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Pendant un an ils se sont vus et ils se sont filmés. Le cinéaste et le comédien, le Président et son Premier ministre, Alain Cavalier et Vincent Lindon.
Pendant un an ils se sont vus et ils se sont filmés. Le cinéaste et le comédien, le Président et son Premier ministre, Alain Cavalier et Vincent Lindon. Dans "Pater", vous les verrez à la fois dans la vie et dans une fiction qu’ils ont inventée ensemble.
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" Si on devait bricoler une catégorie conceptuelle de fortune pour définir le nouveau film de Cavalier, on dirait ceci :
" Si on devait bricoler une catégorie conceptuelle de fortune pour définir le nouveau film de Cavalier, on dirait ceci : Pater est un grand film sur les mots en P. Le premier d’entre eux est évidemment la Politique. En décrivant l’apprentissage de la fonction ministérielle par un chef d’entreprise (Vincent Lindon), le film montre de façon très détaillée l’exercice politique. Si Cavalier prend un certain champ avec la scène politique réelle de la France de 2011, il montre la politique comme un vrai labeur, exigeant une discipline presque sportive (coaching, vie de groupe, aménagement sommaire de son lieu de travail en dortoir…).
La chose politique, ce n’est pas seulement la défense d’un Projet (ici, une loi réformant l’écart des salaires) mais aussi l’élaboration d’une stratégie pour le défendre, qui passe par le double maniement d’une Parole et d’un Protocole. La parole politique s’accouche dans la douleur. Ce sont des discours, sans cesse remaniés, rédigés en groupe, où chaque mot est questionné, dans son sens et dans ses effets. Ce sont des répétitions à voix haute. Le difficile chemin qui fait s’incarner une idée dans des mots, Cavalier en fait un spectacle haletant.
Mais la Parole n’est pas seulement Publique. Elle est aussi Privée. Ce sont les longs échanges entre un Premier ministre et son Président, une parole rouée, encadrée par un savant protocole, où pour faire ses preuves, le ministre doit donner tour à tour des gages d’indépendance et d’allégeance. Attention, un reproche formulé (“sMonsieur le ministre, vous ne veillez pas assez à votre sécurité, vous n’avez pas blindé vos vitres”, dit le Président) masque toujours un reproche plus sournois (“C’est un détour ! Il s’en fout de ma sécurité, il veut me dire que je crois que tout va bien entre nous, mais quand même il va me montrer sa voix quand il n’est pas content, juste pour me dérouter un peu”, commente le ministre à un proche).
Ces jeux complexes sur la parole, ce protocole raffiné (scandé par des dégustations de mets succulents et de grands vins – on est en France) ont un moteur : le Pouvoir. Là, le film devient retors. En doublant la fiction d’un faux making-of par lequel on voit Alain Cavalier et Vincent Lindon répéter, construire à pas lents le film en train de se faire, Pater pointe différents lieux de pouvoir. Au sommet de la pyramide, il y a l’affrontement des professionnels du pouvoir (le Président, son ministre). A la base, c’est toute interaction entre deux sujets qui met en place des rapports de pouvoir. Par exemple celle d’un acteur et d’un cinéaste, à l’écran dans leur propre rôle.
On sait qu’Alain Cavalier a organisé son oeuvre pour se libérer très tôt des jeux de pouvoir propres à l’industrie du cinéma : ni tournage, ni stars, ni équipe. Accueillir Vincent Lindon dans son cinéma de chambre, c’est faire un pas vers le pouvoir d’attraction du vedettariat mais en tâchant cette fois de le plier à ses règles drastiques (ce que fait Lindon avec une disponibilité et un enthousiasme sans faille).
Pourtant, même dans cette microéconomie, au sein de cet exemplaire contrat de confiance, s’immisce un peu de lutte pour le pouvoir. Dans une scène très drôle, où la part de fiction demeure incertaine, Vincent Lindon se plaint, mais avec humour, des petites trahisons du cinéaste qui excite la jalousie de son comédien en chérissant subitement un de ses amis, également à l’écran et dont le rôle ne cesse de croître.
