La Playlist UniversCiné de Michel Spinosa
VIDEO | 2014, 8'| Michel Spinosa, réalisateur de La Parenthèse enchantée et Son Epouse, partage avec nous quatre f1
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Lisieux 1888. Thérèse, 15 ans, rêve d'entrer au Carmel... L'auteur d' "Irène" filme le quotidien d'un couvent et saisit la grâce d'un amour : pour Dieu.
Lisieux 1888. Thérèse Martin a 15 ans et rêve d'entrer au Carmel où sont déjà ses deux sœurs. Après maintes difficultés, Thérèse intègre le couvent. Elle y mourra de tuberculose en 1897. Alain Cavalier bannit ici toute représentation spectaculaire, pour donner à voir avec évidence et simplicité des gestes, des visages, des objets du quotidien, dans une photographie sublime.
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" Je voudrais commencer par là : dire du film de Cavalier qu’on en sort un peu plus digne. Et expliquer tout de suite, pr
" Je voudrais commencer par là : dire du film de Cavalier qu’on en sort un peu plus digne. Et expliquer tout de suite, presque honteux du côté nunuche d’une telle assertion, en quoi l’attitude d’un cinéaste vis-à-vis de son sujet (ici les dernières années de la vie de Thérése de Lisieux) et le regard qu’il porte sur son objet (ici la passion amoureuse) peuvent, être exemplaires d’une éthique en fin de compte bien simple : lorsqu’un être en aime à ce point un autre, quel qu’il soit et quelles que soient les circonstances, ça sert à quoi de juger ? Certes, dans l’optique laïque de Cavalier, l’être aimé fait plutôt partie des « abonnés absents » et les pesanteurs du milieu dans lequel évolue Thérèse, les contraintes de l’institution conventuelle (surtout à la fin du siècle dernier) sont bien sujettes à critiques - il le dit clairement au passage -mais ce qui rend Thérèse magnifique, c’est le parti-pris de rendre compte de l’intensité d’un amour, le désir d’en prélever des miettes ; à quoi bon dès lors discourir sur sa validité ou son essence ? Thérèse est tout sauf un film moral ou métaphysique ; à meilleure preuve cette multitude de gros plans superbes dont la majeure partie nous fait approcher au plus près, de façon immédiatement physique des buts de corps qui tressaillent à l’évocation de l’être aimé.
C’est pourquoi, dans cette affaire, on peut laisser Dieu de côté, ainsi que Cavalier nous y invite, pour se préoccuper uniquement d’un bonhomme appelé Jésus, mort depuis longtemps, et qui cependant continue à faire rêver des jeunes filles, au point qu’elles acceptent de se retirer du monde pour vivre seules avec lui.
Et de se jalouser cet époux imaginaire.
Et de se conter des secrets d’alcôve. Et d’attendre, le cœur battant, qu’il veuille bien donner signe de vie. C’est fou comme histoire !
On peut bien sûr, s’y retrouver, se récupérer en s’abritant derrière la psychologie (ne s’agirait-il pas de l’amplification excessive - suspecte - du fameux processus d’idéalisation ?) ou directement la psychanalyse (en citant Encore Lacan). On peut aussi, dans une perspective résolument llleme République, faire de Thérèse une victime de la religion. Pour aussi légitimes que soient ces approches, elles demeurent impuissantes à rendre compte de la beauté spécifique de Thérèse et, partant, de l’émotion qui en surgit. Autant dire que ce sont des voies de garage.
Comme toujours, devant des œuvres qui comptent, il faut se poser la même question sous plusieurs formes : d’où le film puise-t-il son énergie ? Quel est son carburant ? De quel fantasme de son auteur procède-t-il ? On sait bien qu’à cette question, on ne répond soi-même qu’à travers ses propres fantasmes, mais ne pas se la poser, c’est se condamner à ne rien comprendre. Les réponses possibles ne sauraient évidemment s’appuyer que sur la fabrication de l’objet (du projet à la mise en scène, au sens large) ; je ne crois pas cependant qu’elles s’y réduisent.
Dans le cas présent, il me paraît clair que Cavalier n’a vraiment vu que deux choses : une histoire d’amour entre Thérèse et Jésus, une histoire de femmes entre elles. Si la première l’a ému -mais il s’y attendait à celle-là — la seconde l’a tout autant bouleversé - et à celle-là, je suis sûr qu’il s’y attendait moins, même si elle était délibérément inscrite dans son projet. Comme il a dû être pris de court pendant le tournage ! Et comme il a su humblement nous en faire part sans rien perdre de sa maîtrise !
