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Avant 12 jours, les personnes hospitalisées en psychiatrie sans leur consentement sont présentées en audience. Entre le patient et le juge un dialogue naît...
Avant 12 jours, les personnes hospitalisées en psychiatrie sans leur consentement sont présentées en audience. D’un côté un juge, de l’autre un patient. Entre eux naît un dialogue sur le sens du mot liberté et de la vie. Après "San Clemente" et "Urgences", Raymond Depardon explore une nouvelle fois les méandres de l'institution psychiatrique en s'intéressant cette fois à la partie judiciaire.
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" Des blocs de mal-être… L’une n’a plus goût en la vie, ne veut plus se battre pour le retrouver, pourquoi ne la laisse-t-on pas se suicide
" Des blocs de mal-être… L’une n’a plus goût en la vie, ne veut plus se battre pour le retrouver, pourquoi ne la laisse-t-on pas se suicider ? Une autre, salariée d’Orange, raconte le harcèlement au travail, la décision de son employeur de l’hospitaliser et la violence subie lorsque douze personnes l’ont entourée pour la contenir et l’attacher. Fébrile, assailli par l’angoisse que ses voisins soient des djihadistes, un troisième gémit : « J’ai la folie d’un être humain. » Un autre encore veut qu’on rassure son père alors qu’il l’a tué dix ans auparavant… Autant de cas différents, du burn-out à la schizophrénie. Autant de patients, hospitalisés sans consentement, en psychiatrie.
Douze jours : en vertu d’une loi de septembre 2013, c’est le délai maximal au terme duquel les patients sont présentés devant un juge des libertés et de la détention qui doit décider de prolonger ou non l’hospitalisation. Ce sont ces audiences, dans un bureau ordinaire, que Raymond Depardon a filmées, à l’hôpital psychiatrique du Vinatier, à Lyon. Abordée dans San Clemente et Urgences, la folie croise ici un autre sujet cher au cinéaste : le fonctionnement judiciaire (Délits flagrants ; 10e Chambre. Instants d’audience). Hormis quelques intermèdes, dans le parc, la cour ou les couloirs de l’établissement, il se concentre, une fois encore, sur la parole, l’échange, l’écoute, avec ce souci de respect et d’empathie qu’on lui connaît. Certes, le premier plan — un travelling avant exagérément lent dans un couloir désert, soutenu par un son grave — n’est pas très heureux. Il instaure une menace artificielle et contredit le reste du film : un face-à-face humain, sur la détresse extrême, entre un patient et un magistrat, placés à égalité dans des champs-contrechamps plein cadre. Les juges, parfois un peu hautains dans leur façon de parler, sont bienveillants la plupart du temps. Attentifs, posant de bonnes questions, essayant d’évaluer, en s’appuyant sur le rapport du psychiatre, si la liberté est envisageable. Les patients, dont beaucoup veulent sortir, paraissent un peu hébétés par les médicaments. Mais ce qui leur reste de force saisit. A travers leurs délires, plaintes ou sarcasmes, transparaît une forme de lucidité aussi terrible qu’extraordinaire. Leurs propos nous touchent car ils sont le reflet évident des maux de notre société. Et de nos vulnérabilités.
Les dialogues peuvent se révéler cocasses, émaillés de lapsus, de malentendus, d’incompréhension réciproque. Une forme de théâtre de l’absurde émerge alors, une autre logique de pensée, de langage. Ces patients détiendraient-ils une vérité, comme peut le laisser croire la citation de Michel Foucault placée en exergue du film, « De l’homme à l’homme vrai, le chemin passe par l’homme fou » ? Peut-être, mais c’est moins leur particularité que leur proximité avec nous qui rend leur abîme de souffrance si poignant."
" On entre dans le film par un long et patient travelling avant, dans un couloir neutre de l’hôpital psychiatrique du Vinatier, dans la rég
" On entre dans le film par un long et patient travelling avant, dans un couloir neutre de l’hôpital psychiatrique du Vinatier, dans la région lyonnaise. Les portes sont closes, la lumière basse, on perçoit la légère vibration des néons et le bruit du silence ouaté. L’imaginaire s’ébranle, on repasse la filmographie bien connue sur l’enfermement hospitalier : Titicut Follies (Wiseman), Shock Corridor (Fuller), Vol au-dessus d’un nid de coucou (Forman)… Une citation de Michel Foucault, en ouverture, avait préalablement inscrit le film dans une généalogie de regards critiques sur l’enfermement des « fous », d’un rapport de défiance à l’institution et de combats politiques contre l’exclusion. Pourtant, la fiction est loin, et le film, par la simplicité et la force de son dispositif, fait naître des sentiments plus complexes que prévu à l’égard de ceux qui nous sont présentés.(...)
Ce qui marque, dès les premiers instants de ces face-à-face, c’est la profonde différence dans l’accès au langage entre les patients d’un côté, les juges de l’autre. La procédure, extrêmement formalisée, conduit les juges à dérouler un langage médico-légal qui a autant pour objet de qualifier précisément les comportements, que pour effet d’instaurer une immédiate barrière et de supprimer toute personnalisation des échanges. Pour un patient qui souffre de « comportement hétéro-agressif », sous l’effet probable d’une « poly-addiction », « la prévention de récidive de passage à l’acte » passe ainsi par une « curatelle renforcée » et la déclaration du juge de la « conformité de l’avis médical » (autrement dit : le maintien en détention). Face à eux, les internés sont balbutiants, assommés de médicaments pour certains, dépourvus d’éducation pour d’autres : leur parole est incohérente, saccadée, décousue. On reste suspendu à leurs lèvres, dans l’espoir d’un discours structuré comme vecteur d’une libération.
L’effet de répétition qu’offre le mouvement du film permet de renforcer l’invocation initiale au structuralisme foucaldien comme grille d’analyse : le rouleau compresseur de la raison médicale, l’insatiable travail de distinction, de labellisation et de classement qu’elle opère, conduit à un sentiment plus sourd d’enfermement que celui de l’internement physique – celui d’une profonde incapacité du patient à défendre sa place. À la violence des internés (de leur comportement pour certains, de leurs émotions pour d’autres) s’oppose une contre violence qui est celle de leur passage forcé dans la grille de la normalisation langagière.
Pour autant, le film n’est pas qu’une mise en opposition de deux rapports au langage. Il y a l’évident apport de l’image, par l’usage du plan américain sur les patients, la mise en chair qu’il offre et qui donne la possibilité de découvrir autant de portraits d’hommes et de femmes bien vivants, en résistance. Là où le plan serré et l’expression difficile de Ben Sadfie dans Good Time créait un malaise immédiat, le cadrage de Depardon neutralise la difficulté langagière et invite à regarder les malades patiemment, avec humanité. Si 12 jours documente évidemment aussi la misère sociale des marges de notre société et la profonde solitude de certains, il nous place également face à la découverte de corps et d’esprits qui luttent pour retrouver une autonomie dans la « norme ». Chaque patient est un mystère : quelle histoire derrière ce visage ? Quelle douleur derrière ce regard ? Bien plus, 12 jours décrit aussi l’humanité des juges, qui, loin des figures tortionnaires véhiculées par la tradition cinématographique, semblent patients, bienveillants et soucieux de saisir la complexité des situations. En nous renseignant progressivement sur le passé des patients (l’un a agressé sans raison un piéton, l’autre a tué son père), ils font naître des dilemmes très politiques : notre empathie naturelle envers ces patients est-elle socialement soutenable ? Et si, au fond, ce dispositif était justifié ?"
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