ses formes de substitution (Daratt) jouent un rôle central dans les films précédents de Haroun, avec des structures empruntant beaucoup à la tragédie. Une relation père-fils de substitution s’ébauche dans Grigris puisque c’est la maladie de son oncle, chez qui il vit avec sa mère, et les soins exorbitants en découlant, qui vont déclencher le pernicieux engrenage. Auparavant, lorsque l’oncle lui propose de reprendre son commerce de « tailleur-photographe », son neveu refuse sans ménagement, la voie de la transmission et de l’héritage est ainsi clairement rompue. Pourtant Grigris va entamer sa lutte pour payer les factures de l’hôpital comme il le ferait pour un père. Mais cette question du lien père-fils va rester à la périphérie du récit tandis que le centre est annoncé dès la deuxième scène : la circulation de l’argent. La représentation d’une chaîne maudite renvoie directement à L’Argent de Robert Bresson, c’est-à-dire une diffusion du mal de main en main, un mode de contamination formant progressivement un engrenage réticulaire et fatal. Dans une filmographie largement travaillé par des structures tragiques (un père sacrifiant son fils dans Un homme qui crie, un fils trouvant un père de substitution en celui qu’il devait tuer par vengeance familiale dans Daratt), Haroun multiplie ici les champs de tension en ce sens : famille, honneur, argent, amour.
Alors que l’inextricable aspire les personnages dans un entonnoir sans issue, Haroun ouvre cependant une brèche. On passe de la logique de la fuite en avant (les combines et compromissions) à une fuite des deux amants vers le lieu d’une possible réinvention – à condition que le passé ne ressurgisse pas, laissons planer le suspense. Il s’agit d’un Éden rural doté d’un ordre matriarcal ; Mimi y trouve le moyen de ne plus être l’objet de désir des hommes et accède à une autre fonction de son corps : la maternité. Quant à Grigris, il n’a plus à imposer à son enveloppe meurtrie le fait de nager, courir, se battre, ni de s’adonner à toutes les contorsions morales, mais seulement à celles de la danse, à laquelle il aspire, tout comme à l’amour. Il émane de cette dernière partie l’impression d’une relance scénaristique qui, malheureusement, dessine une forme d’étiolement du récit, rompant avec la dynamique et l’intensité de ce qui a précédé. Ce finale moins convaincant ne doit toutefois pas occulter la grande tenue de Grigris, à bien des égards admirable d’un point de vue dramatique et plastique.
Haroun témoigne en effet d’une verve et d’une inventivité dans sa réalisation, par exemple la scène de déchargement de l’essence perçue depuis l’habitacle de l’auto, faisant surgir des ombres de la nuit. Il imprime des ruptures rythmiques en passant de la contemplation à la nervosité ; travaille les corps, les visages et les peaux en relation avec leur environnement – notamment les matières des éléments urbains de N’Djamena, comme le revêtement des murs –, alternant les plans serrés et des compositions plus larges utilisant au mieux les possibilités du Scope. Les séquences nocturnes donnent lieu à de superbes compositions chromatiques, et le segment en clair-obscur où les contrebandiers s’aventurent dans un tunnel se dote d’une grande puissance cinématographique. Les visées esthétiques de Haroun ne versent pas dans l’esthétisme complaisant (ou, encore pire, dans une esthétisation de la misère), car si elles visent bien l’impact plastique, elles demeurent toujours inséparables d’un récit où survie et fatalité se regardent en chiens de faïence, d’un œil noir."
