Charlotte Gainsbourg accepte de jouer une sorcière jetée au bûcher dans le premier film réalisé par Beatrice Dalle. Mais l’organisation anarchique, les problèmes techniques et les dérapages psychotiques plongent peu à peu le tournage dans un chaos de pure lumière. Sélectionné au Festival de Cannes en 2020.
"(...) Voilà du Gaspar Noé tout craché. On reconnaît sa patte jusqu’au générique de fin qui joue avec le prénom des comédiens et des techniciens, insère des citations de cinéastes, plus mégalomaniaques qu’instructives. Le metteur en scène se répand sur l’écran dans une symphonie de sons, de couleurs et de lumières. Il y a presque une sorte de jouissance à forcer les sens au risque de provoquer chez les spectateurs une crise d’épilepsie. L’hystérie devient le personnage central de cette mise en abyme du réalisateur, qui joue son propre rôle à travers les deux figures de Béatrice Dalle et Charlotte Gainsbourg. Miraculeusement le moyen-métrage échappe au projet expérimental. En réalité, Gaspar Noé raconte sa propre histoire du cinéma, où il adopte la démesure et la provocation pour témoigner de son rapport au monde. Le réalisateur dénonce l’univers de la production, l’orgueil des comédiens, et les apprentis artistes qui projettent à travers leurs œuvres futures l’écrasement de celles et ceux qui les empêchent d’exister. (...)"
"(...) Sans se cantonner à la seule citation ou à l’hommage cinéphile, Noé livre même une belle variation sur le flicker de Conrad et Sharits. Ici, c’est en effet moins la discontinuité des images et des couleurs qui prime que les effets liés à la persistance rétinienne, par laquelle les images et les couleurs finissent par s’unir et se confondre en dépit de leur caractère discontinu. À mesure que les derniers plans atteignent une forme d’épure salvatrice (tout ce qui pourrait venir parasiter cette stase terminale est invité à quitter la scène), le scintillement des stroboscopes donne à voir une sorte de doux glissement optique : un lent mouvement de caméra épouse la transe silencieuse d’une actrice peu à peu greffée à la peau de l’écran, comme un spectre noyé dans un immense bain de couleurs, de lumières et de sons. Livrant in extremis une scène psychédélique assez fascinante, Noé semble ainsi embrasser toute l’équivocité du dispositif cinématographique : s’agit-il d’un art qui divise, dévore et découpe, comme le film l’a montré jusqu’alors ? Ou est-ce, au contraire, un art qui relie et rassemble devant le miracle unificateur de la projection lumineuse ? (...)"
"(...) Gaspar Noé a multiplié les tours de force techniques et les défis technologiques, offrant au cinéma français quelques-uns de ses plus beaux tours de force, et s’il obtient avec Lux Æterna un impact équivalent, il y parvient en usant pour l’essentiel d’un dispositif inédit dans son univers : le split screen. Utilisé comme vecteur du fourmillement puis de l’embrasement du plateau, le procédé est à la fois vecteur de vertiges plastiques quand des points de vue concomitants se superposent, de sens quand il rend palpable la furie du plateau, mais aussi de l’emprise physique du métrage sur son spectateur.
Car c’est aussi un des désirs de Noé : engendrer un matériau qui interagisse physiquement avec le public. Et pour ce faire, le réalisateur nous prend une nouvelle fois par surprise, en feignant le geste de petit malin, pour mieux créer un objet inclassable, qui en appelle presque exclusivement aux sens.
Jubilatoire, éreintant, le film quitte soudain son vorace flingage du milieu pour se transformer en stroboscope de chairs et de photons mêlés. Les émotions engendrées par l'expérience sont d'autant plus étonnantes qu'elles ne naissent ni dans l'esprit, ni dans le coeur de l'observateur, mais bien à la surface même de sa cornée, irradiée par une succession d'images qui n'ont pas d'autres désirs que d'engendrer des décharges de stimulus inédits. (...)"
"(...) Rarement un casting s’est révélé aussi approprié au sujet qu’il incarne : les deux actrices excellent une fois de plus dans des rôles de marginales. Rarement un split-screen s’est autant justifié : rendre compte du fossé qui les sépare, qu’il s’agisse du statut hiérarchique de leur personnage (actrice/réalisatrice) ou de leur personnalité hors et à l’écran (mystérieuse/expressive). (...)"
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