Un Filmeur de chroniques des Indiens du Nord-Est
Olivier-René Veillon retrace dans la revue "Cinématographe" le parcours d'Arthur Lamothe qui, à travers Images d'u1
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Le programme proposé ici, d'une durée totale de 1h58, comprend les épisodes intitulés "On disait que c'était notre terre" (en deux parties).
Sous le titre "Carcajou et le péril blanc", Arthur Lamothe a signé une série de films documentaires (... 12h à voir) sur les Amérindiens qui furent diffusés en France sous le titre global "Images d'un doux ethnocide". Le programme proposé ici, d'une durée totale de 1h58, comprend les épisodes intitulés "On disait que c'était notre terre" (en deux parties). Dans la première (63 min), auprès de son camp de chasse, Marcel Jourdain et son beau-frère, Jean-Marie McKenzie, discutent du sens de la vie et de la mort dans la cosmologie algonquienne. Auparavant, sur la route menant à son camp, Marcel Jourdain, accompagné de ses filles, de sa femme et de sa parenté, se voit interdire l'accès par une barrière. Sa femme et ses fille créent un incident quand, par rétorsion, elles organisent un Sit In, bloquant ainsi la route aux camions. Dans la deuxième partie (55 min) : Au mois de janvier, Mathieu André, accompagné de deux de ses gendres, dans la taïga aux environs de Schefferville, est allé tuer un ours. Mathieu nous montre les traces laissées par l'ours sur l'épinette située à proximité. On déblaie la neige et Mathieu se glisse dans la tanière. Mais l'animal n'est pas là. Dans sa tente, près de chez lui, accompagné d'une de ses filles, à l'aide d'une peau dont il se couvre en mimant la bête, et avec des branches d'épinettes, d'un tambour, d'anciennes photos, il tient un grand discours fort imagé qui reflète la structure fondamentale de la pensée amérindienne.
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" Arthur Lamothe n'est pas n'importe qui. Cet ancien agriculteur français qui a choisi de vivre au Québec, d'abord comme bûcheron, puis de
" Arthur Lamothe n'est pas n'importe qui. Cet ancien agriculteur français qui a choisi de vivre au Québec, d'abord comme bûcheron, puis de devenir cinéaste, a derrière lui une solide expérience, qui le met à l'abri des incertitudes de toutes natures, dont sont trop souvent victimes les jeunes entrepreneurs de sociologie cinématographique. Pour être à l'écoute de son interlocuteur, il faut d'abord bien le connaître. Mais l'artifice de la connaissance n'est pas toujours suffisant. Pour donner à voir, il faut encore « posséder » le terrain sur lequel on travaille, c'est-à-dire savoir d'où l'on vient, et où l'on va. Ne pas se mettre à la place de l'autre. Ne pas s'imposer. Ne pas prétendre que tout doit passer par le propre canal de sa culture, comme le fait, par exemple, Jean Rouch qui innocule aux filmés les maladies des filmants.
Donc, pour Lamothe, il ne s'agissait ni de se mettre à la place des indiens, ni d'être condescendant. Mais d'être, en quelque sorte, ce porte-micro, ce porte-caméra. Une neutralité revendiquée, assumée. Mais qui, en même temps, n'a rien à voir avec la pseudo-objectivité de l'ethnologue. Lamothe filme bien les activités des Montagnais, enregistre bien leurs témoignages, d'après un canevas préalablement établi par lui, mais il nous laisse croire que chacunes d'elle sont filmées dans leur durée réelle. Un temps proche de la nature, de la forêt dans laquelle ils vivent et qui n'a rien à voir avec celui indiqué par les montres bracelets. Ce temps-là, leur appartient. Certes, le comment on construit un piège à martres, avec trois petits troncs d'arbre, le comment on tend un piège à un renard dans la neige prennent du temps d'explication, mais peu importe pour Marcel Jourdain, qui sait que son petit neveu trouvera là le meilleur chemin pour être à l'aise dans sa culture. Transformant ainsi le donner à voir, à écouter, à savoir.
