Noël Simsolo : Miklós Jancsó, la conquête de l'espace
VIDEO | 2015, 12' | Ses mouvements de caméra virtuoses à travers les plaines de Hongrie, unissant et désunissant l1
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1917, autour de la frontière russe. Les Blancs tsaristes affrontent les Rouges bolchéviques qui sont soutenus par des volontaires hongrois.
1917, autour de la frontière russe. Les Blancs tsaristes affrontent les Rouges bolchéviques qui sont soutenus par des volontaires hongrois. Dans l’immense plaine, chasse à l’homme, exécution de prisonniers, cavaliers en déroute, et le pouvoir qui guette chaque homme à tour de rôle…
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"Après Les Sans Espoir, voici un nouveau chef-d’œuvre de ce jeune cinéaste hongrois qui s’impose d&eac
"Après Les Sans Espoir, voici un nouveau chef-d’œuvre de ce jeune cinéaste hongrois qui s’impose définitivement comme un « grand ». Rouges et Blancs est sensiblement différent de son précédent film par le style du récit et de l’image : l’un et l’autre sont moins construits, moins amples, moins superbes.
Dans Les Sans Espoir, le récit était d’une rigueur extrême, la mise en scène d’un dépouillement quasi janséniste, la photographie de Sandor Sara travaillée avec une minutie fascinante dans la composition comme dans l’éclairage. Ici, l’œuvre donne l’impression d’une plus grande liberté, d’une plus grande spontanéité et la photo de Tamas Somlo, magnifique elle aussi, est plus proche d’une vision réaliste.
C’est que le film évoque la Russie de 1918 en proie à une guerre civile impitoyable. Le scénario s’inspire de faits réels ainsi que de situations empruntées aux œuvres du grand écrivain soviétique Isaac Babel dont on sait qu’il a magistralement décrit, dans « Cavalerie rouge » en particulier, les péripéties de cette sanglante période. Le film est une coproduction avec l’Union soviétique et nous croyons savoir que les officiels de Moscou ont été quelque peu surpris par l’image que Jancso y donne de la guerre civile. On est loin en effet d’une fresque exaltante, d’un tableau à grand spectacle ; on pourrait presque dire que Rouges et Blancs est une chronique intimiste, même si l’espace et la durée y servent de cadre à des péripéties d’une exceptionnelle intensité dramatique.
La traduction du titre original, Csillagosok, Katonak, c’est quelque chose comme « Gens qui portez des étoiles, en avant ». Ces « étoiles », ce sont à la fois les Bolcheviks et les officiers blancs, férocement affrontés : dans ce déchaînement, un grand nombre de Hongrois, échappés des camps de prisonniers, se trouvent ballotés au gré des événements et ce sont les aventures de quelques-uns d’entre eux que Jancso nous présente, aventures tragiques puisqu’elles se termineront par leur anéantissement ; de tout le contingent hongrois engagé aux côtés des Rouges, seul un jeune homme survivra et c’est le gros plan de son visage qui constitue la dernière image du film.
Au festival de Cannes, à la conférence de presse de Jancso, une dame a fait remarquer sincèrement et naïvement qu’elle n’avait rien compris parce qu’elle ne savait pas qui était qui : c’est vrai que le film n’est pas d’une lecture facile, quant à la couleur des combattants en présence, mais il en est parfois de même dans les films américains sur la guerre de sécession pour la distinction, à nos yeux européens, entre Yankees et Sudistes. A cette question, Jancso a rétorqué : « Madame, n’avez-vous jamais participé à une guerre civile ? » Ce n’était pas qu’une échappatoire en forme de boutade car cette confusion sanglante est aussi la leçon idéologique de l’œuvre, les uniformes ne correspondant pas toujours aux sympathies profondes de ceux qui les portent, surtout dans le tourbillon d’une guerre civile. En tout cas, si les sympathies du réalisateur vont naturellement vers les « rouges », le film montre aussi que la violence n’était pas d’un seul côté, encore que les Gardes Blancs se livrent, avec le sang-froid le plus parfait, à des hécatombes difficilement surpassables.
On peut dire que le film est entièrement dédramatisé : les péripéties les plus tragiques et les plus cruelles y sont dépouillées de tout pathétique, décrites avec une rigueur et une froideur quasi documentaires. En outre, le cinéaste pratique l’ellipse avec un art consommé : il gomme les transitions, supprime les explications, empêche radicalement tout attendrissement.
