" (...) Tout est dit sans emphase. Montré plutôt que dit. Cette forte méditation sur la paternité, Bertrand Tavernier, fils de récrivain René Tavernier, la poursuit avec une émotion profondément ressentie et par là communicative. Il y ajoute une touche purement personnelle : en ouverture, il place sa propre fille, la petite Tiffany. Ce n’est pas clin d’oeil ; voilà Bertrand père à son tour — en même temps que, par un raffinement très hitchcockien, il fait de l’innocente fillette le premier témoin silencieux du drame.
Mérite remarquable pour un premier long métrage : l’auteur ne se croit pas obligé de faire les pieds au mur. Bertrand Tavernier a trop réfléchi sur le cinéma américain pour ne pas s’en inspirer. Rapidité et vigueur du récit, sens du rythme, goût pour les scènes fortes et les personnages solides, précise direction d’acteurs. Les comédiens sont tous excellents. Au premier rang, Rochefort, en commissaire inquiet donc sympathique (presque), et Noiret, magnifique. Horloger-père, il bouleverse. Le visage nu. La douleur visible.
J’ai regretté un moment que le fils ne demeure pas l'Arlésienne de l’histoire ; que le père ne construise pas entièrement son image autour de cette torturante absence. Et puis non. Cela nous aurait privés d’échanges, entre père et fils, de regards inoubliables, et d’un dialogue, en fin de drame, à travers grillage de prison, où, en dépit de la distance (grâce à cette distance, grâce à ce grillage), père et fils se parlent enfin. Ce qui nous vaut le dernier plan de Noiret : frappé par le châtiment de son fils, il sourit pourtant dans le soleil"
Jean-Louis Bory, 14/01/1974