Fuyant le conflit armé colombien, une veuve et ses deux enfants tentent de s'intégrer dans la vie d'une communauté installée sur une petite île de l'Amazonie.
Fuyant le conflit armé colombien, une mère et de ses deux enfants, Nuria, 12 ans et Fabio, 9 ans, s'installent sur une petite île au milieu de l'Amazonie. L'île est connue pour être habitée par des fantômes. C'est un lieu d'entre deux dont aucun des trois pays qui le jouxte n'a la souveraineté. L'adaptation est difficile, entre les âpres négociations administratives, les jalouseries des autochtones, le douloureux souvenir d’un mari et d’un père officiellement disparu.
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"Amparo, son fils Fabio et sa fille Nuria arrivent de nuit dans une île… « Je suis heureuse que vous soyiez en vie
"Amparo, son fils Fabio et sa fille Nuria arrivent de nuit dans une île… « Je suis heureuse que vous soyiez en vie », leur dit en les enlaçant la vieille tante qui leur ouvre une maison de bois où ils posent leurs maigres bagages et s’installent. Fuyant le conflit armé en Colombie, cette famille pleure un mari et père ainsi qu’une fille et sœur, disparus tragiquement et dont les corps n’ont toujours pas été retrouvés. Amparo inscrit ses enfants à l’école, trouve un moyen de fabriquer elle-même les uniformes trop onéreux, cherche à faire reconnaître son statut de veuve (mais l’indemnité n’arrivera que si les corps sont retrouvés) et trouve un travail de force dans une poissonnerie…
Petit à petit, une étrangeté s’immisce dans les plans de cette ville lacustre aux maisons sur pilotis, fragiles, incomplètes mais respirant la beauté et la couleur… Nuria voit un homme, son père, qui l’embrasse et met un doigt sur sa bouche en guise d’injonction au silence. Mais à y bien réfléchir, Nuria n’a pas dit un mot depuis son arrivée ; observant le monde autour d’elle de ses grands yeux tristes, elle semble toujours à côté, et même, par moments, désinvestie par les siens. Comme dans cette scène où elle joue par terre avec des bouts de tissu tandis que la mère raconte à son fils la transmission de la couture qui lui a été faite par les femmes de la famille et qu’elle veut à son tour lui enseigner… Nuria pourtant se lie à une gamine de l’école, et c’est celle-ci qui lui révèle que dans l’île de la Fantasia, qui porte si bien son nom, dans cette zone neutre entre la Colombie, le Brésil et le Pérou qui accueille sans cesse des « déplacés », des fuyards et des réfugiés venus de toutes parts, il y a des fantômes…
Deuxième fiction de la brésilienne Beatriz Seigner, Los Silencios prend sa source dans le documentaire et glisse nonchalamment vers le fantastique comme les longues barques de bois sur le fleuve Amazone. La douleur inextinguible, le rapport aux conflits armés qui laisse les familles inconsolables et meurtries, n’empêchent pas le film de dégager peu à peu une douceur étonnante. Un sentiment de paix qui nous gagne à mesure qu’il envahit ces hommes et ces femmes n’aspirant qu’à accepter la mort pour mieux retourner à la vie. L’apparente simplicité de la mise en scène, d’où émergent quelques idées lumineuses (on pourrait dire fluorescentes !) que nous ne dévoilerons pas ici, fait de Los Silencios une œuvre à la force tenace. Sur les mouvements humains éternels et les frontières incertaines."
"L’hybridité du deuxième long-métrage de la jeune réalisatrice brésilienne Beatriz Seigner se
"L’hybridité du deuxième long-métrage de la jeune réalisatrice brésilienne Beatriz Seigner semble renforcer l’idée qu’il existe une porosité étonnante entre deux cinématographies géographiquement éloignées : Los Silencios s’ancre profondément dans une esthétique latino-américaine, teintée de motifs sociaux et de saillies merveilleuses – dans la lignée directe du réalisme magique – et emprunte sûrement au rythme patient et hypnotique qui fonde de nombreuses œuvres du sud-est asiatique, en provenance de Taïwan, de Thaïlande ou des Philippines. Au cœur de ce rapprochement, un lieu en commun : la jungle. En suivant l’installation de migrants colombien dans un village de l’Amazonie brésilienne, Seigner use de l’immensité verdoyante comme d’un lieu clos, permettant d’une part l’observation ethnographique d’une communauté, et de l’autre la convocation du fantastique, qui surgit de la pénombre pour offrir une ligne de fuite.
