JC, un gardien de prison à la vie monotone, n'a pour seule distraction qu'une leçon de tango hebdomadaire. Il y rencontre Alice, qu'il retrouve contre toute attente au parloir où elle rend visite à deux détenus. Témoin de leur relation triangulaire, son attirance pour cette femme affranchie le conduit à enfeindre le règlement.
Alice est interprétée par , compagne du réalisateur Frédéric Fonteyne et scénariste du quatrième film de l'auteur de La Femme de Gilles et d'Une liaison pornographique. Son personnage insinue le trouble au sein d'un univers carcéral, peu prompt à accueillir le désir.
Naviguant entre deux hommes, qui consentent à cette relation peu conventionnelle, elle captive le maton qui va s'impliquer au-delà de ses prérogatives. Apprenant que sa femme danse chaque semaine avec JC, son mari, ivre de jalousie, va demander à un Argentin de lui donner des cours. Les prisonniers se laissent peu à peu séduire par l'apprentissage du tango.
"Film de parloir", plus que film de prison, comme tient à le préciser Frédéric Fonteyne, Tango libre réserve effectivement une large place à la parole. Tout se dit, se délie et se dilue à l'occasion des confrontations entre les personnages. De sorte que le film est évidé de la moindre ambiguïté, y compris sexuelle, ainsi qu'en atteste l'évidente homosexualité qui unit les amants d'Alice. Sérieusement édulcorés par un scénario trop écrit, les conflits souffrent d'une mise en scène qui surligne constamment les motivations et les ambivalences des protagonistes.
Avec un sujet comme le tango, on pouvait s'attendre à ce que Frédéric Fonteyne s'attache à l'observation sensuelle des corps. Mais à l'alchimie délétère qui les unit, il choisit plutôt de montrer ce qui les sépare. Une scène, cependant, emporte l'adhésion. Elle bat au rythme de la danse. Deux prisonniers d'origine argentine commence à esquisser des pas de tango sous les quolibets de leurs camarades de cellule. Mais la maladresse laisse bientôt place à une maîtrise fulgurante.
Le filmage est au diapason de la danse, fluide et tendu. Cette séquence permet d'admirer Chico Frumboli, danseur professionnel, ici dans le rôle d'un caïd latino. Sous son influence, le film renoue avec les possibilités organiques de son sujet.
Les comédiens, de manière générale, sont tous bons (mention spéciale à l'excellent Jan Hammenecker, vu chez Arnaud Desplechin), même si les possibilités de jeu sont limitées pour Sergi Lopez, coincé dans le rôle étroit du mari pathétique, constamment en colère.
D'ailleurs, la jalousie qui le caractérise décrédibilise la relation triangulaire dans laquelle il évolue. C'est d'autant plus regrettable que ne faisant pas assez confiance à sa mise en scène pour raconter son histoire d'enfermement, de désir et de danse, Frédéric Fonteyne ne trouve jamais réellement le bon tempo pour son film.
Sandrine Marques