
René Féret : Une forme de désobéissance
VIDEO | 2015, 14' | Auteur d'une oeuvre rare et sensible, René Féret a disparu à l'âge de 69 ans en avril 2015. A1
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Paul a voulu se suicider. Avec lui, nous entrons à l'intérieur d'un asile psychiatrique. Avec lui, nous découvrons les soins. A travers ses yeux, quelle folie ?
Un jeune homme arrive dans un hôpital psychiatrique à la suite d’une tentative de suicide. Nous voilà d'emblée, avec lui, à l’intérieur des murs. Nous découvrons par ses yeux les lois et les mécanismes de l'asile, le quotidien, les compagnons et les méthodes de soin. Et le clivage entre chacun, entre chaque regard. Mais sur quelle folie ? L' "Histoire de Paul" ou comment Paul est condamné à ne plus jamais avoir d’histoire. Le premier film de René Féret ("Baptême"), défendu à sa sortie par Michel Foucault.
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" Au sortir du film, on vacille. Nos gestes prennent la minutie maniaque des « pensionnaires » de l'hôpital psychiatrique faisant leur lit
" Au sortir du film, on vacille. Nos gestes prennent la minutie maniaque des « pensionnaires » de l'hôpital psychiatrique faisant leur lit ou lavant les murs avec une éponge. Et si on va manger un morceau, on avale avec précaution et fougue, comme le font Paul et ses compagnons. Disons, par là, que ce film n'est pas un divertissement innocent et que notre cohabitation de 80 minutes avec les amis de Paul, présents eux depuis des années à l' « asile », nous rapproche d'eux, au niveau du comportement. Oui, l'univers de l'hôpital psychiatrique a sa propre fonction : ses murs créent la « folie ».
On le sait déjà. Mais combien l'ont-ils ressenti ? L'intérêt de ce film est justement de nous atteindre, de nous poursuivre, dans la rue, au café, chez nous, avec la contamination de cet univers menaçant et que les murs et leurs constructeurs ont rendu menaçants. C'est là qu'intervient l'aspect subversif et même « inquisiteur » (posant avec absence de pitié des questions dérangeantes) du film : il ne bâtit pas de théorie, ne construit pas une « histoire » - malgré le titre -, comme dans Family life, auquel il ressemble bien peu dans la manière de dire des choses parallèles. Il nous « happe» nous imbibe durant 80 minutes, avec ces journées et ces nuits d'hôpital psychiatrique qui ne sont pas prêtes à lâcher notre imagination, notre mémoire inquiète.
Ce n'est ni un « document », puisque le générique annonce : « Histoire de Paul » avec..., suit le nom des « acteurs », et encore moins une fiction, puisque nous oublions, à de rares moments prêts, notamment dans le « numéro » d'un psychotique à propos de l'arrivée de Paul dans une nouvelle salle, que tout cela est joué.
C'est autre chose : la récréation d'une réalité. Celle, probablement, de l'univers subjectif de Paul. Nous sommes progressivement, Paul, (nouveau pensionnaire qui a raté son suicide) et comme lui pénétrons dans les rites, les manières de cette franc-maçonnerie que constituent les pensionnaires d'une salle commune d'hôpital psychiatrique » géré par l'Etat, aujourd'hui en France.
Nous sommes longtemps habités par les bruits qui marquent la vie de l' « asile » : un univers sonore différent, dans des bâtiments faits de carrelage et de carreaux de faïence. Ce sont déjà des sons anormaux, ceux des pensionnats, des prisons : les pas, les radios, les rires, les éclats, les bruits de la mangeaille, le métal de la marmite contre le plastique de la table... On n'oublie guère les tas de draps sales, les lits que l'on fait avec trop de soin. Tout comme les autres rituels, le plus envahissant étant celui de la bouffe. Manger apaise et rassérène : la fonction digestive rétablit un équilibre provisoire du corps. Le cinéaste gomme volontairement tout ce qui concerne la défécation ou le sexe (masturbation).
On ne sort pas, apparemment, de cet hôpital : un garçon boucher est supposé « guérir », mais les pensionnaires rigolent, ils savent qu'il va revenir. Et il revient. Les autres sont là depuis cinq ou dix ans parfois. On a la sensation que Paul va rester dans cette salle où vit cette micro-société, abrutie de médicaments, qui accepte ses mouvements : on discute, on joue aux cartes. On rigole, on se critique et on pique des colères. Avec toujours en arrière-plan des infirmiers présents, silencieux, inertes, entrant parfois dans la complicité du groupe pour rigoler d'un malade. Quant au médecin-chef, c'est un pantin paternaliste, un juge, parfois caricatural, tel que le voit Paul.
René Feret, le cinéaste, et son équipe d'acteurs ont réalisé un film trop intense, trop fort pour que l'on « discourt » à son propos. Soyez Paul pendant une heure vingt. Et vous comprendrez ce que cela signifie."
" Pour le Paul d' Histoire de Paul, c'est tout qui bascule, et pas seulement le Jardin du rêve. A basculé, plutôt, puisque nous ne faiso
" Pour le Paul d' Histoire de Paul, c'est tout qui bascule, et pas seulement le Jardin du rêve. A basculé, plutôt, puisque nous ne faisons la connaissance de Paul qu'après son drame. Il a essayé de se tuer. Ne se trouvant plus de raisons de vivre, il a basculé dans la « déraison » qui consiste à vouloir mourir. Ne plus se trouver de raisons de vivre la vie que les autres vous font vivre, c'est condamner cette vie-là. Le suicidaire dérange. Parce que (cela tombe sous le bon sens) il est dérangé. Donc on le range. C'est-à-dire qu'on l'enferme. Solution commode et qui rassure. Voilà le dérangé hors d'état de nuire à l'ordre des raisonnables — des rangés — et à leur assurance.
René Féret se tait sur les causes. Rien sur ce qui a fait de Paul ce garçon inerte, coupé de tout, réfugié (emmuré) dans le silence et l'immobilité d'un refus total. Rien sur ses (dé)raisons de mourir. A la différence d'un film comme Famity Life, la vie d'avant n'est pas évoquée. A peine si parvient jusqu'à nous un appel angoissé, chagriné, désespéré, las, qui s'enfonce dans le silence de Paul comme dans un brouillard ; si interviennent des souvenirs de rumeurs impuissantes, et la fascination d'une surface d'eau mouvante sur la signification de laquelle il n'est pas besoin d'avoir lu Bachelard pour se faire une idée.
René Féret ne s'interroge pas non plus sur la psychiatrie actuelle. Ni documentaire ni réquisitoire social, Histoire de Paul nous informe en nous demandant de partager une expérience individuelle. C'est cette expérience que Féret reconstitue dramatiquement : avec des comédiens et dans un décor représentant le huis clos d'une chambrée d'hôpital. Il la raconte en noir et blanc. Plus exactement : sur une durée qui s'étend depuis l'entrée de Paul à l'hôpital jusqu'à l'amorce d'une guérison possible. Féret échelonne les impressions que, par sympathie pour Paul, nous ressentons à la place de Paul — qui ne sont peut-être plus rien. Cette certitude de culpabilité profonde éprouvée à son niveau le plus puéril (être ou ne pas être « sage ») ; cette peur d'autrui qui enferme dans un isolement farouche.
Féret a réussi : Paul nous est fraternel. Nous nous découvrons tous vulnérables. Pour beaucoup de gens, la vie d'aujourd'hui rend difficile le maintien de leurs raisons de vivre."
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