La Playlist Universciné de Paul Vecchiali
VIDEO | 2016, 13' | Cinéaste farouchement indépendant, producteur et parfois même acteur de ses films, Paul1
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Un jeune garagiste passionné de musique classique tombe fou amoureux d'une bourgeoise de cinquante ans qu'il a rencontrée lors d'un concert dans une église.
Pierre a 35 ans. Il est garagiste et sa passion pour la musique classique le distingue de son entourage. Un jour, lors d’un concert dans une église où l’on donne le Requiem de Fauré, il rencontre une femme de 45 ans, pharmacienne, c’est à dire d’une autre classe sociale, d’un autre "territoire". C’est aussi une femme d’aujourd’hui qui prend ce qui lui plaît quand cela lui plaît. Pierre, qui a l’habitude d’agir comme un coq de banlieue, ne parvient pas à la conquérir. Cette première défaite de séducteur le terrifie. Mais bientôt la passion les rattrape.
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POUR Longs travellings dans une église où des mélomanes attentifs écoutent Le Requiem de Fauré.
POUR
Longs travellings dans une église où des mélomanes attentifs écoutent Le Requiem de Fauré. Longs travellings qui partent d’un visage pour aboutir à un autre, commo pour mieux suggôier lo lion qui vient de se nouer, indéfinissable et pourtant indissoluble, entre cette femme qui ne devine rien encore et cet homme qui la contemple, de loin, de dos, et qui chuchote soudain à l’oreille de sa compagne sa confidente, cette phrase qui trahit son émoi et sa capture :
« Je veux tout savoir sur cette femme ».
Et l’on se surprend à redouter, devant cette ouverture en smokings et robes du soir, une histoire d'amour chez les snobs de notre temps, dissimulant le vide de leur existence sous des peines de cœur — et de corps — un peu froides.
Premier contraste : celui du smoking et de la salopette, de la robe longue et de la blouse. Pierrot, le nouveau Nemours, est garagiste et sa princesse de Clèves, baptisée Jeanne, est pharmacienne. C’est justement le pari ironique et tendre de Paul Vecchiali : mêler l’immêlable. Accorder l’inaccordable. Recréer, autour de personnages quotidiens, mais transfigurés et comme poétisés, la tragique comédie du bonheur et de la souffrance d’aimer.
C’est donc d’amour dont Vecchiali nous parle. D’amour fou. Et il fallait donc quo lo film jongle avec le ridicule, se batte avec l’artifice, so mesure avec le grotesque, puisqu’il est écrit, de toute éternité, que les passions d’autrui ne peuvent être perçues par nous autrement que par une incompréhension moqueuse.
Or. justement, Pierrot, le Don Juan de « la ruelle », le Casanova de banlieue, « entre . en passion ». Il chute en « tombant » amoureux.
« Qu‘est-ce que tu as ? », lui demande Emma, l’adolescente éprise comme tant d’autres du beau garagiste.
En fait. Pierrot ne souffre même pas. Il ne peut s’empêcher de pleurer, c’est tout, près de son téléphone. Ou en dormant, emmailloté dans des couvertures. Et il ne peut que faire défiler des bouts do phrase, des gestes, des imagos do cette lemmo. objet d’amour invraisemblable, injustifiable, qui accueille, vaguement maternelle et apparemment indifférente, cet orago maladroit qu’il exprime obstinément et mal.
Et puis, en contrepoint de cette douleur, il y a ce que Vecchiali appelle la « ruelle ». Monde sympathique qui participe aux souffrances de Pierrot, petit chœur antique peuplé de noms aussi bizarres que les personnages qu’ils recouvrent : Platon, l'Aristo, Lina, Pupuce, Sonia, Mimine. Silhouettes qui retrouvent le « réalisme poétique » de toute une tradition du cinéma français, avec la nostalgie de Vecchiali pour ce que sa poésie a justement d’irréel.
Surréei serait peut-être plus juste encore. Sur le réel. Au-dessus de lui.
