Otar Iosseliani : " Sans optimisme, on ne fait rien"
VIDEO | 2016, 19' | Venu de Géorgie après s'être heurté à la censure soviétique, Otar Iosseliani n'est pas homme à1
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Deux vieilles dames vivent en autarcie dans un château, informées des catastrophes du monde par la radio. Le décès de l’une d’elles va éveiller les convoitises.
Deux vieilles dames vivent en autarcie dans le vieux château de famille, informées des catastrophes du monde par la radio. Le décès de l’une d’entre elles va éveiller la convoitise des uns et des autres, notamment celle d’une horde de curieux promoteurs japonais...
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" Depuis La Chute des feuilles, son premier long métrage tourné en 1966, le Géorgien Otar Iosseliani a toujo
" Depuis La Chute des feuilles, son premier long métrage tourné en 1966, le Géorgien Otar Iosseliani a toujours pratiqué un cinéma impressionniste, pointilliste, où les lieux se teintaient de psychologie et les personnages "colonisaient", humanisaient, des pans entiers de leur environnement. Ce jeu de vases communicants entre individus, cadre de vie et d’action, rappelle indubitablement le cinéma d’un Jacques Tati avec qui Iosseliani entretient plus d’un lien de parenté.
Ici, avec la mort de Marie-Agnès de Bayonnette, c’est tout un univers fait de quiétude, de convivialité, qui s’effrite et s’écroule. Certes, sans grand fracas, Iosseliani n’est pas un romantique ténébreux comme le fut Visconti. Tout, dans cette Chasse aux papillons, est appréhendé en demi-teintes ; les moments de véritable angoisse sont rares, et souvent abordés avec humour et dérision. Le cinéaste dépeint, aujourd’hui, avec la même justesse la province française que, jadis, les petits bourgs de sa terre natale. S’il regrette que d’inestimables châteaux soient vendus à de riches Japonais, il n’est pas non plus tendre envers l’ex-Soviétique Olga qui, soudain, prend des grands airs (le complexe de la Russie des tsars n’est pas forcément une bonne chose) et se met à donner des ordres au petit personnel français du château dont sa mère vient à peine d’hériter.
La Chasse aux papillons est une fable désabusée sur le nouveau tournant que prend le monde : tout y sera plus dur, plus mercantile ; il y aura moins de fraternité et de solidarité, et Iosseliani ne peut manquer de le regretter à travers les images nostalgiques d’un mode de vie qui disparaît."
" Il y a un rythme Otar. Et un charme Iosseliani. Un charme qui naît du rythme, d'ailleurs, à la fois paisible, nonch
" Il y a un rythme Otar. Et un charme Iosseliani. Un charme qui naît du rythme, d'ailleurs, à la fois paisible, nonchalant, presque paresseux. Un rythme qui semble tenir le temps à distance, qui semble offrir au temps la possibilité de le prendre et, donc, de souffler un peu. Illusion, bien sûr. Le temps, comme tout le monde, obéit à Iosseliani à la seconde près (les monteurs qui travaillent sous ses ordres pourraient témoigner de sa méticulosité).
Mais l'art d'Otar consiste précisément à nous faire croire à l'apparent désordre de ses mécanismes d'horlogerie, à la fausse futilité de ses fables. Or donc, après avoir, en entomologue, disséqué sa terre natale, la Géorgie (Il était une fois un merle chanteur et Pastorale), puis l'Afrique (Et la lumière fut), voici qu'il installe sa caméra dans un village plus français que nature. Avec un accordéoniste à chaque coin de rue. Des péniches, droit sorties de L'Atalante, glissent sur les eaux, accompagnées par une ritournelle mélancolique. Aux fenêtres d'un immeuble, deux voisines papotent : « Il n'est pas encore réveillé, celui-là ? », demande l'une d'elle. L'autre tire alors sur un fil qui ouvre un volet. La caméra se glisse à l'intérieur de la chambre. Le travelling qui longe une table couverte de cadavres (de bouteilles) prouve que l'on a festoyé et pas qu'un peu. Du lit émerge une silhouette hagarde qui s'enfourne une gorgée d'alcool en guise de petit déjeuner et va dégueuler un bon coup avant de se couler dans des vêtements sombres que l'on devine, peu à peu, être une soutane... Oui, c'est le curé du village. Un curé curieux qui avale de la vodka au réveil, tel un bon Géorgien, et ne s'étonne pas, dans son église, que l'on célèbre un office des morts en slavon. Illogique, tout cela est illogique...
