
Raymond Depardon : "J'ai filmé des policiers un peu racistes, infantiles et impuissants"
En 1982, Faits divers marque les débuts d'un Raymond Depardon portraitiste des institutions qui drainent et régiss1
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Les événements anodins ou tragiques de la vie quotidienne d'un commissariat de police à Paris : un appel pour viol, une querelle de famille, un vol...
Raymond Depardon filme la vie quotidienne du commissariat du Vème arrondissement de Paris. Sa caméra suit des petits groupes de policiers en uniforme, mobilisés par des événements anodins ou tragiques. Un appel pour viol, une tentative de suicide, une violente querelle de famille, un vol de portefeuille, une jeune fille qui a forcé sur les tranquillisants, une vieille dame à demi-folle délogée puis emmenée de force aux urgences...
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" Coup dur pour la fiction. Le film le plus excitant qu’il soit possible de voir à l’heure présente est un reportage. Circonstance aggravan
" Coup dur pour la fiction. Le film le plus excitant qu’il soit possible de voir à l’heure présente est un reportage. Circonstance aggravante : un reportage sur le moins "branché" des milieux, les flics d’un commissariat de quartier. Malgré ce handicap, Faits divers passionne. Quand il se termine, on en redemande. La vraie vie est là, pas simple et pas tranquille, mais tellement chaude. Plus chaude que les reconstitutions romanesques. Il y a un faux violeur, une authentique suicidée, des fous, des volés, des voleurs, des couples en bisbille et presque un raton laveur. Tous ces gens observés avec la distance juste, ni trop loin ni trop près.
C’est sans doute que Depardon aime les gens, lui qui donne l’impression, quand il est photographe (voir son superbe album Le Désert américain, paru aux éditions de l’Etoile), de ne goûter que le vide, l’absence, et de n’introduire l’humain dans l’image que par mégarde. Quand il filme, au contraire, il ne lâche pas les êtres. Au point qu’on croit, d’abord, que sa caméra va bouger comme une folle, à vouloir toujours suivre les personnages, selon une pente facile du cinéma-témoin. Crainte vaine. Très vite on perçoit les progrès accomplis depuis son Numéros zéro, où il contait la naissance du "Matin". Il sait varier les angles, se placer au meilleur endroit. Certains cadrages de Faits divers sont dignes du meilleur cinéma fictionnel. Avec ce plus : rien n’est inventé. Le sang qu’on voit sur l’écran ne provient pas d’un flacon d’hémoglobine.
En bon journaliste, Raymond Depardon savait que la réussite de son film risquait d’être le triomphe du voyeurisme. Or, au lieu de minimiser le problème, il a eu le courage de l’affronter bille en tête. Il ne cache pas (les regards à la caméra, les apartés pour le spectateur le prouvent) que sa présence, même discrète, modifie le comportement des personnes filmées. Loin de les freiner, quand elles veulent "jouer", il les laisse faire. C’est une autre façon de révéler leur vérité.
D’autre part, il assume l’obscénité de sa propre démarche. Dans l’impudeur, il faut savoir aller jusqu’au bout. D’autres auraient hésité à montrer les larmes du mari sanglotant près du cadavre de sa femme suicidée. Depardon ose, dans un panoramique superbe, monter les deux. Le corps abandonné sur le lit souillé, et les sanglots de l'homme. Nul ne connaît ces personnes, dont nous ne savons rien, et pourtant une telle image cause autant d’émoi que le plus fort des mélos.
Comme par ailleurs bien des scènes (en particulier la reconstitution d’un vol de portefeuille) sont à mourir de rire, Faits divers pourrait passer pour le plus racoleur des films. Or il s’agit du plus profond. Le premier à nous faire prendre conscience (dans la scène où des marginaux, dans une cave, croient que la caméra est un nouvel abus de pouvoir de la police) de ce secret bien gardé depuis l’origine du cinéma : toute caméra, par essence, est un flic."
" Faits divers, en resserrant l'angle de prise de vues, évite le pittoresque, l'anecdotique, révèle un monde ni enfer ni paradis, à l'oppo
" Faits divers, en resserrant l'angle de prise de vues, évite le pittoresque, l'anecdotique, révèle un monde ni enfer ni paradis, à l'opposé de toute littérature, serait-elle policière.
Car la police, les flics, sont le sujet, les héros consentants d'une aventure cinématographique sans équivalent à ce jour en France. Le cinéaste, qui est son propre opérateur et tient toujours la caméra à la main, a fréquenté pendant deux mois un commissariat du cinquième arrondissement, pour se faire d'abord accepter des intéressés et pouvoir ensuite tourner à sa guise, l’œil aux aguets, toujours sur le qui-vive, ne filmant jamais contre ni pour mais toujours, très étroitement, avec.
Le film ne serait que de l'admirable reportage, un procès-verbal de la journée du policier moyen, si la situation ne constituait déjà en elle-même un très fort élément de contradiction. Les policiers n'existent que par leur affrontement permanent avec l'imprévu, l'accidentel, le cocasse parfois, la douleur et le désespoir souvent. Chacun y reconnaîtra ces mille détails entrevus un jour ou l'autre au hasard d'un carrefour, d'un corridor (...).