« L'homme blanc nous a enfermé dans nos réserves.
L'homme blanc nous enlève nos rêves, notre langue, nos enfants... »
L'homme n'est pas toujours le méchant loup, mais ce sont surtout les sociétés d'argent qui le sont. I.T.T. transforme une nature qui avait su garder un certain équilibre, en désert. Pour le plus grand profit de ses actionnaires, bien entendu. En oubliant que ces forêts appartiennent d'abord aux Montagnais. L'hypocrisie va jusqu'à classer les enfants indiens en « débiles » sous prétexte qu'ils n'entrent pas dans les normes d'une scolarité faite pour d'autres.
Lamothe accuse, dénonce, revendique, en donnant la parole à ceux qui ne l'avaient jamais eu, en attendant qu'ils la prennent."
" Spoliés, méprisés, parqués dans des réserves : dira-t-on assez toute l’injustice du sort des Indiens d’Amérique ou d’Amazonie ! Ceux que
" Spoliés, méprisés, parqués dans des réserves : dira-t-on assez toute l’injustice du sort des Indiens d’Amérique ou d’Amazonie ! Ceux que nous présente Arthur Lamothe vivent au nord-est du Québec, mais, comme leurs frères, ils ont vu fondre sur eux une société industrielle rapace et peu soucieuse d’équilibre naturel. Tout juste ont-ils maintenant le droit d’aller chasser sur leurs anciens territoires. Et encore, s’ils sont munis d’innombrables papiers !
Dans un monde si troublé, leur destin aurait pu passer inaperçu, si, en collaboration avec un anthropologue, le cinéaste canadien Arthur Lamothe ne s’était mis à leur écoute. Le résultat, c’est une série de douze films riches de gestes immémoriaux et portés par un souffle de dignité qui n’exclut pas la colère.
S’effaçant devant les Indiens eux- mêmes, l’auteur parvient à nous montrer à quel point leur univers mental diffère du nôtre, parce que fondé sur une communion totale avec la nature. Dans l’un des deux films qui composent le programme, on voit un Indien apprendre à son petit-fils les techniques de la chasse. Remarquable leçon de choses, en fait, leçon de vie. Vie qui parcourt chaque image et donne naissance à la poésie la plus pure : celle qui naît de l’accord intime entre l’homme et la terre. Car n’est-il pas poète celui qui s’exclame : « Je vous parle des oiseaux qui volent en bande, qui volent en une longue file, lorsqu’ils redescendent vers la mer ; je parle de l’outarde qui est chef de file, et qui semble emportée par le vent, et que l’on regarde, une dernière fois, l’automne » ?"
" Arthur Lamothe, par sa pratique cinématographique réfléchie (...) a maintes fois répété, et ce, sous l''empire et l'emprise du cinéma dire
" Arthur Lamothe, par sa pratique cinématographique réfléchie (...) a maintes fois répété, et ce, sous l''empire et l'emprise du cinéma direct de l'époque, il n'y a jamais eu de cinéma-vérité. Toute séquence filmée est une mise en scène. Le film est une structure, une architecture. Pour reprendre ses mots, il faut qu'il y ait le moins possible d''hiatus, de brisure entre le signifiant et le signifié.
Mais avant de tourner sa « Chronique », il y a une position de cinéaste qu''Arthur Lamothe a humainement, esthétiquement et éthiquement instaurée : établir une relation par le cinéma, en cinéma. Lamothe s'est posé la question du regard comme structure préalable au tournage, et non pas comme domination sur les autres et leurs propres regards. Il n'a pas réalisé des films sur les Indiens du Nord-Est du Québec, les Innus, mais avec eux, avec leur pleine participation au processus du film. Cette petite préposition, avec, a pu avoir un grand effet sur les anthropologues-cinéastes et chez plusieurs documentaristes peinant à donner à leurs films une dimension supplémentaire aux faits et objets d'une réalité sociale..."
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