Melville : " Ce n'est pas mon métier de délivrer des messages..."
Dans un entretien avec Rui Nogueira (publié en 1973, "Le Cinéma selon Melville"), le réalisateur précise que son f1
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D'après l’œuvre célèbre de Béatrix Beck (Prix Goncourt 1952), le face à face intense entre un homme qui croit en Dieu et une femme qui croit en la politique.
Barny, bien que marxiste, est intriguée par le mystère de la religion. En confession, elle provoque le jeune prêtre, Léon Morin, qui ne se refuse pas au dialogue. Sur le point de se convertir, elle découvre qu'elle aime le prêtre... « Ce qui m’a attiré dans le livre de Béatrice Beck que j’avais envie de porter à l’écran depuis sa parution (1952), dit Melville, c’est le personnage de Léon Morin, à cause de cette façon non autobiographique de se raconter qui est propre, je crois, à tous les créateurs, puisque si j’avais été prêtre, j’aurai agi comme lui… Un metteur en scène doit pouvoir se déguiser, dans chacune de ses entreprises, dans un costume de la couleur de ce qu’il raconte. » Le futur auteur du "Doulos" et du "Cercle rouge" met alors en scène la confrontation amoureuse et politique comme un face à face intense entre le Ciel et la Terre, où le trouble naît du sentiment. Belmondo, magnifique, y tient l'un des rôles les plus surprenants de sa carrière.
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"La tentation était grande pour un cinéaste de reprendre ce procédé, d’exprimer la fascination en la
"La tentation était grande pour un cinéaste de reprendre ce procédé, d’exprimer la fascination en la faisant subir au spectateur. Or la réalisation de Melville va dans un sens radicalement opposé. D’un roman subjectif il a fait un film objectif. Le roman d’une crise est devenu le film d’un cas.
Faut-il parler alors de sécheresse, de froideur ? Ce serait méconnaître cette grande tendance de l’art français à laquelle Melville se rattache depuis ses tout premiers films : celle qui fonde son pouvoir sur la pudeur, l’ellipse, la maîtrise de la sensibilité. A l’encontre du cinéma d’Antonioni ou de Colpi qui spécule sur la longueur des plans, la lenteur du rythme, la fluidité charmeuse de son regard impressionniste, Melville brise sans cesse son récit pour mieux nous en détacher, affranchir notre jugement. Et c’est évidemment à Bresson et à Resnais que son style fait songer."
"En illustration de ce duel métaphysique et (tant pis, lâchons le mot) psychologique, voici les lâchetés, le
"En illustration de ce duel métaphysique et (tant pis, lâchons le mot) psychologique, voici les lâchetés, les petites et les grandes misères de l’occupation et de la libération. Là encore, discrétion de J.-P. Melville préférant à la fresque lourdement orchestrée l'humble vérité de mille détails furtifs, et recourant constamment, pour dire ce qu’il avait à dire sur cette encore délicate question, à la litote. Avec Léon Morin, prêtre, j’ai l'impression que Melville nous a donné le film le plus juste, le plus authentique que l’on ait tourné sur les années noires.
C’est Henri Decae qui a mis sa science de l'image au service de cette histoire habilement grise. Quant à l’interprétation, elle est remarquable. Emmanuella Riva vit toutes les nuances de ce rôle complexe : d’abord esprit fort, ergoteuse pathétiquement primaire, puis déchirée entre âme et chair, toujours écorchée vive et pourtant jeune femme saine et rieuse. Quant à J.-P. Belmondo, noire Baby Bogart, en jeune boxeur de la foi, ex-sale gosse mal aimé devenu un de ces prêtres en soutane usée mal vu de l’évèché, citoyen-prêtre et camarade-abbé, il est admirable de naturel et de sobriété. Ces deux acteurs, E. Riva et Belmondo, donnent ici la preuve de leur très grand talent."
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