
Paul Vecchiali, le fil rouge des amours
VIDEO | 2016, 11' | L'un des plus célèbres francs-tireurs du cinéma français était, en 2016, pour la première fois1
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L'auteur de Rosa la Rose, éternel amoureux des actrices fait défiler toutes les comédiennes de sa vie devant sa caméra nostalgique...
Laurent cherche sa voie, ayant vécu son enfance et son adolescence dans la paresse. Il traverse des moments conflictuels avec Rodolphe, son père : l’un et l’autre sont trop émotifs pour s’exprimer leur tendresse. Rodolphe, autour duquel gravitent les femmes de sa vie, n’a qu’une obsession : retrouver Marguerite, son premier amour…
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« Emmène-moi au bord de la mer ». C’est sur cette demande d’un vieux père affaibli à son fils que s’ouvre le vingt-sixième long-métrage de
« Emmène-moi au bord de la mer ». C’est sur cette demande d’un vieux père affaibli à son fils que s’ouvre le vingt-sixième long-métrage de l’infatigable briscard Paul Vecchiali, 86 ans, présenté hors compétition à Cannes, et dernier volet (estampillé « Antidogma 12 ») d’un cycle qu’il tourne depuis désormais dix ans, avec les moyens du bord, dans sa villa du Plan-de-la-Tour dans le Var. Tout le reste du film n’est qu’un seul et tortueux flash-back pour en revenir à cette phrase initiale. Un flash-back, c’est-à-dire un récit tourné vers le passé, creusé dans la matière trouble et fluctuante du souvenir, habité de figures spectrales et autres revenants d’âges révolus, se réunissant dans un dernier tour de piste (...)
A contre-courant des tendances jeunistes du cinéma, Vecchiali accueille et contemple l’âge sénescent avec une lucidité tendre et une force de sentiments désarmante : les visages fanés contiennent un mélange de beauté tenace et d’indicibles douleurs, jusque dans la façon dont leurs stigmates s’inscrivent comme une cartographie d’émotions à ciel ouvert. Le cinéaste réunit pour l’occasion une distribution royale de comédiennes admirées, auréolées de légende, et qui dessinent en creux toute une histoire de la chanson et du cinéma français : Françoise Lebrun (La Maman et la putain), Françoise Arnoul (French Cancan), Edith Scob (Les Yeux sans visage), Marianne Basler (Rosa la rose, fille publique), Annie Cordy (la chanson de tradition populaire) et l’impériale Catherine Deneuve, qui fait ici sa première apparition sur la scène vecchialienne.
Sous sa facture artisanale, et malgré quelques saillies incongrues, Le Cancre déploie une écriture infiniment sensible, où les nombreux échanges à deux ou trois personnages, hantés de non-dits et souvent bouleversants, se filent dans la continuité de plans longs et la gracilité de travellings exhalés. Ce que le film exprime de plus beau, dans la touchante rétrospection sentimentale de son héros, c’est la quête (illusoire ?) d’un amour prodigue à condition de n’être pas exclusif, comme d’une « fidélité malgré tout » qui réunirait, dans un même élan vital, la pluralité des désirs et la singularité des sentiments.
... l’heure des bilans, façon Broken Flowers de Jarmusch, ou plutôt Carnet de bal de Julien Duvivier, dont Vecchiali s’est aperçu après coup
... l’heure des bilans, façon Broken Flowers de Jarmusch, ou plutôt Carnet de bal de Julien Duvivier, dont Vecchiali s’est aperçu après coup qu’il avait infusé son film. C’est-à-dire qu’y défilent les anciennes amours de Rodolphe, venues chercher à la fois l’assurance qu’il les a aimées (hélas, pas toutes) et son regard qui se poserait encore une fois sur elles.
Si Rodolphe ne daigne pas toutes les observer, disparaissant parfois hors du cadre sans que l’on sache s’il est sorti de la pièce ou de leur vie, Vecchiali, lui, les regarde magnifiquement, ces gloires françaises aux inégales renommées. Annie Cordy, Françoise Lebrun (lire aussi page VII), Françoise Arnoul sont tour à tour repoussées, écoutées, renvoyées, embrassées… Ce sont elles qui donnent ses moments de magie au film, Edith Scob en bonne sœur exaspérée, lumineuse sous sa coiffe blanche, Marianne Basler virevoltant dans son petit tailleur. Et quelles voix incroyables ont toutes ces femmes ! Pourquoi plus personne ne parle donc comme cela, aujourd’hui ?
Ce qui émeut autant, dans ce spectacle, c’est la superposition entre le personnage qu’incarne Vecchiali et le cinéaste lui-même, cet éternel amoureux d’actrices. C’est lui, plus encore que Rodolphe, qui poussera, on l’espère, un dernier soupir face à la mer sous un halo où apparaît une Catherine Deneuve de conte de fée, splendide tableau dont on n’est pas près d’oublier l’audace, le sublime et le kitsch.
Dans Un carnet de bal (1937), film subtil que même Marie Bell n'arrivait pas à abîmer, l'héroïne partait à la recherche (réelle ? fantasmée
Dans Un carnet de bal (1937), film subtil que même Marie Bell n'arrivait pas à abîmer, l'héroïne partait à la recherche (réelle ? fantasmée ?) de ses anciens prétendants. Dans Le Cancre, ce sont les femmes qui viennent à Rodolphe, un vieux grincheux égotiste et charmeur (Paul Vecchiali l'interprète lui-même) qui vit au soleil en compagnie d'un fils qui s'est imposé quasiment de force — Pascal Cervo, complice du cinéaste depuis quelque temps, est, encore une fois, impeccable en valet de comédie cynique et attendri... Ces femmes désirées, aimées, quittées sont les petites madeleines qui font mesurer au vieil égoïste le temps perdu, un instant retrouvé, et celui, trop bref, qu'il lui reste. La plus touchante étant Françoise Arnoul (Mimi) qui est douce, rieuse et radieuse, comme elle l'était dans French Cancan, de Jean Renoir...
On aimerait, évidemment, que Paul Vecchiali s'en tienne à son club de femmes et renonce à quelques épisodes inutiles (la rupture du fils avec son copain gay, les apparitions de Mathieu Amalric et de Noël Simsolo, son coscénariste). Mais il n'est pas né, celui qui convaincra le cinéaste de renoncer, sous prétexte de longueurs, aux échappées belles, parfois incongrues, qui font l'extravagance même de son style...
L'ombre de Danielle Darrieux, sa star à lui, son idole, plane sur le film. Son nom se lit sur une cheminée. Son visage se détache sur le mur de la chambre où Rodolphe chantonne, comme elle, jadis, dans ses films. Françoise Lebrun, dans sa géniale apparition, semble imiter sa fantaisie empreinte de gravité. Même l'apparition de Catherine Deneuve — en éternelle bien-aimée de Rodolphe — l'évoque : elle qui fut quatre fois sa fille à l'écran, notamment chez Jacques Demy (Les Demoiselles de Rochefort), André Téchiné (Le Lieu du crime) et François Ozon (Huit Femmes). Ambiguë, douloureuse, Catherine Deneuve insuffle, en quelques minutes, une mélancolie cruelle à ce film romantique, surchargé et émouvant...
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