
Sept mois et demi de tournage... et une équipe de quatre personnes.
Après de nombreux reportages, le réalisateur de Faits divers s’est lancé dans la fiction. Avec Empty Quarter, dont1
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Djibouti. Dans le hall de son hôtel, un reporter rencontre une femme et l'invite dans sa chambre. Ils partent ensuite en voyage et vont jusqu'en Alexandrie.
Un homme s'accorde quelques jours de répit au bord de la Mer Rouge. Dans le hall de son hôtel, il rencontre une femme désemparée et lui propose de venir partager sa chambre. Elle accepte, il la regarde. Il va s'efforcer de devenir amoureux d'elle le plus lentement possible. Il l'entraîne dans un voyage qui les conduit dans le désert, sur le Nil et à Alexandrie dans ce film sur le désir, l'obsession, la douleur et le bonheur.
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" Culot et héroïsne sont deux des qualités d'Empty quarter. C'est un film qui s'est voulu sans filet. Tant qu'à construire une fiction, l'h
" Culot et héroïsne sont deux des qualités d'Empty quarter. C'est un film qui s'est voulu sans filet. Tant qu'à construire une fiction, l'homme qui avait l'habitude de se cacher derrière celles dont il récupérait les miettes a décidé qu’elle serait autobiographique. Qu'elle n'aurait qu’un objet (la femme aimée, Françoise Prenant, dite « Françou ») et qu’un héros (l'homme désirant, invisible à l'image sinon en creux, désigné par le regard de la femme). Le sujet du film est grand puisqu'il s’agit de l'obcession sexuelle et de sa terrible monotonie. S'il avait été abouti (dans le genre « homme-à-la-caméra-maso-et- transi » ) on se serait retrouvé du côté de Dwoskin et de ce film sublime qui s'appelle Behindert.
Voyageur, Depardon est par ailleurs amoureux. Or, la logique des voyages n'est pas celle du désir. Faut-il aimer (et souffrir) pour voyager différemment par la suite ? Est-ce qu’on ne voyageait pas, avant, pour ne pas avoir à aimer (et souffrir) ? Depardon a donc imaginé un vrai dispositif, une machine complexe ou amour et voyage se disputent la vedette. Il a entraîné la femme aimée, un preneur de son et lui-même (caméraman amoureux, apprenti sorcier têtu) dans en voyage en Afrique, rossellinien dans sa tranquille impudeur, qui, parti de Djibouti, finira à Alexandrie, après de grands détours par l'Afnque noire. A la fin, la femme aimée laisse cet homme qui la filme toujours et la désire mal. Le film est amer.
De l'image, autant dire tout de suite qu'elle est splendide. Lieux entrevus, hôtels, déserts, rues, brousse. Ce n’est plus une Afrique découverte, ni même une Afrique regardée, c’est une Afrique traversée, presque rêvée. Elle n’est pas au coeur du film, elle devient, dans son étrangeté automatique, la toile de fond inconnue et rassurante d’un mystère plus tenace et plus désespérant, celui de la femme désirée. Femme-enfant, androgyne boudeur, sensuelle et indifférente, digne de Maria Schneider dans Profession: reporter, film auquel il est difficile de ne pas penser.
Et puis, il y a le son, les mots, le babil du commentaire. L’échec, même « semi », vient de là. Autant Depardon a inventé un dispositif fou, autant il a exposé Françou, autant il a eu peur (in extremis ?) de s'exposer aussi là où - du point de vue du film - il s’est mis en jeu. Le texte - des notations du genre « journal », un journal de dragueur maso et finalement content de lui - ne répond pas au feu qui brûle l'image, à sa sensualité offerte. Comme s’il y avait eu, quand même, un petit mâle vexé qui, effrayé par les images nées de son propre désir, les avait recouvertes par le texte balourd et « littéraire » qui le pose, quand même, en belle âme. Il aurait fallu que le texte du film tente de faire l’amour à l'image, comme l'homme tente de le faire à la femme. Ce n’est pas le cas.
Imaginer donc, somptueuse, la projection de ce film sans la voix off. Ou avec des cartons. La passion ne se commande pas. Elle ne se commente pas non plus."
"Sûr qu'il se passe quelque chose entre eux. Entre celui qui se cache pour mieux regarder et celle qui s'exhibe, impudique, comme si de rie
"Sûr qu'il se passe quelque chose entre eux. Entre celui qui se cache pour mieux regarder et celle qui s'exhibe, impudique, comme si de rien n'était. On le voit sur ces photos de la même façon qu'on l'éprouve, immédiatement dans Une femme en Afrique : un sentiment violent unit (ou désunit, on le verra plus tard) cet homme et cette femme. L'homme est un ciné-reporter en quête d'autre chose, amour ou douleur, il ne doit pas bien savoir encore. La femme est une de ses amies, Françoise Prenant, la monteuse de quelques uns de ses films précédents, et elle sait encore moins ce qu'elle veut, dans ces images, en face de cette caméra impitoyablement deshabilleuse de désirs. L'homme s’appelle Raymond Depardon.
