« Fiancée, amoureuse, libre ? » : c’est avec cette formule-drapeau que Freddy (Jacques Charrier), un samedi soir, aborde les jeunes filles aux quatre coins de la capitale. Freddy cherche une fille pour la nuit. Joseph, son compagnon de hasard, petit employé de banque (Charles Aznavour) est à la recherche d'une compagne à vie. Tous deux sont des « dragueurs », héros du film de Jean-Pierre Mocky. A bord d’une vieille voiture décapotable, ils sillonnent les rues et les endroits fréquentés : les quais, le quartier Latin, l'aérogare des Invalides, la galerie du Lido. Ils « draguent » et après une nuit d'errements ,de rencontres et de déconvenues, chacun regagne sa surface sociale. Joseph a peut-être trouvé l’oiseau rare en Nicole Berger. Quant à Freddy, il pense déjà au samedi suivant.
On aura reconnu, je pense, dans le film de Jean-Pierre Mocky, l’un des thèmes les plus familiers des jeunes cinéastes. Très précisément, c’est celui de deux remarquables courts-métrages dont nous avons déjà eu l'occasion de parler : Tous les garçons s'appellent Patrick, de Jean-Luc Godard, et Blue-Jeans, de Jacques Rozier, auxquels on peut joindre, d’une certaine manière, l’essai de Daniel Pollet, Pourvu qu'on ait l'ivresse. Ces films illustrent, au fond, un même thème : celui des rapports très actuels des filles et des garçons.
Jean-Pierre Mocky, qui signe avec Les Dragueurs sa première mise en scène, connaît bien le sujet. Sans doute aussi Jean-Charles Pichon, scénariste, y est-il pour quelque chose. Mais comment croire un instant à ces personnages qui existent, n’en doutons pas, mais derrière lesquels il nous est impossible de ne pas découvrir l’acteur ou l’actrice, Jacques Charrier ou Belinda Lee, ou Dany Robin, ou Anouk Aimé, ou Nicole Berger, ou... ou... Le sujet exigeait un style quasi documentaire. Le film eût dû être une sorte de reportage filmé à la sauvette à l’aide d’opérateurs-voyageurs. Quitte même, comme dans Moi, un Noir, à lâcher un ou deux acteurs comme appâts à la réalité.
André-S. LABARTHE, 21/05/59