Le Choix des armes a été écrit par Alain Corneau et Michel Grisolla auteur lui-même de romans policiers forts originaux (...) A s'en tenir là, on se retrouverait du côté de chez Melville et Giovanni : amitié virile, truands contre flics, fatalité sociale. Mais, d'une part, malgré ces références, le scénario n'est pas écrit d'une façon conventionnelle, d'autre part, la mise en scène de Corneau, tout en assumant les codes du roman policier français, les renouvelle par une pure et magistrale étude de comportement dans un environnement social moderne, et par des ellipses du récit (le montage est remarquable) éliminant, dans une action où la violence fulgure, tout ce qui n'est pas nécessaire à sa logique interne, aux rapports de force entre les personnages.
En fait, le film oppose deux générations de truands et policiers (...) Noël sort de sa retraite pour protéger sa femme Nicole (les liens profonds unissant ce couple, à la vie à la mort, sont admirablement suggérés dans la première séquence, où apparaissent Yves Montand et Catherine Deneuve), et sa longue traque de Mickey le Dingue le met en face d'une réalité qui est le véritable " fatum " de cette tragédie des malentendus. Mickey est un produit de la délinquance né dans le pourrissoir des cités-dortoirs. La banlieue où s'agitait le paumé, le perdant de Série noire reparaît dans son délabrement sinistre, son atmosphère de malchance, son conditionnement pesant, tout ce qui fascine jusqu'au malaise le réalisateur. Au monde harmonieux, clos et " poétique " du haras se substituent les pavillons lugubres, les petites rues sans Joie, les terrains vagues et les H.L.M. lépreuses.
Corneau donne une vision hallucinante à force d'intimisme du logement où Dany, le camarade d'enfance de Mickey, vît avec ses trois gosses, et sa femme hébétée devant un métier à tapisserie.
A parcourir les lieux où Mickey a passé sa jeunesse, Noël comprend que ce voyou est un être humain comme lui, destiné à perdre la partie et auquel il faut laisser sa chance. Antipathique en diable au début, le tueur cinglé devient pitoyable et faible. Le génie - le mot n'est pas trop fort - de Gérard Depardieu ajoute à cet éclairage du personnage par la mise en scène. Le comédien à, certes, le physique et les manières d'un loubard. Il dépasse cette définition extérieure. Il s'arrache du cœur et des tripes la vérité de Mickey, perd pied, tout d'un coup (la scène est stupéfiante), devant la gérante robuste et forte en gueule d'une station-service, qui, sans avoir peur de lui, crache son mépris et sa haine des voyous, le revolver sous le nez ; de Mickey pleurant sur une poubelle son amour paternel repoussé ; de Mickey racontant à Nicole, son otage dont la compréhension l'apprivoise, sa vie foutue (...)
Corneau avait déjà trouvé son univers cinématographique. Maris le style du Choix des armes est d'une maîtrise absolue dans ce " genre policier " que le réalisateur affectionne. Qui d'autre que lui pourrait faire passer, d'une façon aussi simple et aussi bouleversante, la scène finale (transfert d'amour cette fois), construite sur une situation mélodramatique ?
La direction d'acteurs est prodigieuse. Yves Montand, qui fut l'interprète de Corneau dans Police Python 357 et la Menace, joue, à fleur de peau, l'inquiétude d'un homme vieilli, menacé dans son bonheur, froidement décidé puis chancelant dans ses certitudes, et brisé par le malheur. Catherine Deneuve est superbe dans ses silences, son énergie vitale, sa fidélité amoureuse. Le plus étonnant peut-être est que, dans ce film à vedettes - et quelles vedettes ! - il n'y a pas de vedettariat mais un travail d'équipe en quelque sorte affectif. Michel Galabru, Christian Marquand, Jean-Claude Dauphin (débarrassé de son romantisme), Richard Anconina, entre autres, sont excellents dans les seconds rôles. La direction photo de Pierre-William Glenn, la musique de Philippe Sarde, sont en accord parfait avec la conception et la réalisation du film. On n'a pas si souvent l'occasion de s'enthousiasmer..."