Si le photographe comblé (de gloire). le ciné-reporter si populaire (auprès de la critique comme pour son public fidèle de ciné fans) s’est décidé, avec Une femme en Afrique, à franchir la frontière mince qui le séparait encore de la fiction, c'est qu'il ne pouvait faire autrement. Affaire impérieuse, affaire de désir. D'abord parce que depuis toujours, à travers ses documentaires, qu'ils soient autobiographiques (Reporters, les Années-déclic) ou journalistiques (Faits divers, San Clemente), passait déjà une formidable fièvre de fiction, une sorte de lyrisme documentaire à la lisière du néoréalisme qui ne demandait qu'à être poussé à bout. Ensuite (et surtout) parce que l'homme-Depardon aussi, à sa manière, exigeait d'être poussé à bout.
Question de revanche masochiste : le voyeur, celui qui sait si bien se glisser jusqu'à l’invisibilité dans les mondes-fictions qu'il explore, celui-là doit payer. Et comment souffrir davantage qu'en mettant en scène une femme qui se refuse. Cest ce que Depardon a fait : il a choisi de s’inventer sur l'écran une histoire d'amour (c'est â dire de pur désir) avec celle qu'il ne fallait pas. Une monteuse, n'est-ce pas la personne qui, collant un plan à un autre, suture les regards ? Celle que le metteur en scène ne peut que regarder en train de regarder d'autres regards, les siens. Alors, ayant trouvé l'objet d'amour impossible par excellence, Depardon invente en vitesse un petit scénario (un homme propose à une femme de venir partager sa chambre d’hôtel), décide de le tourner en Afrique, c'est-à-dire dans un lieu exotique (comme une transparence), froid (comme le.décor de Profession : reporter et bien sûr torride (comme une langueur, une promesse d'amour). Dans ces images obsessionnelles de l'objet de son désir, jamais lui, Depardon, ne s'insinuera (...)
Chacun jugera. Mais si le film tient la route, c est d'abord parce que son désir à elle, la garçonne butée, demeure jusqu'à la fin énigmatique : qu'est-ce quelle veut ? Que vient-elle faire dans ces images ? Que peut-elle bien foutre dans cette galère de film ? On n'arrête pas de se le demander, en contemplant la perfection sensuelle de ces plans amoureux qui défilent devant nous. Sèchement composés, opaques de perfection photographique. Des plans qui, peu à peu, livreront leur secret : Françoise, le petit garçon impossible, apparaît enfin pour ce quelle est, le double de l'auteur (regardez bien la ressemblance entre Depardon et Françoise Prenant) et on comprend que c'est du côté du narcissisme que tout se passe. Derrière le miroir, la douleur."
"Il est des gens comme ça. Des gens pour qui la Terre est un tapis roulant, et qui sans cesse marchent dessus. Qui avancent pour aller aill
"Il est des gens comme ça. Des gens pour qui la Terre est un tapis roulant, et qui sans cesse marchent dessus. Qui avancent pour aller ailleurs, chercher quelque chose ou devenir quelqu'un. Et puis un soir, sous les pales d'un ventilateur d'un hôtel crasseux de Djibouti ou d'Alexandrie, une fille en peignoir humide, couchée sur le lit vous regarde et dit : «T'es con, t'es nul, t’as voyagé mais tu connais rien. T'es un bébé. » Cette nuit-là, alors, un instant suffit pour vous apprendre que le monde est petit.
Je vous rassure. Jamais on ne m'a traité de la sorte. Cette réplique est extraite de Empty Quarter, le dernier film de Raymond Depardon. Pour nous amuser un instant avec les mots, nous dirons qu'à la suite des Lettres d’amour en Somalie, de Frédéric Mitterrand, le courrier nous apporte aujourd'hui des « Lettres d’amour, eu somme, au lit ». Le prétexte en est le mime : réflexion sur le voyage, le désir, l'échec et l'amour. Empty Quarter est une chronique sur l'absence et l’impuissance. Le film n’a qu’un seul personnage, une femme. Et c’est un homme qui n’apparaît jamais à l’écran, qu'on ne devine même pas, qui, en voix off, fait la narration. Et qui à chaque minute découvre qu’il est allé trop loin, trop tôt, peut-être trop vite, en tout cas trop longtemps.
Vous allez me prendre pour un cinglé mais il y a du Du Bellay là-dessous. Vous savez, ce poète qui dit dans un sonnet: « Et s’en est revenu plein d'usage et raison Vivre entre ses parents le reste de son âge. » Commencée à Djibouti, l’initiation « wendersienne » de Depardon se fait au travers de l'Afrique.
D'abord la fille arrive dans la chambre de l'hôtel. Elle parle, prend des bains, fait trois petits tours et puis s’endort. Chaque soir elle s'endort. Et le type lui, commence à l’aimer, la désirer. A plusieurs reprises, il nous répète « qu’il bande » et nous n’en doutons pas. Pendant ce temps l’Afrique défile par la fenêtre et sous les palmes. Et les jours passent, et la fille dit:
« On ne peut pas aimer et voyager en même temps. » Et pourtant l'homme et la femme repartent. En train d'abord, en bateau ensuite, et puisque enfin le monde est moderne, en Land-Rover. A part des mots, le plus souvent insignifiants, ils n'échangent rien. Elle dicte sa loi, et lui réfléchit sur la bande son. Sur fond de dune il nous explique: « C’est en cherchant à tout apprendre sur elle que j’ai découvert qui j'étais. »
Du point de vue esthétique il y a longtemps que le film a basculé dans la splendeur. Depardon photographie l'Afrique ainsi que Wenders détoure l'Amérique ou Duras le Tonkin..."