En fin de compte, c'est une forme de fiction intimiste, infinitésimale, dépouillée de toutes les scories masquant d'ordinaire la réalité que nous propose Raymond Depardon. Aucun être n'est jamais totalement opaque ni vraiment transparent. Le réalisateur fait simultanément œuvre de clinicien et de moraliste, il oblige aussi à repenser les fictions traditionnelles."
" Photographe de formation, réalisateurde films-documents exceptionnels, Raymond Depardon n’a pas l’habitude de tricher avec sa caméra scal
" Photographe de formation, réalisateurde films-documents exceptionnels, Raymond Depardon n’a pas l’habitude de tricher avec sa caméra scalpel. Pendant plusieurs mois, il a marché dans les pas des policiers du commissariat du Vème arrondissement de Paris. Il a surpris les mauvais côtés légendaires de la police. Et il les montre.
Pourtant, Faits divers contribue à redorer le blason de la police. La recherche et le respect de la vérité y font voler en éclats bien des idées reçues. Depardon regarde en voyeur mais c’est aussi un regard froid, desengagé, objectif : il peut se laisser surprendre.
(...) Pris par l’émotion qui se dégage de cette cohorte de mini-drames quotidiens (dignes des thrillers et des meilleurs films de fiction), Depardon a fait basculer son film. L’image des policiers enferrés dans leur travail de routine et leurs « BA » quotidiennes s’efface.
Et c’est la ville qui se lève : Paris "capitale de la douleur" traversée de fièvre et de fureur parce qu’habitée par ces nouveaux pauvres que sont les malades du cœur, les sans-espoir, tous ces gens en quête d’affection qui ne connaissent que la détresse de la solitude. Paris pas romantique pour un sou, Paris méconnu, qui vous tire les larmes du corps.
Depardon ne se laisse pas conduire passivement par les événements et les images. Simplement sa sensibilité attentive - ce qu’on appelle le cœur - fait loi. Et il en faut au cœur pour oser remettre en cause un projet initial, et se laver le regard : d’un film sur les gens de pouvoir que sont les policiers, il a fait un film sur l’échec et la mort. Baroudeur actif et fonceur, Raymond Depardon sait prendre le temps d’éouter et de voir."
" Il existe chez nous une tradition d’hostilité envers la police qui semblait interdire, jusqu’ici, qu’un cinéaste qui ne soit pas un simp
" Il existe chez nous une tradition d’hostilité envers la police qui semblait interdire, jusqu’ici, qu’un cinéaste qui ne soit pas un simple beni-oui-oui ait le culot de mettre en scène des flics dans l’exercice quotidien de leur métier, sans passion aucune, sans volonté de dérision et avec le maximum d’honnêteté. On croyait que les Américains étaient les seuls à pouvoir assumer une telle attitude et l’on n’imaginait pas qu’un Français puisse suivre l’exemple du documentaliste Fred Wiseman dont on admirait les efforts d’objectivité et la faculté de dépassionner ce qui se prête à toutes les outrances dramatiques. (...) Raymond Depardon ne travaille pas dans le sensationnel, ni dans le rassurant.
S’il y a des moments qui approchent de la folie lyrique dans son film, c’est que la vie quotidienne a sa folie, et son lyrisme. Si l’on y trouve des intermèdes assez souriants pour nous rappeler le théâtre de boulevard (l’épisode du viol prétendu ou celui de la dame un peu snob mécontente de son bougnat), c’est que le boulevard se trouve souvent sur le boulevard et pas seulement au théâtre."
" Sans commentaire, sans jugement, Depardon laisse défiler devant l'oeil froid de la caméra la douleur des petites gens. Le bureau des plai
" Sans commentaire, sans jugement, Depardon laisse défiler devant l'oeil froid de la caméra la douleur des petites gens. Le bureau des plaintes résonne du crépitement des machines à écrire ; en plusieurs exemplaires sont enregistrées toutes les misères de notre société. On cherche un suspect ; il n'y a que des gens noyés dans leur malheur, des paumés, des couples qui se déchirent, des suicidés. Une toute vieille agressée par un drogué pleure sur le trottoir : « Je suis malheureuse pour lui. Je voudrais qu'il aille mieux, je voudrais qu'il guérisse, je voudrais qu'il soit heureux.» Où sont les victimes ? Qui est coupable ?
Sans jamais verser dans l'exhibitionnisme, la crudité des images, les non-dit de cet extrême réalisme exhalent l'odeur dérangeante de la détresse humaine. Ici, il n'y a ni flics de choc ni matraqueurs assermentés ; sous l'uniforme amidonné de la loi se devinent des hommes aux gestes maladroits, aux propos parfois déplacés ou choquants, au regard souvent impuissant. Ils sont confrontés à des problèmes qui relèvent davantage des assistantes sociales, et eux n'ont jamais été formés à ce métier-là. Ce poignant documentaire en témoigne, la police, enclave symbolique de l'ordre dans la cité, est en réalité une zone tampon où viennent échouer tous ces drames humains qui ne peuvent laisser personne insensible."
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