Tout en nous promenant dans les salles de Pachinko, dans les stands d'entraînement de golf, dans les cimetières où les enfants jouent au base-ball et des squares où des adolescents dansent le rock, l'auteur de "Paris, Texas" parle du réalisateur japonais Yasujiro Ozu, célébré pour "Voyage à Tokyo" et "Le Goût du saké". Un documentaire qui est aussi le récit intime d'un questionnement sur ce qui unit les cinéastes dans l'ombre secrète de leurs images. La voix de Wenders (qui parle ici en français) se fait guide pour ce voyage au Japon (les personnes rencontrées parlent, elles, leur propre langue et leurs propos sont sous-titrés) où plane le souvenir des Maîtres disparus, tel l'Américain Nicholas Ray, filmé quelques années auparavant ("Nick's Movie").
" Wim Wenders part à Tokyo à la recherche
du souvenir d'Ozu. Il faut d'abord franchir la barrière du Tokyo moderne.
Voici Tokyo de nuit ; spectacle impressionnant, encore qu'il ne soit
pas besoin d'être Wim Wenders pour nous le rendre sensible. Certaines
images sont pourtant inoubliables, tel le ballet de la circulation avec
les feux des véhicules courant dans tous les sens, à tous les niveaux,
traversés tout en haut par la magnifique flèche blanche d'un train
qui file tout droit. Autre aspect riche de signification : les « pachinkos
» centres d'entraînement au golf ; le cadre naturel du golf a disparu,
les joueurs sont alignés en rang, tous en même temps en un rythme
serré envoient leur balle. Aucune place pour un geste gratuit. Même
situation dans les salles de jeux ; un enfer.
Enfer peut-être, mais dans la description
qu'en fait Wenders perce une pointe d'humour quand il montre la fabrication
des simulacres de nourriture : on répand de la gélatine liquide sur
la vraie nourriture puis les moules ainsi obtenus sont remplis d'une
cire peinte aux couleurs appropriées. L'effet est saisissant.
Enfin, après le bruit et la fureur,
les faux-semblants, on retrouve Ozu. C'est comme une réalité immanente
qui s'impose à nous. Les choses sont. Wenders interroge les vieux collaborateurs
d'Ozu qui survivent encore et tout reprend une dimension humaine avec
ce cinéaste à l'écoute de l'homme, de chaque être individuel, cherchant
à capter ce qu'il peut avoir d'irréductible.
L'acteur Chishu Ryu a tourné dans presque
tous ses films, il raconte qu'Ozu se contentait en général de deux
ou trois répétitions mais il lui est arrivé d'aller jusqu'à vingt,
se contentant de dire à Ryu « Aujourd'hui ce n'est pas votre jour,
Ryu », ou « Cherchez-vous à me mettre à l'épreuve ? ». Le caméraman
Fuaru Atsuka s'honore d'être probablement le seul caméraman au monde
à avoir passé autant de temps avec un metteur en scène : « Un jour
qu'Ozu me demandait : avez-vous une fiancée, je lui répondis : oui,
elle a trois jambes et je la porte sur mon dos ! » (sans compter son
inséparable natte car il devait travailler à plat ventre, étant donné
les habitudes bien connues d'Ozu quant au niveau des prises de vue auxquelles
il tenait autant qu'à l'usage de l'objectif 50 mm).
La tombe d'Ozu porte seulement un signe
chinois ancien qui signifie : le vide, rien."
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