A l'automne 1975, le régime franquiste jette ses derniers feux et, à Biarritz, un doux ornithologue américain a débarqué pour observer les oiseaux, longeant la frontière franco-espagnole... Mais les services secrets trouvent l'homme étrange et ses rencontres de hasard un peu trop calculées...
La force du film, à la fois séducteur et troublant, vient du maniement du temps, trois jours de la vie d’un homme et, dans l’éclair d’une image retrouvée, un saut vers un passé lointain. Très vite, à travers le parcours des trois personnages, se fait jour dans sa complexité, ses apparences trompeuses, ses soubresauts, ses conflits, toute une réalité sociale. La haute société franquiste - ses notables, ses invités étrangers, ce Mitch américain fasciné par les armes, la police et ses contradictions, la résistance basque et les siennes - est saisie comme en un instantané, en pleine préparation d’une partie de chasse aux palombes. Dans une construction en mosaïque, s’entrelacent les lignes d’un thriller noir et les démarches d’un ornithologue, qui donnent unité et ordre au foisonnement des antithèses, des symboles et assonances du récit. La plus significative est celle de l’oiseau migrateur programmé pour revenir à son point d’origine. La plus fertile, celle de la chasse aux palombes, aubaine des chasseurs inexpérimentés et miroir à peine déformant du grand massacre des innocents à Guernica. La plus troublante, celle qui révèle l’usage pervers qu’on peut faire des instruments d’observations, bons à piéger plus gros gibier que les oiseaux. Mais l’usage de symboles est à risque : celui de l’abstraction et du didactisme est totalement évité ici, par la minutie, l’exactitude avec lesquelles Auer suit les longues marches nocturnes au flanc des montagnes, les gestes délicats de Charles défaisant le linge qui enveloppe un petit cadavre gelé d’oiseau bagué, le phalarope de Wilson. Quand il compare les gestes d’oiseaux aux noms cocasses à ceux de leurs jumeaux humains, le gypaète cruel à la gueule de Ricardo, on pense aux photomontages des caricaturistes allemands des années 30, mais la touche reste allusive et légère. Insensiblement les à-coups et les motifs du thriller ont laissé la place au lent mouvement de flux et reflux des souvenirs qui affleurent. Quand une image de statue et trois silhouettes d’avions rendent à Charles la terreur de ses trois ans, c’est son identité perdue qu’il se réapproprie et avec elle, la claire conscience du camp à choisir. Avec la même soudaineté, par l’intermédiaire d’un nom, Guernica, et d’une date, 1937, nous est rendu le souvenir, peut-être assoupi, d’une catastrophe qui préludait à la grande guerre mondiale.
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