Peu importe, dès lors, que Nicolas Silberg ne soit pas authentique en garagiste et que le vocabulaire employé par Hélène Surgère (décidément remarquable de film en film) ne soit pas celui que l’on prête à une pharmacienne. Le jeu des comédiens (tous excellents), le plus souvent légèrement décalé, ne correspond pas au vraisemblable de l’opinion commune.
Un accroc : l'entr’acte amoureux dans le Midi proposé par Jeanne qui accepte l’amour de Pierrot au moment où elle apprend que ses jours sont comptés. Malgré son habileté, l’auteur ne peut vaincre le fait tout bête que la passion assouvie captive moins que celle qui se noue ou qui meurt. La tension et l’attention baissent. Le bonheur — c’est atroce, mais c’est ainsi — exigerait que la caméra cesse de le filmer. On voudrait être ailleurs. Heureusement, Vecchiali nous exauce assez vite. Au moment du retour à la ruelle, l’opéra peut reprendre. Un seul mouvement de caméra découvre, puis détaille, les participants réunis lors de cette fête mélancolique, où l’on sent déjà l’ombre de la mort. Mort du quartier destiné à disparaître. Mort de Jeanne qui se prépare, qu’elle prépare... Platon et l'Aristo ont beau bouffonnér, c’est la ritournelle triste chantée par Madeleine Robinson qui nous étreint...
Le rideau se lève une dernière fois sur le final grandiose. L’héroïne fait croire à son amant qu’elle l’a joué, qu'elle n’a jamais été condamnée par la médecine. Peine perdue : le poison a fait son office. Elle meurt...
Là, les ricaneurs peuvent s’on donner à cœur joie. Car, à nouveau, c'est trop. Mais l'émotion naît justement de cette réutilisation des clichés romanesques, de ce sérieux constant, désamorcé par une pirouette.
Et voilà, le beau film est terminé. Jeanne est morte. Le mélo a triomphé, le vrai mélo, celui par lequel Vecchiali retrouve le grand art qui est de faire pleurer et rire.
A cet égard, nulle séquence ne s’impose mieux que celle où Pierrot campe avec voiture et plantes vertes devant la pharmacie de sa bien-aimée. Et rien à faire pour le déloger : ni les menaces ni les quolibets ne semblent avoir prise sur lui. Les passants passent. Les heures aussi. Pierrot, clown triste, finit par s'évanouir d'amour ; dans la pharmacie où, ironiquement, on le transporte aussitôt, Jeanne refuse encore une fois de s'avouer qu’elle a compris la sincérité de sa flamme.
Vecchiali est là, fascinant, entier et ambigu, dans cette dérision subtile, dans cette souffrance pudique cachée sous une grimace presque gaie.
Pierre Murat
CONTRE
Avec les amours d’un garagiste et d’une marchande de parapluies, Jacques Demy a enchanté une partie du monde. Grâce à René Clair, nous nous sommes fait, sur le pavé de Paris, quelques amitiés indéfectibles. Et Maurice Dugowson nous a bouleversé en perchant sur un arbre Rufus, l’ouvrier plaqué par sa femme : lui aussi victime de l’amour fou ; lui aussi refusant de descendre tant quelle n'aura pas répondu « oui » à son cri cent fois répété : Lily, aime-moi...
Références accablantes. Ici, tout prête à rire. Avant de partir voir sa belle. Pierrot, nu et nimbé de lumière, se coupe soigneusement les ongles de pied. La pharmacienne se prend pour Edwige Feuillère. La séquence où Pierrot campe sur le trottoir devant la pharmacie, souffre de n’avoir été filmée ni par Dugowson, ni par Michel Vianey et de n’être interprétée ni par Rufus ni par Folon. (Rappelez-vous Folon vivant lui aussi dans sa voiture dans Un Homme comme moi ne devrait jamais mourir). Quant aux habitants de la ruelle, je les ai longtemps pris pour des clochards dont la presence me semblait étrange...
