"Du prétexte cocasse de la pièce Life of Riley, d’Alan Ayckbourn, dramaturge britannique qui lui avait déjà inspiré Smoking/No Smoking en 1993, et Cœurs en 2006, Alain Resnais a tiré un film qui mêle avec bonheur les artifices du théâtre et le plaisir du cinéma. Alain Resnais aimait que les dialogues de cinéma sonnent comme des répliques de théâtre. Il a demandé au dramaturge Jean-Marie Besset de traduire et d’adapter le très british Ayckbourn (comme en leur temps le duo Jaoui-Bacri, puis Jean-Michel Ribes). Avec toujours cette touche singulière de bande dessinée (tableaux de transition d’une scène à l’autre, d’un lieu à un autre, peints par Blutch) et d’images tournées sur des routes de campagne dans le nord de l’Angleterre.
Son fidèle décorateur, Jacques Saulnier, est aussi un architecte. Les personnages évoluent dans des décors fixes qui évoquent leur cadre de vie (...).
Alain Resnais avait adopté les ressources infinies de l’ordinateur pour le découpage, les jeux de lumières, le déplacement des acteurs. Il jonglait avec les techniques, au nom d’un principe, réaffirmé jusqu’au bout. « Sans forme, pas d’émotion », rappelait-il, en février, dans le dossier de presse distribué au Festival de Berlin où son 22e film, enjoué, heureux, bondissant, plein de vie, était en compétition.
Sensible à cet impératif, si magistralement orchestré, le jury accorda, légitimement, à ce metteur en scène de 91 ans, toujours innovant, le prix du « film qui ouvre de nouvelles perspectives au cinéma ». D’un argument de boulevard, Alain Resnais a composé une comédie subtile et drôle, merveille d’intelligence et d’esprit, servie par une distribution de rêve, avec des acteurs excitants dont le plaisir à jouer cette partition est visible et communicatif. Plus que l’image d’une « troupe », il revendiquait la rencontre magique entre des comédiens dont il appréciait la compagnie et la virtuosité. (...)
A la sortie de cet ultime film, Jean-Luc Douin, auteur d’Alain Resnais (Éd. de La Martinière), rend ainsi hommage au cinéaste : « Alain Resnais rajeunissait en vieillissant et allait de plus en plus vers des registres légers, vers le divertissement, sans négliger la part de profondeur, de gravité. Il aimait le rêve, l’évasion et comblait le prosaïsme du quotidien par l’imaginaire. Chez lui, la vraie réalité est intérieure. Aimer, boire et chanter est un aboutissement. On y retrouve son goût du théâtre, dont il aimait les conventions et les artifices sans les gommer, son anglophilie, son plaisir infini à voir jouer et à filmer les acteurs. La grande prouesse de son cinéma était de composer des œuvres légères et drôles, hantées par la mort, et de relever des défis. Il est mort alors qu’il travaillait sur son nouveau film. Il avait le titre : Arrivée-départ. »"
Jean-Claude Raspiengeas
Un ennui mortel, pour un cinéma dun autre temps.