Dominique Cabrera : "Je me perdais et c’est devenu une richesse"
Avec ses images d'abord saisies au vol des réunions de famille, Grandir (présenté au Festival Cinéma du Réel puis1
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Un tournage de 7 jours; tout ce qui est tourné est projeté, sans coupes de montage; une seule prise, jamais deux. Le but : filmer la vie telle qu'elle vient.
Une oeuvre au noir. Une expérience plastique pour répondre aux ténèbres intérieures du cinéaste. Un tournage de 7 jours; tout ce qui est tourné est projeté, sans coupes de montage; une seule prise, jamais deux. Le but : filmer la vie telle qu'elle vient tandis que l'auteur s'entoure de bandelettes blanches, comme l'homme invisible, tandis que l'appartement disparait sous le noir des couches de peinture.
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" La bande son est précise et hétéroclite. Fragments de conversation, échos musicaux. Des lettres lues par
" La bande son est précise et hétéroclite. Fragments de conversation, échos musicaux. Des lettres lues par plusieurs voix, témoignages trouvés dans un tiroir peut-être. Il est souvent question de la mort, et d'un accident.
La démarche du film repose bien sûr sur l'interaction des images et des mots. L'abstraction froide de la matière filmée prend vie au contact des mots de hasard. Quelque chose se passe qui tient d'une alchimie propre au cinéma. Alain Cavalier, dont on croit deviner tout ce qu'il a mis de personnel dans le film (tout ce qu'il a laissé venir de personnel dans le film) maîtrise la matière inerte au point d'en faire sourdre, inattendue, mais intime et forte, une émotion."
"Ce répondeur… constitue un travail de deuil décapé de toute afféterie cinématographique, br
"Ce répondeur… constitue un travail de deuil décapé de toute afféterie cinématographique, brut de taille, pourrait-on dire, sur la mort d’une femme que l’homme s’aperçoit n’avoir pas su aimer suffisamment durant sa vie et qui le vampirise depuis l’outre-tombe. Quelques photos, des lettres d’amour, mais aussi des billets dérisoires sur les courses à faire ou le repas à préparer en puisant dans le frigo sont les signes de l’absence.
(…) tout ce passé entre en contrebande dans une sorte de happening qui voit le protagoniste peindre son appartement en noir, y compris les fenêtres et lorsque le noir complet gagne l’écran et que chacun croit déjà entendre le coup de feu qu’appelle cette démarche suicidaire, c’est au contraire le craquement d’une allumette et un feu que l’homme met aux morceaux de la chaise démolie un peu avant : ainsi jaillit une flamme encore mal assurée mais qui va s’attaquer au noir, et sans doute le vaincre au-delà du générique de fin .
Tourné en 16mm, pour 20 000 francs fournis par deux mécènes, l’œuvre est une esquisse, un essai, une étude (comme se les permettent les écrivains, les peintres ou les musiciens, et justement pas les cinéastes) : l’appartement est celui de Cavalier qui interprète –masqué- le rôle du protagoniste dont la voix off parle à la troisième personne bien que le film soit profondément autobiographique. Le coté expérimental, gageure à l’esprit souvent proche de celui d’un Luc Moullet (par exemple l’inventaire des sanitaires, du vieux cumulus à la cuvette fatiguée en passant par les tuyauteries usagées mal repeintes d’un horrible bleu agressif) est constamment contesté par de brusques accès de douleur (…) Quelques belles séquences gardent leur opacité inquiétante mais communiquent de vraies impressions de cinéma. Ainsi cette insistance de l’homme à aller frapper à une porte voisine qu’il finira par enfoncer, à descendre et remonter l’escalier, puis à prendre l’ascenseur pour sortir un moment dans la rue (la caméra subjective enregistre quelques vues violemment surexposées avant de rentrer se lover dans l’ombre du couloir), sortes d’essais pour rompre l’enfermement à moins que ce ne soit au contraire pour en provoquer d’autres, question d’air, de lumière, d’espace et de mouvement, en tous cas."
" Comment dire le choc ressenti à la vision de cette œuvre secrète, dure comme un diamant et teintée, &cced
" Comment dire le choc ressenti à la vision de cette œuvre secrète, dure comme un diamant et teintée, ça et là, d’un humour étrange qui. en l’occurrence, est bel et bien -la politesse du désespoir ».
Cet épanchement, cette confession intime s’inscrit dans une forme qui n’est pas arbitraire. Mais comment le prouver ? Il y a tellement de films ridicules, narcissiques, prétentieux, qui jonglent avec des phrases et des images obscures au nom de l’art ! Le public finit par se méfier de ces accès et excès d’originalité.
Ici. rien de tel. Ce n’est pas du bluff culturel. Tout est pur, tranchant et évidemment sincère. Un homme nous parle. Nous l’écoutons. bouleversés, même si son message n’est pas toujours déchiffrable. Mais pourquoi vouloir toujours tout comprendre? La musique n'est pas figurative..."
" Refermé sur lui-même dans l’appartement que hante le souvenir de la femme qu’il aima (sa femme), morte au c
" Refermé sur lui-même dans l’appartement que hante le souvenir de la femme qu’il aima (sa femme), morte au cours d’un accident d’automobile, se pressent dans sa mémoire, attisées par la douleur, les réminiscences d’un passé qu’il ne se résout pas à considérer comme révolu. Au fil des heures, des jours, il va s’enfermer progressivement de manière définitive dans son propre univers, donnant à la réalité la légèreté et l’aspect insaisissable du rêve. (...)
Le son nous restitue le réel interprété par la mémoire. Elle écrivait... des choses quotidiennes, banales, laissées sur un coin de table le soir avant d’aller dormir : « Tu as un morceau de viande dans le réfrigérateur... Des pommes de terre avec de la crème c'est bon aussi »... De véritables lettres d’amour qui étaient autant d’interrogations sur leurs rapports, l’avenir de leur couple, les raisons qui le rendaient à la fois chancelant et solide. Bref, ces mille et un « riens » qui font parfois de la vie à deux un authentique bonheur.
Ce qui frappe surtout dans le film d’Alain Cavalier, c’est l’économie des moyens d’expression mis en œuvre, la légèreté d’un style qui évoque plus qu’il ne décrit. Une route en lacets luisante de pluie, montrée en plan fixe, avec pour contrepoint sonore le texte d’une lettre où il est question de retrouvailles, se charge tout à coup, d’angoisse en suggérant l’accident. Est-ce à cet endroit-là précisément qu’il eut lieu ? Peu importe. Ce n’est pas le fait en soi, ici, qui compte le plus, mais l’émotion qu’il fait naître."
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