Mehdi Ben Attia, qui collabora à l'écriture de certains films d'André Téchiné, a décidément d'incroyables idées de mise en scène. Son premier long-métrage, Le Fil, réalisé en 2010, imaginait qu'un fil empêtrait un personnage d'homosexuel scellant son secret.
Aujourd'hui, il imagine de décrire le malaise de l'identité maghrébine en s'inspirant lointainement du Vertigo d'Alfred Hitchcock et sans doute plus directement de Hélas pour moi de Jean-Luc Godard, adapté du mythe d'Amphitryon, où Gérard Depardieu incarne à la fois un mari absent quelques jours et un dieu convoitant sa femme, qui le remplace subrepticement. Reconnaissons qu'un tel lignage ne manque ni d'ambition ni de cachet, mais aussi qu'il est terriblement "casse-gueule".
L'histoire est donc la suivante : Yacine, jeune étudiant ambitieux qui suit des études supérieures en même temps qu'il gagne sa vie comme coursier, vit chichement à Paris avec son jeune frère, en se tenant éloigné d'un père irresponsable. Il gagne un jour l'amitié de Richard, son professeur de philosophie politique, un homme introduit dans les réseaux du pouvoir, qui lui promet de faire démarrer sa carrière en lui décrochant un stage à l'Elysée, avant de mourir subitement d'un anévrisme.
C'est là que l'histoire se complique. Car Richard, faut-il comprendre, survit sous les traits de Yacine, dans la peau d'un étudiant arabe. La transition est abrupte, menée sans nul recours au fantastique, de telle sorte que le spectateur pourrait aussi bien croire que le personnage de Yacine est devenu fou.
Mais le film va plus loin : s'apercevant qu'il ne lui sert à rien de prétendre à sa véritable identité, Richard (sous les traits de Yacine donc) joue à être Yacine et conquiert notamment sa propre femme. Cette complexité rhétorique suffit à épuiser le film...
Jacques Mandelbaum, 06/08/2013