"Le film du tchadien Mahamat-Saleh Haroun s’ouvre sur ce spectacle qui paraît comme une gigue mondiale qui aurait mari&eac
"Le film du tchadien Mahamat-Saleh Haroun s’ouvre sur ce spectacle qui paraît comme une gigue mondiale qui aurait marié la ronde des derviches tourneurs, le moonwalk de Michael Jackson, le voguing des «houses» new-yorkaises, la geste de Pina Bausch et la Fièvre du samedi soir. Sidérant, vraiment, à se demander ce que nous autres aux bonnes jambes nous faisons avec nos corps podagres. L’acteur Souleymane Deme, lui-même danseur et musicien, n’y est pas pour rien. Son petit corps malade est un atelier de muscles inconnus, de tensions inédites, de mouvements intempestifs. Comme s’il libérait l’oiseau encagé dans son corps, comme s’il inventait un corps d’avant le corps, dégagé de l’organisme. Mais la danse ici n’est pas seulement une exhibition publique, elle est aussi une manifestation de la pensée qui vagabonde dans Grigris. Pensée mélancolique sur cet oiseau de nuit qui se réveille dans la maison de ses parents, entre sa maman blanchisseuse qui le rappelle à la prière musulmane dès l’aurore et son beau-père, vieux photographe de quartier qui fume beaucoup et tousse trop.
Grigris de jour est un crève-cœur, de nouveau réduit à son seul handicap. Il aide sa mère, bricole, traîne, se déhanche péniblement dans les rues de N’Djamena. On a peine pour lui, mais sa peine à lui n’a que faire d’une quelconque compassion. Il est remarquable en effet que Grigris soit filmé à hauteur d’homme sans que jamais le regard soit pleurnichant. Même quand à la volée d’un plan le jeune homme dénude sa jambe de porcelaine, ce ne sont pas les larmes qui coulent, mais un sentiment ascendant de fraternité qui monte, d’égal à égal.
Parce qu’il a bientôt besoin de beaucoup d’argent pour payer l’hospitalisation de son beau-père très malade, Grigris va s’acoquiner avec Moussa, caïd local qui trafique dans la contrebande d’essence. Grigris devient homme de main, gars à tout faire. Mais ça n’est pas si simple dans ce film où la subtilité se dit en dialogues minimums qui repoussent le pittoresque, et en plans «pauvres» qui fuient l’exotisme. Moussa n’est pas qu’un démon, Grigris n’est pas qu’un ange. Moussa dit de Grigris qu’il est son petit, Grigris ment comme une sainte-nitouche quand il prétend qu’il sait nager. Une association ambiguë promise à la catastrophe dès lors que Grigris entreprend de doubler Moussa en revendant à son insu une cargaison d’essence. Mais il y a Mimi. Mimi, comme Grigris, joue de son corps dans les boîtes de nuit de la capitale tchadienne. Mimi est pute. Jolie pute qui avec sa coupe afro et ses minijupes très mini surgit comme une Angela Davis de N’Djamena. Mimi a besoin de photographies pour un hypothétique concours de mannequins. Elle se fait portraiturer par Grigris dans le studio de son beau-père. C’est une très belle séquence de voyeurisme dialectique où, entre les jeunes gens, tous deux cabossés de la vie, naît un désir qui a à voir avec le regard, les yeux de l’un roulant sur ceux de l’autre. Rien de lourdement explicite là non plus, rien d’exagéré. Tout est dit dans le cadeau timide d’une écharpe jaune. Mimi et Grigris feront équipe, pour s’aimer, pour échapper à la colère assassine de Moussa, pour fuir la ville.
Ce qui nous vaut une longue fin de film cathartique et mythologique où, dans un village de brousse, c’est une compagnie de femmes qui aura raison du malheur qui poursuit les jeunes amants de la nuit. Tout ceci filmé par la caméra hautement inspirée du chef opérateur Antoine Héberlé. Au dernier Festival de Cannes, où Grigris eut la (trop ?) lourde tâche de représenter à lui seul le cinéma africain dans la compétition officielle, certains s’étonnèrent avec une innocence meurtrière de cette magnificence du cadre. Comme si un film tchadien devait fatalement être moche et sale, comme si des Noirs n’avaient pas le droit à la couleur, comme si la beauté leur était interdite. Grigris, à l’instar de son titre, est comme un fétiche qu’il fait bon serrer contre son cœur, entre autres pour écarter les mauvais esprits
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