"...Livrer un coeur aux flammes, c'est tout le projet du deuxième long-métrage de fiction de Claire Simon (...) Pour autant, il ne sera pas question de transports, de langage ou de rituels amoureux. Plus que métaphorique, la brûlure est physiologique.
Au lendemain de la rencontre, Livia, à peine éveillée, vérifie sur son portable si le pompier, Jean Susini, a cherché à la joindre, dans un geste dont le caractère inédit s'étend peu à peu au reste du corps. Tel mouvement de tête, telle coloration de peau ou inflexion de voix affectent celui-ci d'une identité nouvelle, en même temps qu'ils fournissent à l'image sa pâte, une matière fragile et précieuse. Au fil de la journée, l'élan amoureux se propage, à la manière d'un incendie, au-delà des limites de la peau, réorganisant l'espace selon une géographie du désir. La caserne de pompier, ou les abords de la maison de Jean figurent ainsi les jalons successifs de l'itinéraire amoureux, programme et errance tout à la fois.
Chaque lieu surgit d'une campagne varoise figée dans la chaleur estivale, ruisselante de lumière. Si bien que de la brûlure initiale semble sourdre une brûlure d'une tout autre nature, purement topographique.
Chaleur et désoeuvrement : entre deux étapes, l'incandescente Livia abandonne sa monture et se laisse rejoindre par un groupe d'adolescents, seuls habitants, semblerait-il, d'un village aux volets fermés. Tours de scooters et pérégrinations en tout genre (poursuite, ballade, parades amoureuses) s'opèrent selon un art subtil de l'ennui, un bien-être dans l'inertie.
Le drame amorcé vient se dissoudre dans la chronique sociale, entre dans la temporalité inefficace de l'observation. Et lorsqu'à la fin du jour, l'adolescente finit par commettre l'irréparable en déclenchant un incendie de forêt le plus sûr moyen d'attirer l'attention de son pompier Ça brûle semble entièrement basculer dans un régime d'image propre au documentaire.
A la poussée dramatique se substitue la plus pure des envolées sensorielles, le poème archaïque et sauvage d'une image incendiée, d'une fiction dévorée par les flammes immenses du réel infligeant au film sa troisième et dernière brûlure."
Emily Barnett