"... Depardon ne regarde qu’un peu de l'Afrique orientale où il voyage (de Djibouti à Alexandrie) et beaucoup de cette femme qui finit par
"... Depardon ne regarde qu’un peu de l'Afrique orientale où il voyage (de Djibouti à Alexandrie) et beaucoup de cette femme qui finit par ressembler à un insecte extraorclinaire à force d’être examinée comme à la loupe, contemplée, scrutée, comme si le désir allait se satisfaire de cette obstination visuelle, de cet acharnement à posséder par le regard ce que la chair refuse ou n'accorde qu’en une brève étreinte maladroite et frustrée. Passés quelques moments d’hésitation, on entre vite dans le jeu de Depardon, et d’autant plus volontiers que son interprète (qui n’est pas une comédienne professionnelle et qui a travaillé au montage de son film) témoigne d'une réelle intelligence de son rôle et qu'elle possède un physique dont la séduction curieuse est à cent lieues d'évoquer les banals objets de désir que le cinéma nous propose en série.
Cette femme-insecte observe d'un œil où l’étonnement se nuance peu à peu de colère cet homme-caméra qui ne la laisse pas en repos et l’on comprend que leurs relations ne sauraient être heureuses. La jouissance est dans le cadrage, dans le découpage inspiré de l’espace où se meut la femme désirée, dans l'entêtement à revenir sur ce qu'elle a regardé, sur les lieux qu’elle a occupés, sur les paysages qu'elle traverse.
Ce qui fait d'Une femme en Afrique une entreprise beaucoup plus intéressante que ne pourrait l'ètre un simple film de photographie et beaucoup plus qu’une œuvre de documentariste trop timide pour aborder de plein fouet les complexités de la fiction. Un poème de la douleur d'aimer sans savoir qui."
"... Que se passe-t-il au cinéma dans la tête d’un héros ? Au fond, Empty Quarter pourrait être la réponse à cette question. On voit la fem
"... Que se passe-t-il au cinéma dans la tête d’un héros ? Au fond, Empty Quarter pourrait être la réponse à cette question. On voit la femme, on ne voit pas l'homme. L’homme raconte comment naît son désir, sa frustration, comment à ce point de sa biographie il en est arrivé là. Il accompagne de la voix les gestes et les paroles de sa partenaire (...)
Où est Depardon, dans ce film ? Le « je » qui s’exprime semble le sien. Il semble raconter ce qui arrive à l'écran comme on tient un journal. Puis il glisse un passé composé qui contredit le présent de l'image et la devance, comme s'il connaissait la fin du récit, alors qu'il voulait nous faire croire le contraire. II s'amuse enfin à filmer un camion qui s'éloigne dans le désert avec le couple à bord : l'homme qui aime n'est donc pas derrière la caméra (...)
Ceux qui connaissent l’Afrique disent qu'ils en ont retrouvé l'atmosphère. Ceux qui apprécient les plans dont le cadrage et la composition sortent de l'ordinaire sont repus de beauté. Et ceux qui, en amour, aiment les histoires sont très émus."
"Folle audace ou béate inconscience ? II aura fallu une bonne dose de l’une et de l’autre pour entreprendre un film aussi périlleux. L’histo
"Folle audace ou béate inconscience ? II aura fallu une bonne dose de l’une et de l’autre pour entreprendre un film aussi périlleux. L’histoire du plus grand flop amoureux de tous les temps. Le manuel de l'anti-drague.
Un homme rencontre une femme paumée dans un hôtel au bord de la mer Rouge. Il lui propose sa chambre. Ils dormiront sans se toucher. Longtemps. Ils voyagent ensemble (le désert, le Nil, Alexandrie). Elle ignore son amour, le traite de con et d'emmerdeur quand il insiste. Pis : elle vit devant lui, se déshabille, prend sa douche, comme s’il n’existait pas. La victime de ce rejet s’en délecte, compliquée comme un personnage de Rohmer.
En principe, un tel film devrait faire fuir. Or Une femme en Afrique fascine. Le cinéma est si avare de confessions ! Depardon, épouvanté par la subjectivité du thème (la caméra se substitue à l’homme, jamais montré, pour doubler visuellement le « je » du commentaire), a demandé à François Weyergans d'écrire son texte. Mais l’impudeur reste, magnifique. Seuls les écrivains avouent ce plaisir de parler de soi, de mettre son cœur à nu. Après tant de reportages sur les autres, Depardon a craqué, il a choisi sa monteuse, Françoise Prenant, superbe androgyne, pour incarner la femme fatale, et il a cadré chaque plan avec son œil de photographe. Mais cette fois, il va bien au-delà de l'oeil. Il est devenu un auteur."
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