" Benoît Jacquot, qui a déjà adapté deux romans-clés de la littérature amoureuse (Adolphe, de Benjamin Constant, et Les Ailes de la colombe, de Henry James), tire de cette affaire une métaphore fulgurante de la passion - littéralement, quelque chose que l'on subit... A deux ans près, Au fond des bois se déroule exactement à l'époque de L'Histoire d'Adèle H., l'inoubliable portrait, par François Truffaut, de la fille de Victor Hugo en proie à la « religion de l'amour » et y perdant à jamais la raison. Mais le film de Jacquot sonne comme une réponse vigoureusement contradictoire à celui de Truffaut.
Car, cette fois, la passion, si violente soit-elle, est un pays d'où l'on revient. Le dérèglement des sens, l'attraction irrépressible, l'envie de marquer la chair de l'autre ne sont qu'un moment à vivre « au fond des bois », dans un arrière-monde, en deçà de la conscience et du discernement, avant de reprendre ses esprits et sa position sociale. L'homme fruste devient le maître de la jeune bourgeoise au cours de leur escapade sauvage, puis son alter ego. Mais, de retour à la vie civilisée, à quoi peut-il s'attendre ? La concision du film, tout le temps aigu, ajoute encore à sa cruauté. Pourtant, Au fond des bois dépasse le tableau clinique, dégrisé, de la passion. Il y a la fièvre de la cavale à deux, que Jacquot sait exalter, dans une sensualité fruste. Il y a l'idée que semblable aventure est nécessaire, fructueuse et même salutaire - c'est le père de la « magnétisée » qui tombe malade et non elle. Il y a enfin, pour ceux qui aiment débusquer dans les films une réflexion sur le cinéma, l'image, en filigrane, de la relation entre metteur en scène et interprète. "