Comment ne pas rire encore en voyant Nicolas Silberg et Hélène Surgère assis, nus, dans de grands fauteuils, devant un feu de cheminée ? La caméra les cadre de dos et ils se donnent la main sur fond de flammes... Une vraie photo publicitaire pour chaumière restaurée. Comment' garder son sérieux en écoutant les dialogues grotesques mis dans la bouche de cette potiche de Nicolas Silberg et de cette fausse grande dame qu’est Hélène Surgère ?
Le comble est atteint dans i'avant-dernière séquence, entièrement démarquée de L'Aigle à deux têtes. Même subterfuge, même retournement de situation (1 ). Mais les deux monstres sacrés, Feuillère-Marais sont remplacés par deux ringards et l’on regarde, atterré, partagé entre la désolation et l'hilarité, la reine des pharmaciennes mourir dans les bras du garagiste amoureux. Vecchiali ne résiste même pas à la tentation de filmer la fenêtre dont les rideaux s’agitent, évoquant de manière risible la fameuse fenêtre de la pièce de Jean Cocteau, d’où la reine, s’accrochant aux rideaux, se montre à ses troupes. On dirait un A la manière de de Paul Reboux.
Seule, la grande Madeleine Robinson sauve ce qu'elle peut de ce roman de gare. Il suffit qu’elle paraisse et soudain — enfin — quelque chose se passe sur l’écran. Malheureusement, elle n’est pas souvent là ! On doit deux autres moments justes et vrais à Daniele Gain et Christine Murillo.
Claude-Marie Trémois
(1) A cela près que dans la pièce de Cocleau la reine ne s’empoîsonne pas mais compte sur Stanislas pour la tuer en lui faisant croire — comme notre pharmacienne à Pierrot — qu’elle ne l'a jamais aimé.
" Paul Vecchiali a jeté un pavé dans la mare tranquille du cinéma psychologique français. Un film d’
" Paul Vecchiali a jeté un pavé dans la mare tranquille du cinéma psychologique français. Un film d’amour fou, comme on n'en fait plus et qu'il a dédié à Jean Grémillon pour prendre ses distances avec le psychologisme à la mode et marquer sa volonté de renouer avec une tradition romantique brillamment illustrée par l’auteur de Remorques et de Pattes blanches. Un mélodrame qui s’assume comme tel, avec ses outrances et ses invraisemblances, et qui revivifie les vertus tonifiantes du spectacle populaire qui peut faire pleurer Margot sans pour autant la considérer comme une infirme du cœur. Vecchiali refuse la psychologie, au nom de laquelle on pourrait à coup sûr l’accuser de gratuité et d’incohérence.
Il campe ses personnages tout d’un bloc, sans les justifier ni les expliquer mais en leur conférant une richesse et une ferveur de sentiments qui emportent la conviction. Il s’aide de la musique pour tirer vers l’opéra un drame qui a la couleur et la profusion d’un spectacle chanté, d’un melodramma à l'italienne. Il sublime par la mort un film qui rassemble et exalte toutes ses hantises personnelles, la fascination macabre et le vertiqe suicidaire qui parcourent L’Etrangleur et La Machine (...)
Et il se dépasse ici pour nous prouver, après Femmes Femmes, qu'il est capable d’apporter au cinéma quelque chose de radicalement original et qui tranche sur la routine descriptive des partisans du « naturel ». Un garagiste passionné de grande musique tombe amoureux d’une inconnue aperçue à un concert, une pharmacienne dont il fait le siège jusqu’à ce qu’elle cède à ses avances.
« Faire le siège » n’est pas une figure de style puisqu'il campe en effet devant la boutique de la belle cruelle, ayant perdu tout amour propre et toute retenue, partagé entre les crises de larmes et les menaces de suicide. Qu’est-ce qui peut expliquer un tel délire, sinon le destin en marche, la rencontre de deux êtres destinés l’un à l’autre par une volonté plus forte que la leur. Ils vont finalement connaître quelques semaines de bonheur dans la lumière méditerranéenne. Mais le destin, après les avoir réunis, les sépare : dans une scène d’une beauté fulgurante, et qu’il serait dommage de dévoiler car elle constitue un extraordinaire point d’orgue à ce film entièrement écrit en majeur et joué en fortissimo, la mort frappe.
