Pour sa première réalisation, Garth Davis signe une épopée poignante à laquelle il serait difficile d’accorder le moindre crédit si on ne la savait véridique. Au cœur d’une Inde où la beauté des décors naturels n’a d’égale que la grande misère environnante, Saroo vit dans un taudis, mais heureux entre sa mère, sa petite sœur et son grand frère Gudu. Les deux enfants ont l’habitude d’être livrés à eux-mêmes. Un soir, dans une gare, fatigué d’attendre son frère qui ne revient pas, Saroo décide de se coucher dans un wagon. Il n’imagine pas que, durant la nuit, le train l’emmènera à plus de 1600 kilomètres de chez lui, dans la grande ville de Calcutta, là où il n’a aucun repère et où les habitants ne parlent pas le même dialecte que lui. Devenue la proie de trafics en tous genres, il devra apprendre à déjouer tous les dangers pour finalement atterrir dans un orphelinat. Un récit digne des meilleurs romans de Charles Dickens mais qui ne tombe jamais dans le misérabilisme ni le pathos. Garth Davis filme avec délicatesse et poésie les aventures de son jeune héros en n’en retenant que le meilleur. La frimousse malicieuse du jeune Saroo et son humour innocent feront le reste et ne manqueront pas de faire fondre les cœurs même les plus aguerris.
La deuxième partie, consacrée à la nouvelle vie de Saroo, nous ouvre les portes d’un nouvel univers : celui d’un foyer chaleureux au sein duquel Saroo deviendra à la fois citoyen australien et fils reconnaissant. Le récit se consacre alors surtout aux relations entre les parents adoptifs et les enfants adoptés. Si l’espace de quelques instants, l’émotion se fait plus ténue, l’intérêt est revigoré par l’arrivée de Dev Patel,(le Jamal de Slumdog Millionnaire) incarnant un Saroo adulte à l’authenticité forte d’une palette de sentiments aux multiples nuances, face à une Nicole Kidman qui, dépouillée de strass et de paillettes, nous bouleverse dans le rôle de cette mère adoptive en proie à bien des interrogations. En plus d’une interprétation remarquable, Lion fait mouche grâce à la puissance de son histoire même si l’on peut regretter que les amours du jeune homme avec sa compagne (Rooney Mara) et les liens avec son frère, adopté lui aussi mais rongé par le mal-être, soient survolés. Si Saroo vit en parfaite harmonie avec son pays et ses parents adoptifs, il suffira d’une rencontre avec d’autres jeunes indiens pour que les souvenirs affluent. La nécessité de renouer avec ses racines s’impose alors de manière obsessionnelle. Grâce à des recherches sur Google Earth, il parvient à localiser son village natal et à retrouver sa famille. Le télescopage de sa vie d’adulte et de sa vie d’enfant nous offre une nouvelle fois des moments intenses à l’émotion vibrante mais jamais larmoyante.
Certains ne manqueront pas de noter que Lion ne fait que confirmer l’hégémonie de la puissance occidentale volant généreusement au secours d’un pays pauvre plus préoccupé par son développement bouillonnant que par le sort de ses enfants. Pourtant, ce drame bouleversant à la redoutable efficacité n’a d’autre ambition que de susciter pudiquement l’émotion et de nous régaler d’un récit aux allures de conte moderne. Il y parvient parfaitement.
Claudine Levanneur, 20/02/2017