Car ce qui surprend et bouleverse ici, c’est la manière dont la jeune réalisatrice laisse en chemin toutes les traces d’un cinéma réaliste à ambition documentaire pour l’épurer à mesure que le film s’enfonce vers son véritable nœud : le deuil. Longtemps, Los Silencios s’attache à chroniquer le quotidien d’une mère et de ses deux enfants, les premiers jours de l’exil forcé, les âpres négociations administratives, les jalousies des autochtones, le douloureux souvenir d’un mari et d’un père officiellement disparu. Si l’aspect consciencieux – voire laborieux – de cette première partie donne l’impression d’un catalogue d’obstacles arbitraires, il se révèle être, dans un second temps, un formidable socle narratif. La sérénité imperturbable du film lui permet de muer dans de longs plans fixes envoûtant par le calme qui règne et les mille et un sons de la jungle qui crépitent. À la faveur d’ellipses, Seigner dissimule dans cette envoûtante monotonie les éléments clefs du mystère et prépare le contournement du récit : la silhouette du père dans la maison qui parle mais ne peut interagir, la petite fille qu’on oublie de présenter lors de son arrivée à l’école, etc. On reste alors ébahis devant la somptueuse dernière demi-heure qui, par petites touches de couleurs, matérialise les présences qui hantaient le film et l’empêchaient d’éclore. S’affirme alors une œuvre sensitive et voluptueuse, presque liquide – le motif aquatique est présent partout – qui, face aux impasses du réel, prend un chemin de traverse et vient régler sa dette mystique, le temps d’une cérémonie fluorescente hors du temps."
"Habité par les mille murmures et frissonnements secrets qui entourent le fleuve Amazone, le second long-métrage et prem
"Habité par les mille murmures et frissonnements secrets qui entourent le fleuve Amazone, le second long-métrage et première incursion dans la fiction de la réalisatrice brésilienne Beatriz Seigner, présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, se fonde sur deux réalités concomitantes. Tout d’abord, l’afflux vers le Brésil de réfugiés colombiens fuyant les conflits armés qui opposent continûment les guérillas révolutionnaires, l’armée étatique et les groupements paramilitaires (et ce en dépit du désarmement des FARC en 2017). Ensuite, la position sur leur route de la « isla de la Fantasia », territoire insulaire et insolite situé à la triple frontière de la Colombie, du Pérou et du Brésil. Beatriz Seigner s’inscrit à l’intersection de ces situations humaines et géographiques pour construire une étonnante fiction transfrontalière, en bascule entre les espaces et les temps.
Amparo (Marleyda Soto) a fui la Colombie et laissé derrière elle un mari mort dans la rébellion, pour débarquer sur l’île de la Fantasia avec sa fille, Nuria (Maria Paula Tabares Peña), et son fils, Fabio (Adolfo Savilvino). Recueillie par une aïeule, elle doit désormais se reconstruire une existence : s’installer dans un cabanon, mettre ses enfants à l’école, engager des démarches juridiques pour obtenir dédommagement, trouver du travail, s’intégrer dans une nouvelle communauté. Mais, bientôt, son mari, Adam (Enrique Diaz), réapparaît auprès d’elle et de ses enfants, présence familière et intermittente qui semble ne les avoir jamais quittés. Il se trouve en effet que Fantasia n’est pas exactement une île comme les autres, mais une sorte de portail sur l’au-delà où les fantômes de passage, guidés par le fleuve, peuvent momentanément cohabiter avec les vivants.
Los Silencios tresse ainsi cette belle idée d’une île qui pourrait être tout autant une passerelle entre les pays qu’entre les mondes. Avec son réalisme anthropologique, privilégiant les plans longs et les cadres larges, replaçant les personnages dans la topographie de l’île (ses habitations sur pilotis, son réseau de palissades, ses toitures de tôle rouillée, ses friches et l’omniprésence des eaux fluviales), le film se laisse infiltrer presque imperceptiblement par un fantastique qui se fond dans l’ordinaire, comme s’il n’était qu’un autre versant de la réalité (il s’agit moins de surnaturel que de « sous-naturel »). Ainsi, les fantômes venant sur l’île ne se distinguent-ils en rien des vivants, mais discutent et interagissent avec eux, comme si de rien n’était. Avec une sobriété remarquable et une touche de roublardise, le film se garde bien de les désigner comme tels, livrant le spectateur à une ambiguïté flottante (les visites du père sont-elles réelles ou fantasmées), cheminant pas à pas vers une révélation bouleversante, qui redéfinit jusqu’au statut des personnages.
Derrière l’installation d’Amparo, qui recouvre aussi un processus de deuil, se dessine en filigrane la situation de Fantasia, sorte d’hétérotopie ou d’intermonde à l’avenir incertain. Une scène d’assemblée villageoise révèle une île convoitée et menacée par les promoteurs immobiliers (on prévoit d’y construire un casino pour développer le tourisme). A quoi répond une seconde scène, très belle, à l’autre bout du film : une autre délibération publique, mais cette fois entre les vivants et les morts, auprès desquels on prend conseil ou des messages à transmettre. Beatriz Seigner a alors cette idée simple et belle d’orner finalement les revenants de marques phosphorescentes, évoquant parfois les peintures rituelles des Indiens autochtones. Les fantômes ne renvoient alors plus seulement au conflit armé colombien, mais retracent toute une lignée de massacres et d’injustices ayant ensanglanté ces terres à travers les âges. Leurs parures illuminées, cortège coloré au cœur de la nuit, parachèvent la belle sensibilité dont le film fait preuve pour les luminosités vacillantes et les clairs-obscurs.
On comprend alors un peu mieux ce que peuvent désigner les « silences » qu’évoque le titre : tous ces frémissements imperceptibles de l’univers sensible – un souffle, une lueur, un écho, une latence – comme autant de brèches à travers lesquelles les morts innombrables ne cessent de se rappeler à nous. L’absence singulièrement habitée qui nous les rend intimement présents."
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