Au-delà de l'histoire d’amour fou, dont le titre suggère bien la violence, le film vaut aussi par la description du contexte populaire où vit le garçon. Ce prolo qui aime (la musique, la femme) au-dessus de ses moyens, habite une ruelle de quartier où grouille une faune pittoresque qui ne serait pas indigne de l’imagination de Prévert ou de la patte de Renoir.
Il ne s’agit pas là d’un populisme sentimental et exotique mais de la peinture fervente d’un milieu spécifique. Et la morale de l’histoire me semble être que ces petites gens, comme le montre l’exemple du protagoniste, sont eux assi capables de dépasser leur condition pour vivre une aventure folle, celle de l’amour comme de la musique, où ils trouveront un épanouissement apparemment au-dessus de leurs moyens.
Vecchiali a trouvé une fois de plus en Hélène Surgère, une interprète prodigieuse par sa sensibilité et sa présence charnelle ; face à elle, Nicolas Silberg est un parfait contrepoint par sa fureur de vivre. Ces deux remarquables comédiens assument physiquement et spirituellement les données frénétiques et romanesques de cette aventure et lui confèrent une crédibilité miraculeuse, non pas au niveau de la vraisemblance psychologique mais à celui de la logique passionnelle.
Cet affrontement superbe de deux corps et deux cœurs, ce mélodrame qui se moque des modes et des codes, c’est à coup sûr une réussite qu’il faut marquer d’une pierre blanche pour sa ferveur et sa musique."
" « C’est un mélo », diront certains avec un rien de mépris dans le ton. Oui, c’est un mé
" « C’est un mélo », diront certains avec un rien de mépris dans le ton. Oui, c’est un mélo, un mélodrame ! Ce genre honni par ceux qui ne savent y voir que des histoires à l’eau de rose et oublient qu’il fonde sûrement pour une bonne part tout l’art cinématographique. Après Mizoguchi, Minnelli, Feuillade, Franju, Demy, Comencini, Sternberg, Chaplin et bien d’autres, Paul Vecchiali a donc commis un « mélodrame ». Superbe.
« Les mélodrames des années 1930, dit-il, sont vraiment les films qui m'ont fait vibrer et donné le secret désir d'en fabriquer moi-même. Le point de départ du film, la chose la plus importante, c'est le Requiem de Fauré, oeuvre qui aborde le thème de la communication entre les vivants et les morts. » Le Requiem, en effet, ainsi que la Pavane du même Fauré soutiennent toute l’architecture du film, le structurent. Ils lui donnent également son contenu dramatique, jouent leur plein rôle de musique de mélodrame, selon la définition première « œuvre dramatique accompagnée de musique ».
« Mais je crois que Corps à cœur, poursuit Paul Vecchiali, est plus près du populisme que du mélodrame. Je m'y suis surtout efforcé, avec un regard d'aujourd'hui, de restituer l'univers des films de René Clair, de Carné, de Prévert, etc. »
Effectivement, au-delà des deux personnages centraux se dessine un petit monde, la ruelle, dont les personnalités sont brossées en un peu plus que quelques traits, avec une épaisseur humaine suffisante pour que leur existence se fasse sentir. Il y a Sonia, Pupuce, l’Aristo, Platon, Petite Femme, etc. Sans eux, le film n’existerait pas de la même manière. Grâce à eux, la ruelle de Corps à cœur trouve tout naturellement place près de la cour du Crime de M. Lange, de Jean Renoir, dans la mythologie cinématographique. « Et si le scénario s'est enrichi dans ce sens, avoue Paul Vecchiali, c’est grâce à la complicité d'Hélène Surgère. Sans elle, la ruelle n'existerait pratiquement pas, les personnages qui la peuplent n'auraient pas ce développement. »
(...) Corps à cœur unit dans la même émotion le sourire et le pleur. C’est quelque chose comme le cinéma originel, et l’un des films les plus simplement beaux qu’on puisse voir actuellement."" D'abord, débarrassons-nous de ce qui gêne dans Corps à cœur. Paul Vecchiali tient mordicus aux tableau
" D'abord, débarrassons-nous de ce qui gêne dans Corps à cœur. Paul Vecchiali tient mordicus aux tableautins d’inspiration populiste qu’il peint avec délectation en se référant au cinéma français des années 1930, à la thématique prévertienne ou à l’univers poétique de la chanson. Nous l’avons vu récemment insérer d’invraisemblables scènes de caboulots dans sa Machine, il lui faut ici situer une bonne moitié de son film dans une « ruelle » peuplée de clochards philosophes et de maraîchers érudits dont il est peu de dire qu’ils nous semblent saugrenus.
