" De tous les révoltés, de tous les agressifs des précédents films de Mike Leigh, il ne reste plus que Carl. Mais ce n'est qu'un second rôle. A l'enterrement de sa mère, il débarque, l'insulte aux lèvres, la rage au coeur, aussi noir, aussi dépenaillé que le héros de Naked, il aboie sa rancoeur et son dégoût au visage de ce père qu'il hait, puis disparaît aussi brusquement qu'il était apparu. Contrairement à lui, les autres personnages d'Another year n'ont plus la force de gueuler, et ça les rend presque plus dérisoires, davantage pantelants. Le temps de leur révolte est loin, c'est à peine s'ils s'en souviennent. D'ailleurs, seuls leurs corps bougent encore (...)
En de rares instants, on sent une lassitude chez les vertueux que sont Tom et Gerri. Et peut-être même une vague condescendance pour ces pauvres malheureux qui n'auront pas su égaler leur équilibre et leur sagesse. Au vol, on saisit le sourire (compatissant ? moqueur ?) de Tom sur son pote en larmes. Et le regard (résigné ? méprisant ?) de Gerri pour sa copine, un peu ivre, qui s'est blottie dans ses bras.
A vrai dire, ces deux saint-bernard, ces deux « saints laïcs » doivent agacer Mike Leigh. Toute son oeuvre le prouve : il n'aime que les cinglés, les hystériques et les réfractaires. A ce couple gluant de bonté, il préfère, évidemment, cette Mary insupportable qu'une de ses actrices favorites, Lesley Manville, interprète avec la frénésie - très contrôlée - de Gena Rowlands chez John Cassavetes. Rien que pour Mary, il imagine un de ces face-à-face tragi-comiques entre solitaires extravagants qu'il affectionne tant (...)
Il est si amoureux de Mary, Mike Leigh, qu'il lui offre le plus beau plan de son film. Et le plus inattendu. Lui dont les mises en scène se veulent invisibles, il invente un panoramique remarquable - et on le remarque ! -, qui glisse sur les personnages, devenus des comparses, des fantômes, pour s'arrêter sur elle et ne plus la quitter. Elle et ses mots en trop, ses mecs en trop, sa petite voiture rouge en trop - bref, sa vie en trop dont tout le monde se fiche... La lumière des saisons change selon les sentiments des personnages. Tout - leurs petits malheurs, leurs mini-joies - passe dans un souffle. Comme dans ces pièces de Tchekhov où tout est joué, alors qu'il reste tant à faire, que nul, jamais, ne fera."
Pierre Murat
... l'un des plus beaux films de 2010... tout simplement.
Bien aimé au départ lapproche très anglaise du ce sont les petites choses qui font la vie (une tasse de thé, les légumes du potager). Mais à la réflexion,...
Lire la suitesublime d'humanité. Le plus beau filmque j'ai vu depuis des mois. Des gens simples dans un film quiest pour moi une leçon de cinéma.