Le pouvoir en définitive, c’est toujours le père ; et le film s’est choisi pour titre Pater, plutôt que, par exemple, “Le Président”. Une figure paternelle archaïque donc, exprimée en latin. Le modus operandi de la transmission paternelle, ses phases successives d’apprentissage et de confrontation, le film en fait une affaire exclusivement masculine. A rebours du réalisme, aucune femme politique ne travaille dans cet entourage ministériel. Seule silhouette féminine, sans même de visage, une jeune femme allongée auprès du ministre dans son lit (sa femme ? sa maîtresse ?).
(...)
Pour traiter de ce trouble de la représentation, Vincent Lindon est l’acteur idéal. Outre ses très grandes qualités de comédien, son charme ici vraiment irrésistible, il y a chez lui un particularisme qui touche le cœur du film. Ce particularisme, ce sont les tics faciaux qui l’agitent dans la vie mais qui disparaissent quand il joue. Sauf qu’ici, ce très sûr indicateur, qui ne clignote que lorsque la fiction s’éteint, se détraque, pris dans le vertige qu’organise le film. Le visage du comédien tressaille, indifféremment, qu’il soit Vincent Lindon ou le Premier ministre. Car entre la fiction et son envers, le film fait l’expérience géniale de la plus fine cloison. "
" Un drôle de film. Et un film drôle. Grave aussi, parfois. Vrai, toujours. Alain Cavalier joue Alain Cavalier. Vincent L
" Un drôle de film. Et un film drôle. Grave aussi, parfois. Vrai, toujours.
Alain Cavalier joue Alain Cavalier. Vincent Lindon joue Vincent Lindon. Le premier sera président de la République, et le second sera son Premier ministre. Mais également le père et le fils. Les deux filment en caméra numérique au gré de leurs envies et des scènes. Cavalier est mesuré, léger et piquant. Lindon, lui, se livre sans réserve, s'emballe, s'énerve. Pour qui veut connaître Lindon, c'est le film idéal. Pour qui veut voir du cinéma, c'est également le film idéal.
Chaque plan a sa signification, sa raison d'être. Et nul besoin d'être cinéphile pour goûter la truculence de certains propos et la plénitude de certains moments. Ainsi apprécie-t-on le chant de la baguette quand elle sort du four ou découvre-t-on la différence entre une chaussure et un soulier. Des petits riens dont dépend un grand tout. Des petits bonheurs qui deviennent du grand art. "
" Comme les derniers films du cinéaste – Irène, le Filmeur, René… – il est tourné
" Comme les derniers films du cinéaste – Irène, le Filmeur, René… – il est tourné avec une petite caméra, sans équipe, mais son principe en est différent. Pater n’est pas un film en solitaire. Alain Cavalier y a convié Vincent Lindon. Tous deux se filment en train de jouer un rôle, respectivement celui de Président de la République et de son Premier ministre. De temps en temps, ils sont ensemble dans le cadre, la caméra, fixe, placée sur un pied, ou bien tenue par un tiers, vraisemblablement la collaboratrice et compagne d’Alain Cavalier, Françoise Widhoff. Mais la plupart du temps, Lindon et Cavalier se filment l’un l’autre.
Cela pourrait ressembler à une blague, et c’en est aussi une. Le film se développe ainsi sur le mode léger, avec un Vincent Lindon chaleureux et facétieux, un Alain Cavalier espiègle. Les plaisanteries abondent sur l’exercice du pouvoir, sur les rapports Président/Premier ministre, souvent sous forme de clins d’œil à la réalité, une séquence, fort frôle, résonnant d’ailleurs très fortement avec l’affaire DSK. Il y a un semblant d’intrigue : le Président a fait appel à ce nouveau premier ministre pour faire passer une loi plafonnant les plus gros salaires et dans l’intention qu’il lui succède à la tête de l’État, les élections approchant.
Mais l’objet principal de Pater tient précisément dans son principe. Vincent Lindon et Alain Cavalier ne disent pas un texte écrit, ils improvisent avec, vraisemblablement, quelques idées directrices préalables avant chaque scène ; le tournage a eu lieu dans les appartements de l’un et de l’autre, et dans quelques maisons d’amis, se filmant donc dans leur intimité ; enfin, il arrive qu’ils aient des propos sur le film qu’ils sont en train de faire, ou sur le personnage qu’ils sont en train d’interpréter, ou encore, carrément, sur les petits tracas de la vie quotidienne que rencontre le comédien ou le cinéaste.
