" Ici et Là-bas est une nouvelle proposition, délicate et attachante, dans un registre intimiste et quasi documentaire. Ici, pas de frontière physique, pas de barbelés et de minutemen fachos. Pedro en a terminé avec tout cela quand il rentre chez lui, dans les montagnes du Guerrero, après plusieurs années passées à New York.
Comme il n’est ni artiste plasticien ni génie de la haute couture, le film laisse le soin d’imaginer quelle fut son existence de bête de somme là-bas. Or une nouvelle épreuve l’attend. Reconstruire un foyer que son absence, via l’envoi de mandats, a permis de mettre à l’abri de la misère, mais au sein duquel il est devenu un étranger (...) Pour Antonio Méndez Esparza, l’enjeu de ce premier long métrage tient dans la combinaison de deux exigences. En premier lieu, un travail documentaire mené pendant plusieurs années sur des habitants du sud du Mexique, avec lequel il a nourri le film. A intervalles réguliers, il fait intervenir des personnages dont on n’a aucun mal à croire qu’ils ne jouent aucun rôle autre que le leur. L’inconsolable femme qui a perdu son fils, mort en exil, la vieille dame qui prépare ses obsèques comme on fait la liste des commissions, les jeunes du village qui, à l’âge où on tombe amoureux, se méfient de leurs sentiments parce qu’ils savent qu’eux aussi rejoindront ce «là-bas», sans savoir quand et s’ils en reviendront.
L’autre contrainte que le film s’est imposée repose sur sa part de fiction qui, à petites touches impressionnistes, évoque la fragilité extrême de la notion de quiétude. Chaque imprévu, chaque trébuchement, est susceptible de faire voler en éclats cette illusion d’un bonheur aussi dérisoire que chèrement acquis. Comme la naissance d’un enfant prématuré qui replonge la petite famille dans d’inextricables ennuis d’argent ou comme cet orchestre du dimanche que ses membres - ouvriers, paysans ou maçons - doivent abandonner pour ne pas sacrifier une heure de leur exorbitant temps de travail..."
Bruno Icher