" Un grand film d'aventures entre Ford et Corto Maltese, version Sharunas Bartas. Scénario tenant en deux lignes, plans intensément contemplatifs, personnages minéraux : c'est Freedom, un brûlant chant du monde où cinéma et cinéaste finissent consumés par l'appel du désert. On se souvient tous de ces jeux d'enfants où, avec deux ou trois accessoires très prosaïques, on imaginait les aventures les plus palpitantes et les plus exotiques.
Sharunas Bartas procède un peu de la même façon. Dans Freedom, il lui suffit d'un embryon de récit, de deux ou trois personnages à peine esquissés, de quelques bateaux et d'une jeep de police, d'une tente de Bédouins, et quand même, reconnaissons que ça aide, de l'immensité splendide du Maroc, pour faire naître un film à trois francs six sous, où passent le souffle épique de l'aventure, les fantômes romanesques des grandes fictions de notre enfance (...)
La mystique du désert, Bartas n'en fait pas un discours ni une virée touristique, il la vit et, accompagnant ses figures et son film, finit avec eux consumé et dévoré par la lumière et les paysages du Sahara, comme il l'était avant par les frimas de la Lituanie.
Freedom est une expérience physique, une sorte de caisson sensoriel qui nous coupe un temps de l'agitation ambiante. A moins que ce ne soit le contraire, que l'urbanité contemporaine, la net-époque et l'ultralibéralisme ne soient en train de déconnecter l'homme des réalités de sa planète et de l'isoler au milieu de multiples "écrans" factices : dans cette hypothèse, le film de Bartas ne nous isole pas, mais au contraire nous rend le monde."
Serge Kaganski