" A quoi cela tient-il, au cinéma, un visage qui ne s'oublie pas ? Parfois, la beauté fulgurante d'un acteur ou d'une actrice peut suffire. Dans d'autres cas, c'est tout à la fois le jeu de l'acteur et la manière dont il est filmé qui imprime notre cerveau. Dans le cas de Nermina Lukac – ne cherchez pas, vous n'en avez jamais entendu parler –, qui interprète le rôle de Rasa Abdulahovic dans Eat, Sleep, Die, c'est tout autre chose. Il faudrait évoquer dans son cas une manière bouleversante de se donner au cadre, un sens inné d'être humaine, une sorte d'état de grâce, tout simplement.(...)A quoi tient l'attachement pour un film assez banal du point de vue de la mise en scène et du filmage ? A l'épaisseur documentaire ? Certainement. Quand Nermina Lukac emballe des salades, il y a chez elle une authenticité qui ne trompe pas. Mais l'explication n'est pas suffisante. Il faut aller plus loin pour finalement s'apercevoir qu'un mot éclaire ce film : la générosité.
Rien n'est plus injuste que ce qui arrive à cette jeune fille. Chômeuse parmi tant d'autres, elle en devient universelle à force d'humanité. Sa perte de confiance en elle est celle de tous les chômeurs. Sa déprime est la leur. Mieux encore : quand elle sourit, nous sourions pour elle. Et quand, enfin, elle est heureuse, nous voilà soulagés.
C'est du cinéma, et c'est la vie, quelque part dans la Suède rurale de 2013. Une jeune fille et son père à la santé fragile. Là-bas comme ici, il ne fait pas bon venir d'ailleurs. Rasa a beau être suédoise, c'est elle qui sera désignée pour être licenciée alors même qu'elle est une ouvrière modèle.
Gabriela Pichler, dont c'est le premier long-métrage de fiction, se garde bien de dénoncer. Avec ses acteurs – pour la première fois confrontés à une caméra et qui, visiblement, semblent très concernés par le rôle qu'ils interprètent –, elle se contente d'observer une Suède en décalage complet avec l'image de modèle qui a fait sa réputation. Qu'un autre monde soit possible n'est guère la préoccupation de Rasa. Sa force, sa dignité, elle les met au service d'un seul objectif : s'en sortir et par là même, rassurer son père. "Manger, dormir et mourir, c'est ça la vie ?", demande-t-elle. Son visage dit tout le contraire. Rasa veut vivre. Vivre pour vivre, tout simplement."
Franck Nouchi
Très bon film dans le style des films de Ken Loach. Que ce soit en Angleterre, en France ou en Suède, le passage par Pôle emploi et autres institutio1
Lire la suite