Paul Vecchiali doit raffoler des succès de Fréhel (La Rue sans nom, par exemple), nous sommes nombreux à les aimer autant que lui, mais il est bien le seul à penser qu’il est possible d’en restituer la saveur dans un film, comme il est certainement le seul à croire que la peinture d’une faune vaguement prévertienne puisse être de nature à situer, socialement, un personnage contemporain.
Cette marotte de metteur en scène le conduit, malheureusement, à employer des comédiens professionnels ou non qui font de leur mieux pour être pittoresques ou pour se souvenir des leçons de l’oncle Bertolt et qui ne parviennent guère qu’à être désarmants de maladresse. Poiir en finir avec ce qui gêne chez Vecchiali, lâchons le mot, il a la tête beaucoup trop théorique, il n’est pas le seul, Dieu sait, dans l’actuel cinéma français. Mais ce n’est pas une raison pour fermer les yeux sur un défaut qui l’empêche de toucher le public populaire qu’il veut atteindre. Car il est évident qu’un cinéaste comme Vecchiali ne peut se contenter de l’admiration de quelques thuriféraires.
Donc, si l’on oublie sa « ruelle » et ses marionnettes crispantes, Corps à cœur agit par sa sensibilité et par l’originalité réelle des personnages (j’entends les personnages principaux) et de la situation qu’il nous propose. Il s’agit de raconter une histoire d’amour en réexaminant les stéréotypes littéraires et cinématographiques, en attribuant certaines des prérogatives du personnage masculin au personnage féminin et vice-versa.
On dira peut-être que l’histoire que raconte Corps à cœur relève de la transposition prudente et qu’il faut y lire le récit d’une aventure vécue par deux garçons. Mais je crois qu’il faut surtout voir son héros comme un de ces sujets «en qui il y a du féminin » dont parle Barthes dans ses Fragments, comme cet « homme, qui attend et qui en souffre » et qui est « miraculeusement féminisé ». Vecchiali le fait garagiste, proche d’un prolétariat plein de verve et de couleur, mais amateur de musique classique et capable de mettre une cravate pour aller entendre le Requiem de Fauré.
Il en fait une sorte de baroudeur, d’ours très mal léché, mais c’est un ours capable de s’installer sur le passage de l’être qu’il aime et d’attendre jusqu’à en mourir. Inversement, la femme aimée, cultivée, oreille musicale et poétique, belles maniérés jusqu'a être maniérée, femme-femme, cet objet qu’on dit volontiers fragile n’est guère capable que d’être ému de l’émotion de l’autre et encore, passagèrement, comme d’un élément de décoration qu’on choisit pour embellir la grisaille d’un vécu trop raisonnable, comme d’une parure supplémentaire qu’on doit à sa propre beauté.
Il se joue un jeu cruel dans Corps à cœur dont la fragilité masculine, si peu dite et toujours reconnue dans le ridicule, fait les frais. Le point fort du film est de rendre cette fragilité émouvante, de l’arracher à toute dérision. En même temps, le terrible pouvoir féminin nous est décrit avec une préciosité contrôlée, assumée, qui s’apparente aux plus exigeantes des traditions poétiques. Là, les clichés du discours amoureux retrouvent leur force originelle : un regard blesse, l’absence tue."
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