Il y a beaucoup de petits vieux très verts dans ce village si français. Et beaucoup de châteaux, aussi. Celui du notaire, M. de Lampadère, est une merveille de rigueur, d'ordre et de propreté. Même les chiens y gambadent avec des patins aux pattes et un vieux domestique passe automatiquement l'aspirateur après le passage de touristes, guidés par une Noire superbe, la belle-fille du notaire. Une Noire qui vante devant des Japonais les toiles de ses « ancêtres » blancs... Illogique, tout cela est de plus en plus illogique... L'autre château visiblement le préféré de Iosseliani est un capharnaüm charmant occupé par deux vieilles cousines. La propriétaire est russe mais porte fièrement le nom de Marie-Agnès de Bayonnette (oui, tout cela est illogique, etc., etc. !) C'est une dame fragile qui vit dans les photos d'un passé qu'elle contemple sans cesse. Sa cousine, Solange (...), c'est le contraire. Bon pied, bon oeil, elle joue du trombone dans l'orchestre local, en compagnie du curé quand il a dessoûlé. Elle chasse à l'arc des poissons qu'elle fait cuisiner pour un groupe de « krishnas » que sa cousine a recueillis et, de temps à autre, se fait un flipper dans le tabac du coin. Ce qui l'agace, Solange, ce sont les tentatives japonaises pour acquérir le château. Enfin quoi, elles n'ont que 80 ans toutes les deux ! (...) Pourtant, pouf, un beau matin, Marie-Agnès de Bayonnette s'éteint. Iosseliani filme cette mort avec tendresse.
Tandis qu'elle semble s'endormir, on voit le fantôme de son mari, un officier russe mort en duel (qu'Iosseliani interprète lui-même) monter les marches du château, parcourir les chambres et déposer une cigarette près de son épouse endormie. La vieille dame revient à elle, tire une bouffée de cette cigarette mystérieusement apparue puis s'éteint. C'est cela, la mort pour un artiste comme Iosseliani : on part en fumée. Mais qui part en fumée, exactement ? Marie-Agnès de Bayonnette ? Non, tout un mode de vie, un art de vivre, que symbolise ce château vétuste, encombré de souvenirs inutiles. Que symbolisent-elles, d'ailleurs, ces deux cousines si vieilles, si désuètes et si fragiles, sinon notre chère vieille Europe, cernée par la technologie moderne (...)
Ce sont les héritiers français de Marie-Agnès de Bayonnette que Iosseliani pourfend. Et les Soviétiques ! Ah, ceux-là en prennent pour leur grade... Impossible pour Solange de donner un coup de fil à Moscou, tant les lignes téléphoniques sont surveillées. « Petits fonctionnaires, petits espions, petits imbéciles ! », s'énerve Solange. Pour quelques sous qui lui permettront tout de même de s'acheter des babioles avenue Montaigne la fille de l'héritière de Marie-Agnès vend aux Japonais le passé de son aïeule. Mais comment pourrait-elle comprendre, cette Soviétique sans Histoire, que des fantômes, parfois, le soir, hantent le château pour y jouer au billard ? Otar, lui, le sait et le dit.
Et il le dit avec un humour tranquille et charmeur. Moment incroyable chez M. de Lampadère : à côté d'un émir qui compte ses diamants, il prend une leçon de chant donnée par deux krishnas, soutenu par la voix de son domestique, vieux ténor qui sert en même temps les consommations... Illogique, oui, puisqu'on vous le dit...
Mais à quoi sert la logique ? A quoi sert d'avertir logiquement les hommes des dangers qui les menacent ? Ils n'écoutent rien et, gaiement, s'en vont à la chasse aux papillons. Mieux vaut espérer les voir déceler, dans un rire, l'amorce de la gravité. Chez Iosseliani, l'absurde sert donc de loi et de morale."
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