Après une jeunesse passée dans le XXe arrondissement, il devient assistant-réalisateur puis chef-monteur avant de tourner lui-même quelques courts métrages documentaires. En 1973, il réalise avec le dessinateur Gébé un premier long métrage encore marqué par l'utopie soixante-huitarde, L'An 01, incluant deux séquences signées Alain Resnais et Jean Rouch. Mais c'est en 1974 qu'il fait sensation avec un film en noir et blanc relatant un fait divers, Les Doigts dans la tête, où son regard direct sur la jeunesse laisse éclater son goût pour les mots, les corps et l'alchimie entre les acteurs qui vont constituer sa marque de cinéaste.
Il a ainsi depuis observé l’adolescence féminine et ses souffrances (La Drôlesse, L’Amoureuse, La Fille de quinze ans…), l’adolescence masculine et ses violences (Le Petit criminel, Le jeune Werther, Petits frères…) Il s’est emparé des problèmes du couple, des incapacités à se parler et s’aimer (La Femme qui pleure, Comédie, La Vengeance d’une femme…). Jamais il n’a cessé d’offrir un miroir dérangeant de notre propension à attirer et rejeter l’autre dans un jeu cruel et incessant.
C’est parfois joyeux, parfois insoutenable, souvent entre les deux. Inconfortable comme dans La Pirate (qui fait scandale au Festival de Cannes), ou dans Trop (peu) d’amour, Carrément à l’Ouest, La Fille prodigue...
Parmi ses plus beaux films, La Drôlesse voit le rapprochement d'une enfant et de son jeune ravisseur, jeune homme simple, et Ponette, met en scène une fillette qui doit faire face à la mort de sa mère (autre film qui fit scandale par le dialogue au-delà du naturalisme de sa petite actrice de 4 ans).
A chaque film, Doillon n'aura cessé de tirailler les liens du cœur et les liens du sang, au risque de les voir se rompre. Son cinéma est beau et douloureux, essentiel et indispensable.
Isabelle Danel