Bref, le film travaille cette frontière mouvante, et souvent fréquentée, entre la fiction et le réel, qui soulève de nombreuses questions pour le spectateur : qu’est-ce qui est vrai ? Qu’est-ce qui est crédible ? Qui parle, le personnage ou la personne ?…
Désinvolte, Pater est donc un film de potaches, mais pas seulement.
Il est aussi un film sur ce qui fait œuvre d’art, sur le processus de la représentation et de l’incarnation. Bref, c’est aussi un film sérieux qui n’a pas l’air de l’être, et que seul un grand cinéaste, ayant une œuvre depuis longtemps fondée sur une proximité avec le réel, pouvait oser."
On en avait presque oublié l’essentiel : la meilleure façon de comprendre la politique, c’est encore de la regard
On en avait presque oublié l’essentiel : la meilleure façon de comprendre la politique, c’est encore de la regarder. La mettre face à elle-même et à son propre spectacle, en son miroir. Pater, ce film qui ne ressemble à aucun autre, ovni total comme fabriqué à deux, ce film dans lequel on croise souvent une caméra dans le reflet d’une glace, voire carrément dans le plan lorsque l’un ou l’autre des deux personnages principaux (le président de notre République et son Premier ministre) se la passe pour se filmer «à tour de rôles».
Pater, donc, fait avec la politique ce que les politiciens font «le matin en se rasant» : il y pense. Et à force d’y penser, Alain Cavalier s’y voit, il se joue la comédie du pouvoir.
Que fait-on devant une glace, que l’on soit pékin d’en bas, grand cinéaste inclassable, bon acteur d’ici ou Premier ministrable ? On s’habille. Et Pater est un film en costume. C’est la merveille de mode d’emploi de l’incroyable première séquence du film. Alain Cavalier - qui a abandonné le cinéma traditionnel il y a plus de quinze ans en décidant de ne tourner qu’à la première personne, à travers l’œil porteur d’une caméra vidéo subjective - filme sa main préparant deux assiettes composées tout en expliquant à son Vincent Lindon d’acteur qu’il vient de s’acheter un costume. La dernière fois, c’était en 1986 pour la montée des marches de Thérèse à Cannes, soit la dernière fois que Cavalier a joué en partie le jeu habituel du cinéma : un scénario (mystique), une actrice (sublime Catherine Mouchet), un succès (fou). Depuis, il a choisi la marge. Le costume que Cavalier a acheté, comme pour jouer dans son propre film au côté de Lindon, vaut le prix d’une petite imposture : 500 euros et des poussières la veste et son pantalon, 170 euros la chemise, idem pour les pompes. La cravate «serre-kiki», ce sera Lindon qui la lui passera. L’ensemble est cher sans l’être, surtout si la seule présence d’un tel assemblage de signes vestimentaires vous glisse dans la peau d’un président, vous «donne les épaules» suffisantes pour entrer «dans le costume». Et il semblerait que ça marche.
Car voilà aussitôt qu’au détour d’une phrase, le cinéaste Cavalier nous explique qu’il vient d’arrêter son choix : Lindon sera son Premier ministre. «Il est chaleureux, un peu impulsif, robuste, terriblement sympathique. On l’aimera.» Quand cette phrase est prononcée, on ne sait soudain plus de quel côté du miroir Cavalier nous a fait passer : si cette voix est celle du cinéaste parlant (bien) de son acteur, ou celle d’un président nous présentant l’homme qui a pour mission de faire passer une loi censée réduire l’écart entre les plus bas et les plus hauts salaires. Sauf que…
Le président Cavalier voudrait cet écart de 1 à 15, pour ne pas trop attenter au goût des affaires de certains aventuriers, quand Lindon, lui, veut réduire cet écart de 1 à 10. Le camp politique de Cavalier lâchera Lindon, qui donnera sa démission et se présentera contre son président aux prochaines échéances (...)
Des jeux de rôle, des jeux de mots. Ainsi le père et le fils politique se joueront l’inusable scénario œdipien. Le plaisir de dingue que provoque Cavalier vient surtout de là, l’ébahissement devant lequel on se trouve à devoir admettre que tout, absolument tout des affres de la politique, est déjà cuisiné dans un langage emprunté au cinéma.