Par ailleurs, l’absence de toute partition musicale neutralise la dernière source possible de pathétique. L’émotion que l’on ressent devant ce prodigieux film est avant tout d’ordre intellectuel et esthétique. Mais la beauté plastique n’est jamais un alibi, toujours un accomplissement. La discrétion elliptique du récit, laisse toujours une part de mystère quant aux motivations des personnages ou aux suites de l’action : c’est là du grand art, cinématographiquement parlant, car c’est comme si nous étions nous-mêmes témoins des événements à l’instant où ils se font, tout en ayant d’eux une image plastiquement très élaborée et comme fixée pour l’éternité.
Quelques moments sublimes jalonnent ce film parfaitement rectiligne, étonnamment pur : la marche des Hongrois face aux Blancs, la Marseillaise à la bouche dans un dernier défi, et le bal des infirmières dans la forêt de bouleaux sous le regard des aristocrates de l’armée tzariste.
Rouges et Blancs est un grand et beau film."
"... Le spectateur pourra se dire que la liberté se trouve quelque part dans ces plaines immenses et sur ces fleuves qui coulen
"... Le spectateur pourra se dire que la liberté se trouve quelque part dans ces plaines immenses et sur ces fleuves qui coulent jusqu'à l’horizon, Jancso lui infligera chaque fois un cinglant démenti, faisant surgir des cavaliers au moment où il ne les attendait pas. L’effet de surprise, si important dans les films où l’action prime la réflexion, joue ici à plein, rendant illusoires les fuites dans les hautes herbes et les traversées des fleuves. Les mouvements sont brisés net et l’élégance des plans séquences (de sa génération Jancso est sans doute le premier cinéaste des pays de l’Est chez qui ne se fait plus sentir l’influence des théories sur le montage de Poudovkine et d’Eisenstein) n’en rend que plus tragique l’absurde qui régit tout le film.
Rouges et Blancs se présente d’abord comme un témoignage très libre sur la guerre civile en Russie. Les Cosaques se battent contre des Rouges aidés par des combattants d’autres nationalités, notamment des Hongrois. L’un d’eux nous apprend que Denikine et Koltchak ne sont pas loin. Ce sera la seule référence à des noms connus. Le reste est un constat où les faits historiques, c’est-à-dire les faits que nous apprennent les manuels d’histoire, sont oubliés au profit d’une vision plus terre à terre des événements. Jancso n’a filmé que des escarmouches, des allées et venues, réduisant les gestes des uns et des autres à leur nécessité physique, faisant des instincts, qu’ils soient de vie ou de mort, les éléments primordiaux de l’œuvre.
Malgré les scènes finales où les soldats hongrois chantent « La Marseillaise » qui fut aussi, rappelons-le, un chant révolutionnaire, Rouges et Blancs est un film a-lyrique et anti-héroïque. Même le geste du jeune Hongrois qui salue avec un sabre les combattants tués par les Cosaques ne change rien à une morale qui se veut critique sous des apparences d’absolue objectivité. Cette objectivité n’en rend que plus terrible le dépouillement dune œuvre où tout semble au même niveau : les bourreaux comme les victimes sont vus, d’abord, avec le même regard un peu lointain, Jancso refusant la sensiblerie et l’émotion. C’est qu’il s’agit de montrer la morale des Blancs et des Rouges sans privilégier, au départ, l’une ou l’autre.
(…) Rouges et Blancs est un film sur la liberté, mieux : il présente une série de variations sur la liberté, d’autant plus belles qu’elles l’exaltent tout en dénonçant ce qui la détruit. L’espace, qu’agrandit le cinémascope, recèle ses propres dangers. Qu’il s’étende à l’infini ou soit barré par un mur ou des palissades, c’est de lui dont il faut d’abord se méfier. Paradoxalement, à l’inverse des grandes épopées américaines et soviétiques où l’espace est toujours vaincu, on ne respire pas dans Rouges et Blancs.
D’où l’ambiguïté d’un film qui avance par à-coups, où ce qui est gagné d’un côté est perdu de l’autre, un film où tout est mêlé, amis et ennemis et où règne souvent la confusion, comme dans cet hôpital où se sont réfugiés les Rouges et les Blancs. C’est alors une « douceur terrible » qui parcourt le film. Aux paroles humanitaires, ô combien dérisoires, d’une infirmière (« Ici il n’y a que des malades ») répondent des exécutions. Aux tableautins charmants et nostalgiques de femmes dansant dans une clairière — scène mystérieusement érotique et pourtant frustrante — s’oppose la netteté cruelle des fusillades de la fin. Jancso, pourtant, ne prétend pas un seul instant clamer l’inutilité de la violence. Sous son pessimisme apparent, sous sa volonté de ne pas céder à l’hagiographie et à un optimisme béat se fait jour, au contraire, bien plus d’espoir."
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