Est-elle rayonnante la séquence de la nuit de Noël ! Les Carmélites s’offrent des cadeaux de pauvres, s’embrassent, ensuite l’une se met à chantonner, une autre la suit, puis une troisième... A quel moment se mettent-elles à danser ? Je suis incapable de le dire, mais elles dansent ; ces corps de femmes enserrés dans des uniformes autant que dans la Règle, se mettent alors à se mouvoir avec un mélange de grâce et de maladresse... Et une joie ! Quelque chose comme une brise de folie les caresse, les emporte dans une douce turbulence. Ce moment paraît arraché au temps, à la pesanteur ; oubliées les dures conditions de l’hiver : les cellules glacées, le manque de sommeil, l’eau gelée sur laquelle les doigts se blessent ; balayés les carcans de la vie cloîtrée, évacués les doutes : m’aime-t-il vraiment, Lui ? Une joie à la fois paisible et un peu démente les saisit toutes, et en plus, on leur apporte des huitres, des vraies ; il y en a même une pour chacune ! J’arrête là, mais on aura compris que je tiens cette séquence pour l’une des plus belles qu’il m’ait été donné de voir au cinéma.
Comment a-t-il fait, Cavalier, pour obtenir de ces femmes qu’elles soient toutes formidables et lui fassent le plus beau cadeau dont puisse rêver un metteur en scène : se donner à fond, sans « regarder à la dépense » ? Et que dire alors de sa Thérèse, de Catherine Mouchet ? Une fois qu’on aura aligné les superlatifs ou essayé de décrire son jeu, on n’aura guère avancé. C’est tellement difficile, au cinéma, de parler des acteurs. L’émotion provoquée par un comédien relève à la fois et paradoxalement de l’immédiateté des affects, de l’empirisme si j’ose dire, et du mystère, du secret le plus absolu, de ce qui ne peut être qu’indicible. Aussi, ne dirai-je rien de Catherine Mouchet, sinon qu’elle m’a enthousiasmé.
Et, tant qu’à faire dans le dithyrambe, comment ne pas saluer dans Thérèse l’adéquation entre le projet, les choix scénariques et l’esthétique ? Avec, à tout moment, une préoccupation majeure : aller à l’essentiel sans détour, le plus simplement possible. Pour ce qui concerne le scénario, d’abord un travail « de coupe » (ni biographe, ni historien - ce qui n’exclut pas un énorme effort de documentation -, Cavalier choisit de montrer seulement les dernières années de la vie de Thérèse), puis un travail « de dégraissage » (enlever au langage de l’époque ses archaïsmes, ses expressions désuettes).
Pour ce qui concerne la réalisation, toutes les séquences se déroulent sur un seul fond de décor, un panneau qu’on fait passer, selon les besoins, du gris très clair, voire du blanc, au gris foncé ou au noir ; les meubles et objets sont réduits au minimum, le cadre est très resserré et, n’ayant pas besoin de jouer sur la profondeur de champ, Cavalier et son opérateur (Rousselot, fabuleux !) privilégient les moyennes et (relativement) longues focales, d’autant que cette toile de fond uniforme pose des problèmes. Dans la même logique, il n’est pas question de s’encombrer de musique, pas plus que de « tricher » sur le son : il s’agit toujours de son direct.
Une seule chose pourrait apparaître comme une afféterie : les fondus au noir. Mais, d’une part ils sont faits au tournage et, outre l’économie réalisée vis-à-vis du laboratoire, ça me les rend sympathiques dans la mesure où ils relèvent de la même attitude que le choix de son direct. D’autre part, ils donnent au film son rythme respiratoire : agaçants dans les premières minutes, parce qu’on ne comprend pas où Cavalier veut en venir, ils deviennent peu à peu la pulsation indispensable de Thérèse, comme les battements d’un pouls. Enfin, ils sont typiques de la démarche de Cavalier : prélever dans la vie de Thérèse les petits instants qui lui paraissent significatifs.
Seules me gênent, dans cette œuvre admirable, trois petites scènes : celle où le père met la cloche en verre sur la tête de Thérèse, l’apparition de Lucie en robe de mariée, et celle du père vers la fin du film. J’ai l’impression que, d’un coup, du symbolique (un peu lourd) et de l’onirisme (à peu de frais) viennent parasiter une démarche tout entière tendue vers l’authenticité, ne s’occupant que de glaner dans les infimes choses du quotidien des parcelles de réel. Cavalier met la barre trop haut pour ne pas exprimer -à tort ou à raison — ces minuscules réserves. Les grands films, ça se critique aussi."
"Alain Cavalier est moins captivé par la foi que par les mystères, les mystiques. Pour ce cinéaste qui cherche le
"Alain Cavalier est moins captivé par la foi que par les mystères, les mystiques. Pour ce cinéaste qui cherche le dépouillement, le carmel est un lieu où l'on s'enferme pour mieux s'ouvrir. La nécessité de « s'enfoncer très profond dans la nuit pour redécouvrir des lumières ». Plutôt que de tourner à Lisieux, il investit un couvent désaffecté, y construit un décor sobre, plateau sur lequel on passe d'une scène à l'autre par des fondus au noir. Les fonds rappellent l'arrière-plan des tableaux de Manet. La caméra fixe des objets symboliques, l'horloge familiale, le mouchoir posé sur la tête de Thérèse, les sandales de corde..."
Jean-Luc DouinCiné Phil au sujet de
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