Pour Cavalier, qui mène à la fois le film de cette lutte politique et le fil de son tournage (sans que jamais on ne sache auquel on fait face), il n’y avait donc qu’à se baisser et ramasser les expressions, les mots-valises à la pelle…
L’écart, dans Pater, qui sépare le scénario politique de son tournage est réduit à zéro. Et qui pourrait dire lequel de ces échanges avec des morceaux entiers de France (un boulanger, un ex-sportif devenu bodyguard, un chauffeur, un pilier de bistrot) tient de la farce, du jeu de rôle, du documentaire, du faux et usage de faux. Qu’ils soient l’un ou l’autre d’ici ou de là, quelle différence après tout ? Aucune.
Que sait Cavalier, depuis si longtemps, pour être le seul ici (on pense à Godard depuis sa Suisse et à Moretti depuis son Italie berlusconienne) à traiter le/la politique avec cette férocité admirative, la tournant en ridicule et la plaçant comme plus importante que tout ? Il sait, par exemple, que le cinéma n’est rien d’autre qu’une affaire de déplacement.
Prenez un président (appelez-le Pater ou «Tonton»), prenez un Premier ministre aimable, faites-les parler de leur rôle, faites leur faire leur tambouille politique, mais loin des ors de la République : tout se passe dans la cuisine, hors protocole et postures. C’est dans ce décor nu que Cavalier vient de déshabiller le pouvoir, le filmant en l’état, ce qui, par effet d’inversion généralisé, rend de nouveau ce jeu politicien désirable, intriguant, humain. Toute chose dont nous avons, semble-t-il le plus urgemment besoin."
" Alain Cavalier et Vincent Lindon se sont donc un jour trouvés d'accord sur l'idée de réaliser un film e
" Alain Cavalier et Vincent Lindon se sont donc un jour trouvés d'accord sur l'idée de réaliser un film ensemble, à partir de cette trame minimale : on dirait qu'Alain ferait le président de la République française et que Vincent serait le nouveau premier ministre, censé mettre en œuvre des mesures sociales urgentes (toute ressemblance avec un quelconque gouvernement existant étant évidemment fortuite). Quelques comparses auxquels ont été confiés les rôles de chauffeur ou de conseiller fournissent la maigre densité protocolaire du film, dont le décorum se satisfait de quelques appartements personnels, dont celui du cinéaste.
Là-dessus, vogue la galère d'un savoureux work in progress. La trame fictionnelle est frugale : sommé de travailler au projet de réforme exigé par un président en fin de mandat, le premier ministre se heurte bientôt à la réticence de ce dernier, qui lui choisit un successeur. Il démissionne et se présente à l'élection présidentielle, évinçant finalement son père en politique, qui avait juré de ne plus s'y représenter. Cet air est si connu que c'est plutôt son interprétation, sa mise en jeu, qui font tout le sel de ce film.
Les scènes de préparation et de répétition se mêlent étroitement, parfois dans la même prise, aux moments d'interprétation proprement dite, de telle sorte que la frontière entre les deux registres implose rapidement, d'autant que tout ici semble guidé par l'inspiration du moment. On n'est ainsi jamais certain que tel moment censément documentaire ne soit déjà de la pure interprétation et, à l'inverse, il est assuré que les scènes censément jouées comportent une forte valeur documentaire.
Ce passage du film au crible du principe d'incertitude laisse quelques certitudes. La première est l'incontestable drôlerie de l'ensemble. Cavalier et Lindon forment un couple épatant, dont les saillies comme les passages à vide agrémentent d'une folle fantaisie le projet aléatoire dans lequel ils se sont lancés.
La seconde est que, si la politique tient principalement lieu de métaphore dans le film, elle est loin d'en être absente. Des propositions de bon aloi sont ainsi émises par "l'équipe en place", comme de légiférer sur la réduction des inégalités de salaires ou de condamner un élu à la peine maximale dès le premier euro public détourné.
Le film se voit aussi rattrapé par l'actualité la plus chaude, lorsque le président remet au premier ministre des photos compromettantes susceptibles de briser la carrière de son futur adversaire à la présidentielle. Mais c'est surtout sur le plan artistique que la politique rencontre le film.
Par sa mise en œuvre qui réunit, sur un plan d'égalité, le metteur en scène et l'acteur, comme par sa volonté d'une construction démocratique et d'une utopie fraternelle de l'imaginaire. Cette idée-là du cinéma, qui défie la loi de la plupart des films qu'on célèbre, par exemple à Cannes, est du moins fortement politique."
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