" La tentation est vive et à première vue légitime, aujourd'hui comme hier, de poser la question qui tue (la démarche) : et les Palestiniens ? Mais fustiger un tel angle mort politique pourrait conduire à bêtement fermer les yeux sur une approche qui ouvre tant de perspectives à condition d'admettre l'empathie de l'auteur pour son sujet.
Car affleure ici comme jamais la juvénile gravité, la déréliction dynamique de ce kaléidoscope unanimiste balançant entre la mémoire et la vie qu'est Israël. Voici, révélée par un montage plus truculent que dogmatique, l'insaisissable réalité enfin saisie d'un pays foutraque et messianique, incohérent et prédestiné, formidablement discuteur et discutant. Un pays qui n'en est toujours pas revenu !
En 1971-1972, Claude Lanzmann, passé de la télévision (
Dim, dam, dom) au cinématographe, de la saynète à la fresque, usait de la maïeutique grinçante d'un
Marcel Ophuls, s'offrait quelques clins d'oeil à la Jacques Tati, mais surtout s'installait dans cette patience obsédée, ce qui-vive monomaniaque, cette rage d'interroger, cet art de flairer qui font le prix de son « travail » au sens étymologique : un instrument de torture, d'autrui comme de soi-même.
De morceaux de bravoure (l'arrivée d'un juif de Czernowitz filmée pour les voyants et non pour les voyeurs) en entretiens serrés, se tisse une réflexion sur la possible et l'impossible normalité, sur l'identité, l'identité toujours recommencée ; grâce aux questions et à la certitude d'un auteur faussement naïf et véritablement démiurge, à l'instar de son titre sans point d'interrogation : pourquoi Israël."
Antoine Perraud, mai 2008
